TOUT EST DIT

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mercredi 17 octobre 2012

Hollande et l'impôt : de la "révolution fiscale" aux usines à gaz

"Notre système de prélèvements est devenu illisible ; nul ne sait qui paye l'impôt ; les taux apparents ne sont plus les taux réels ; qui peut comprendre quoi que soit à la fiscalité locale, au dispositif des exonérations de cotisations sociales ou encore au mécanisme de la fiscalité écologique ?
A force d'être mitée et minée, notre fiscalité est devenue opaque. Et le Parlement ajoute des 'usines à gaz aux usines à gaz', de la taxe carbone jusqu'à la taxe professionnelle, (...) le système est non seulement illisible, il est instable. Les exonérations de cotisations sociales supposées encourager l'emploi ont changé douze fois en quinze ans de mode de calcul. Comment les entreprises peuvent-elles elles-mêmes faire leurs arbitrages ?"
Ces phases, qui dénoncent l'opacité de la fiscalité française, sont de François Hollande, lors de son discours de Périgueux, le 17 octobre 2010. Celui qui n'était alors que candidat à l'investiture de son parti mettait au cœur de sa campagne un concept, celui de "révolution fiscale". 
Le candidat n'avait alors de cesse de prôner une réforme ambitieuse, inspirée de l'ouvrage des économistes Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Camille Landais et visant à remettre à plat toute la fiscalité française. "La réforme fiscale est un préalable. Elle donne la transparence, la clarté, la progressivité indispensable pour convaincre nos concitoyens de consentir à une contribution. La réforme fiscale a une double vocation : redistribuer justement et financer efficacement", disait M. Hollande dans le même discours.

Deux ans plus tard pourtant, le président Hollande et son gouvernement semblent avoir définitivement tourné le dos à ces promesses. La fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG), cœur de la "révolution fiscale", a été renvoyée à la fin du mandat, si elle se fait. Et le premier projet de loi de finances de l'ère Hollande est surtout truffé de ces fameuses "usines à gaz" que dénonçait le candidat.

