TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 12 novembre 2012

Recordmen d'impopularité : les déçus de François Hollande sont-ils les mêmes que ceux de Nicolas Sarkozy ?

Selon un sondage Ifop pour Paris Match, le chef de l'Etat est crédité de 42% d'opinions favorables en novembre. A la même période en 2007, 59% des sondés faisaient confiance à Nicolas Sarkozy.

Six mois après son élection, François Hollande est déjà passé sous la barre des 50% d'opinions positives. Comme Nicolas Sarkozy, il est donc confronté à une forte impopularité. Celle-ci est-elle de même nature ?

Jérôme Fourquet : Il faut d'abord préciser qu'à la même époque de son quinquennat, Nicolas Sarkozy était encore à 59 % d'approbation. Le décrochage de Nicolas Sarkozy est intervenu plus tard, près d'un an avant son élection, entre décembre et janvier 2008. Durant la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy avait su créer de vraies espoirs et un engouement. Cela n'a pas été le cas pour François Hollande qui a gagné grâce à son projet, mais aussi grâce au rejet de Nicolas Sarkozy. Par ailleurs, François Hollande est élu sur un programme relativement modeste et dénué de promesses. Cela explique l'absence d'état de grâce après son élection. Les préalables au moment de la campagne ne sont pas les mêmes. Enfin, le contexte économique et social impose à François Hollande des choix très douloureux qui expliquent son dévissage très précoce.
Aujourd'hui, lorsque François Hollande récolte 42% d'approbation, il est approuvé par 82% de ses électeurs du premier tour. Il récolte également 64 % d'approbation chez les électeurs de Jean Luc Mélenchon. En revanche, il ne récolte que 40% d'approbation dans l'électorat de François Bayrou, 6% d'approbation dans l'électorat de Nicolas Sarkozy et 15% dans celui du FN. François Hollande garde le soutien de son électorat naturel, mais souffre d'une opposition virulente et massive des électeurs de droite et d'extrême droite. On est dans la prolongation du combat de la présidentielle. François Hollande n'a aucune clémence à attendre du camp d'en face contrairement à Nicolas Sarkozy qui bénéficiait d'une certaine bienveillance dans une partie de l'électorat de gauche.

Qui sont les déçus de François Hollande ? A  quelles catégories socio-économiques appartiennent-ils ?

Jérôme Fourquet :  La chute de François Hollande a été assez générale. Il chute de 21 point sur l'ensemble des Français : 22 % chez les cadres supérieurs, 20 % chez les professions intermédiaires, 29% chez les employés et 15% chez les ouvriers. Sa cote de popularité s'élève à 40% chez les ouvriers, 47% chez les professions intermédiaires, 54 % chez les cadres supérieurs. Les chiffres ne sont élevés nulle part, même si François Hollande est plus haut dans les catégories aisés qui résistent à la crise que dans les catégories populaires. Mais, il n'y a pas de mouvement spectaculaire qui s'est dessiné. La baisse est étal dans pratiquement tous les milieux professionnels.

Durant la campagne présidentielle, François Hollande avait réussi a récupérer une partie des classes populaires qui ces dernières années échappaient à la gauche. Est-il en train de perdre de nouveau ces catégories qui au premier tour s'étaient parfois tournées vers les extrêmes ?

Plus con on ne sait pas faire....
Jérôme Fourquet : François Hollande conserve une cote de popularité de 40% chez les ouvrier ce qui correspond quasiment à la moyenne. Par ailleurs, il ne chute que de 15 points ce qui est moins que la moyenne. Chez les employés sa cote de popularité n'est que de 35% et sa baisse a été beaucoup plus forte. Mais l'essentiel de la baisse n'est pas le résultat de l'abandon de classes populaires qui avaient rejoint François Hollande. Encore une fois, il s'agit d'une baisse générale. Les classes populaires avaient décroché plus rapidement au début du mandat de Nicolas Sarkozy car elles avaient beaucoup cru au discours du "travailler plus, pour gagner plus..." 

La chute de popularité de François Hollande est-elle homogène dans toutes les catégories d'âge ?  

Jérôme Fourquet : Non, il se passe clairement quelque chose en terme de génération. François Hollande baisse de 13 points chez les 18-24 ans, 19 points sur les 25-34 ans, 26 point sur les 36-49 ans, 27 point sur les 50-64 ans et 18 points sur les 65 ans et plus. C'est sur les tranches d'âge du milieu, cet à dire la France active, que la baisse est particulièrement forte. C'est aussi la population qui est en âge d'avoir des enfants et sur laquelle les charges financières sont les plus importantes : scolarité des enfants, emprunts immobiliers, difficultés à payer les impôts... C'est cette tranche d'âge là qui est la plus fragilisée par la crise. La baisse est générale, mais encore plus accentuée sur les maillons de la population les plus exposés à la crise.

L'érosion de Nicolas Sarkozy a-t-elle été, elle aussi, homogène dans toute les catégories de la population ou a-t-elle été plus marquée dans certaines catégories ?

Jérôme Fourquet : L'érosion de Nicolas Sarkozy a été assez similaire, même si les personnes âgées l'ont soutenu plus longtemps. Le socle électoral de Nicolas Sarkozy était majoritairement composé de 65 ans et plus tandis que François Hollande était le candidat le populaire chez les jeunes. Mais dans les deux cas, le maillon faible est les 35-49 ans.

Si l'on compare l'effondrement des cotes de popularité de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, on s'aperçoit que les déçus de l'ancien président de la République comme ceux du nouveau locataire de l’Élysée appartiennent à toutes les catégories socio-économiques. Cela signifie-t-il qu'il n' y a plus de "vote de classe" en France ? Comment analysez-vous cette évolution ?

André Bercoff : Cela signifie surtout que la méfiance envers les représentations politiques, qu’elles soient de droite ou de gauche, ne fait qu’augmenter à chaque élection, et ce n’est pas fini. A tort ou à raison, les citoyens pensent de moins en moins que la politique peut faire quelque chose pour eux. La mondialisation - ses bonheurs et ses béances, la formidable poussée des pays émergents correspondant à une Europe méridionale en peau de chagrin - constitue désormais, n’en déplaise à Le Pen et Mélenchon, l’horizon apparemment indépassable de notre temps. Jusqu’à preuve (pas évidente) du contraire… Par ailleurs, le fait que François Hollande, de façon relativement courageuse, détricote en six mois une bonne moitié de ses promesses électorales, achève un tableau dans lequel l’économie et la finance jouent de plus en plus les marionnettistes vedettes. Qui peut en vouloir aux précaires comme aux protégés, dans ces conditions, de carburer au pessimisme plus ou moins résigné ?
Thomas Guénolé : Pas exactement. Il existe en temps normal, non pas un vote de classe mais un vote de catégories socio-professionnelles. Cependant,  en situation de crise, les déceptions s'accumulent, et la défiance par rapport aux hommes politiques s'accélère. La fidélité de l'électorat-socle s'érode.
Circonstance aggravante, les remèdes utilisés pour l'instant par la droite puis par la gauche sont fondamentalement les mêmes: politique d'austérité et augmentation des prélèvements obligatoires. Des options par définition impopulaire pour les personnes qui sont touchées. Or si la droite touchait quasiment toutes les catégories sociales dans son augmentation des prélèvement obligatoires,  la gauche a d'abord mis en place une première vague de prélèvements obligatoires qui touchait plutôt les tranches supérieures mais est en train de mettre en place une seconde vague qui touchera également les catégories  "inférieures" en terme de revenus.
Autre élément qui génère de l'anxiété et de la frustration : la société française dans son ensemble est beaucoup mieux informée et éduquée qu'autrefois sur les ressorts et les rouages de la crise qui nous frappe, ainsi que sur les raisons de notre déclin économique et géopolitique. Les Français comprennent de plus en plus clairement que les hommes politiques ont de moins de pouvoir et de marges de manœuvre, principalement du fait de l'internationalisation des finances, des flux économiques en général et des flux de main d'œuvre. Il y a une frustration des électeurs face à l'impuissance croissante du pouvoir politique. Dans ce contexte, il y a une crise de confiance vis-à-vis des hommes politiques et des partis politiques en général, qu'on observe à travers le baromètre fin 2011-début 2012 de la confiance du CEVIPOF.
Comme Nicolas Sarkozy, François Hollande est touché de plein fouet par la crise économique qui se transforme en crise du politique. Avec une circonstance aggravante : un sentiment de flottement et d'amateurisme dans le pilotage du gouvernement. C'est humain car la plupart des membres du gouvernement sont des débutants en tant que ministre, y compris le premier d'entre eux ainsi que le président lui-même. Mais dans des circonstances de crise qui s'aggrave, cette impression de flou aliment encore plus la machine à impopularité.
Dans ce contexte, deux éléments sont très dangereux. On observe des porosités croissante entre la droite et l'extrême droite d'une part et entre la gauche et l'extrême gauche d'autre part. Dans la dernière semaine avant le premier tour, OpinionWay avait souligné que 10 points de l'électorat avait hésité entre Jean-Luc Mélenchon et François Hollande. A la dernière minutes, ils ont voté François Hollande par vote utile et non par adhésion. Si ces électeurs étaient restés sur leur choix initial, Jean-Luc Mélenchon faisait 21% au premier tour. On a assisté au même phénomène de monter des extrêmes dans les années 30. Il y a donc un vrai danger de tectonique des plaques électorales. D'autant plus qu'il y a une conjonction de crises qui frappent la France en même temps. Nous traversons une crise économique et financière, mais aussi une crise démographique. On s'est endetté et sur-endetté pour maintenir le niveau de vie collectif au fur et à mesure que nos gains de productivité des trente glorieuses étaient déclinants, puis absent. Dans le même temps, on n' a pas investi dans la modernisation de notre appareil productif, dans la modernisation de nos ressources humaines par la formation, et on n'a de moins en moins investi dans l'innovation. La facture c'est maintenant !