1/ Taxe à 75 % : d'une idée de campagne à la recréation d'un bouclier fiscal
Exemple le plus récent : le devenir de la fameuse taxe à 75 % sur les revenus au-delà d'un million d'euros. L'idée, lancée par un candidat Hollande dont la campagne peinait à trouver un second souffle, avait structuré les débats et joué un rôle symbolique majeur. Mais son application est aussi complexe que son énoncé était simple.
Crétin Ier à l'Elysées avec Moyrand
Créer une simple tranche posait une série de problèmes, dont le plus gros était le risque d'inconstitutionnalité. En cumulant cette tranche avec les autres impôts frappant les plus aisés (ISF, surtaxe exceptionnelle...), on risquait d'arriver à des taux confiscatoires, ce qu'interdit le Conseil constitutionnel.
Pour éviter ce risque, et régler les nombreux cas potentiellement problématiques (sportifs de haut niveau, artistes...), la taxe est devenue "exceptionnelle" et limitée dans le temps : elle ne s'appliquera qu'en 2012 et 2013. Pour qu'elle ne se mélange pas à l'impôt sur le revenu, elle sera perçue non sur le foyer mais sur chaque individu. Ainsi, un couple où chacun gagne 999 000 euros ne sera pas taxé, quand un célibataire gagnant 1,2 million d'euros, lui, payera 150 000 euros.
Surtout, pour parer à tout risque de censure des "sages", le gouvernement a dû remettre en place un "plafonnement global" de l'impôt. Nul ne pourra être taxé à plus de 75 % en cumulant ISF, impôt sur le revenu et taxation exceptionnelle. Ce qui revient à une forme de bouclier fiscal, certes remanié. Qui sera lui-même limité grâce à un "plafonnement du plafonnement"... Le tout concernera 1 881 contribuables pour la taxe à 75 %, et autour de 6 000 foyers pour le plafonnement global. Ce dernier représentera un manque à gagner de l'ordre de 667 millions, quand la taxe exceptionnelle de 75 %, elle, rapportera 320 millions d'euros.
2/ "Pigeons"  : une usine pour des chefs d'entreprise
La lisibilité est encore pire s'agissant de la taxation des plus-values de cessions mobilières, en clair de la revente de parts d'entreprises. Le projet de loi de finances prévoyait de la taxer plus fortement, en la soumettant, comme c'est l'objectif général, au "barème". L'idée est de taxer ce type de revenus dits "du capital" comme l'impôt sur le revenu, avec un barème progressif et un système de tranches.
Mais les entrepreneurs high-tech, pour qui la revente de parts de société constitue un mode de financement, ne l'ont pas entendu de cette oreille. Réunis dans un collectif des "pigeons", ils ont obtenu rapidement gain de cause. Le projet de loi de finances prévoit donc un nouveau système, encore en négociation, mais dont les grandes lignes sont... tout sauf simples. Les entrepreneurs seront taxés au barème progressif, sauf s'ils ont plus de 10 % des parts de l'entreprise depuis plus de cinq ans (ils ne seront alors taxés qu'à 19 %).
Pour les autres, il sera possible d'attendre pour obtenir des abattements progressifs, qui iront jusqu'à 40 % au bout de six ans de détention. Mais si l'argent de la plus-value est réinvesti, ou si la cession intervient en cas de retraite de l'entrepreneur, elle sera défiscalisée. Dans un premier temps, ces mesures ne devaient être en place que pour les cessions intervenues après le 1er janvier 2012, mais cet état de fait pourrait être corrigé en créant un régime spécifique pour les cessions de cette année, sous la forme d'un prélèvement forfaitaire majoré ou d'un abattement spécifique...
Cumulés, ces aménagements représentent un manque à gagner de 750 millions d'euros. Qui sera compensé en maintenant une année de plus une taxe exceptionnelle de 5 % sur les grandes entreprises.
3/ Tarification progressive de l'énergie : un projet... complexe
En matière d'usine à gaz, il est assez ironique que la palme revienne à un projet de loi portant sur l'énergie. La tarification progressive, qui sera examinée par le Sénat fin octobre, veut permettre aux ménages modestes de payer moins cher leur chauffage et leur électricité. Pour y parvenir, les députés ont imaginé un système de bonus-malus.
Pour faire simple, on calcule un "volume de base" correspondant aux "besoins essentiels" d'un ménage en énergie. Il est modulé en fonction du nombre de membres du foyer, du mode de chauffage et de la zone climatique où se situe le logement. Huit zones ont été distinguées en France métropolitaine, avec chacune un "coefficient de rigueur" qui définira les tarifs énergétiques. Collectées par les services fiscaux, ces informations iront ensuite aux fournisseurs d'énergie, qui calculeront le tarif final appliqué pour chaque foyer, qui sera avantagé ou désavantagé en fonction de sa consommation finale.
Mais pour ne pas pénaliser les ménages dont le logement, mal isolé, consomme trop, une partie du "malus" pourra être défalquée de son loyer, s'il est locataire. Par ailleurs, un "dispositif d'accompagnement" viendra aider les foyers pauvres à améliorer leur isolation, notamment à travers un tarif spécial destiné à 4 millions de foyers pauvres. Il faut encore évoquer les cas particuliers de chauffages collectifs ou des étudiants, traités à part...
4/ Œuvres d'art, résidences secondaires, DOM... Les exceptions sont légion
Si le candidat Hollande dénonçait volontiers une fiscalité "mitée et minée" par les exceptions et les niches, le président Hollande ne s'est pas montré très sévère à cet égard. Malgré un "coup de rabot" global de 10 % et un plafonnement  à 10 000 euros, le projet de loi de finances 2013 prévoit 70,7 milliards d'euros de niches, contre 70,8 dans celui de 2012.
Et certaines ne seront pas sujettes à ce coup de rabot ni au plafond global. C'est le cas des niches outre-mer, qui sont pourtant, pour certaines, régulièrement dénoncées comme des moyens de défiscalisation pour les plus aisés.
Le gouvernement et l'Assemblée se sont aussi livrés à des valses-hésitations, comme sur la question d'incorporer les œuvres d'art dans le patrimoine soumis à l'impôt sur la fortune. Ce ne sera finalement pas le cas, le gouvernement ayant renoncé, devant le tollé déclenché par l'idée dans les milieux culturels, à les taxer. Pourtant, certains ministres, comme Aurélie Filippetti (culture) ou Jérôme Cahuzac (budget), avaient pris position en faveur d'une telle taxation. 
On peut encore citer le cas des résidences secondaires, que le gouvernement envisageait de soumettre à la redevance audiovisuelle, qui finance télévision et radio publiques. Mais il y a également renoncé, ouvrant la voie à une hausse de ladite redevance, de l'ordre de 4 à 6 euros.

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