A la fin de son mandat, Nicolas Sarkozy était impopulaire dans toutes les catégories socio-économiques, mais résistait chez les personnes âgées (65 ans et plus). A l'inverse, François Hollande était le candidat le plus populaire chez les jeunes et s'effondre désormais plus rapidement chez les 50-64 ans. Le véritable clivage politique en France aujourd'hui est-il générationnel ?

André Bercoff : Non, il est fiscal. A partir du moment où il a été démontré au peuple l’immensité de la dette, le brouillard sur les retraites et la sécurité sociale, comme la panne de l’ascenseur social, ne restait plus, aux gouvernants de droite et de gauche qui pratiquèrent pendant plus de trente ans le « courage, fuyons », qu’à tendre l’addition. En continuant la fable des riches qui vont payer - alors qu’ils s’exilent -  et de tous les autres qui seraient épargnés – alors qu’ils reçoivent leur première feuille de paye déjà amputée, le malaise ne peut que s’aggraver.  Si nos gouvernants – à l’échelle nationale et locale – ne  donnent pas immédiatement l’exemple en taillant hardiment dans les dépenses publiques, qu’ils ne s’étonnent pas des prochains retours de bâton.
Thomas Guénolé : C'est un non-dit total du débat politique, mais il existe une guerre de génération dans ce pays. La génération des baby-boomers et la génération qui est quinquagénaire et sexagénaire aujourd'hui, ont sacrifié purement et simplement les quadragénaire, les trentenaires et bien sûr " les vingtenaires". Olivier Ferrand avait développé une analyse très constante sur ce thème qui montrait que notre système économique, politique et social est construit entièrement au bénéfice de l'âge croissant. Un exemple : nous sommes l'un des rares pays où pour toucher les minimas sociaux, il y a une condition d'âge. On est un pays où la promotion se fait à l'ancienneté et où les différentes réformes qui sont faites frappent beaucoup plus les durement les jeunes et beaucoup moins durement "les vieux". Il n'est pas exclu que le clivage générationnel devienne de plus en plus explicite et c'est un vrai danger pour la cohésion de notre société.
En situation de crise, le réflexe rationnel serait de poser le diagnostic et de régler le problème calmement par la concertation. Mais la réaction humaine est de chercher un coupable qui ne soit pas "moi" et d'exiger qu'il paie : l'immigré, le riche, le vieux ou le jeune selon le camp où vous vous trouvez. En situation de crise, le gâteau qu'on a à se partager rétrécit. Il s'agit maintenant de réajuster les parts. La question fondamentale du débat politique contemporain est de savoir : "qui va avoir moins et à quel point ?". Il n' y a malheureusement aucune chance que la facture soit répartie équitablement.




0 commentaires: