TOUT EST DIT

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vendredi 10 août 2012

Syrie : l'internationalisation de la crise 


C'est « la » guerre du moment. Avec ses atrocités, ses impasses, ses surenchères. Celle qui attire, comme du miel, mercenaires et islamistes de tout le Moyen-Orient, espions et diplomates de toutes les grandes puissances. Celle qui ressemble, chaque jour davantage, à une guerre civile qui s'embrase, en suivant une dynamique d'autant plus préoccupante que l'appartenance communautaire et religieuse reste le socle structurant de la société syrienne. La guerre qui se joue en ce moment même dans les rues d'Alep, de Damas et de tout un pays, ne concerne plus seulement les Syriens et leur désir initial de participer, eux aussi, au Printemps arabe. Elle implique désormais toute la région, et avec elle, la communauté internationale.
D'abord, parce que l'urgence humanitaire éclate au grand jour depuis quelques semaines. Près de trois cent mille Syriens ont fui leur pays, essentiellement pour la Turquie, le Liban et la Jordanie. Sans compter les innombrables déplacés qui, sous la menace des combats et de l'imprévisibilité du contexte de guérilla urbaine, fuient, quartier par quartier, la barbarie déchaînée par le régime Assad et par une partie non négligeable des rebelles. Exécutions sommaires, vengeances macabres, disparitions. Chez les Syriens de la diaspora, aux quatre coins du monde, le récit de ces crimes alimente quotidiennement les conversations.
Internationale, la crise syrienne l'est aussi depuis des mois pour des raisons politiques et stratégiques. La phase de soulèvement civique n'aura, en fait, duré que quelques mois, l'an passé. Très vite, les livraisons d'armes ont fait basculer cette crise en une guerre ouverte, en partie télécommandée de l'étranger. Moitié revival de la guerre froide, moitié bataille communautaire (chiites contre sunnites) par puissances interposées.
D'un côté, le régime Assad a pu bénéficier du soutien russe et iranien. De l'autre, le Qatar et l'Arabie Saoudite ont clairement soutenu les rebelles. Avec le blanc-seing du camp occidental qui, d'une main, condamnait Moscou et, de l'autre, encourageait en fait, même indirectement, l'escalade militaire. En sachant pertinemment que l'opposition syrienne n'était pas seulement composée d'enfants de choeurs, mais aussi de salafistes et de jihadistes ravis de s'engouffrer dans l'espace syrien comme nouveau terrain de bataille. Tout comme la diplomatie iranienne.
Aurait-on dû négocier davantage avec Moscou une solution contrôlée ? Voir le scénario tunisien s'appliquer à Damas était-il réaliste ? Avait-on alors, et a-t-on aujourd'hui, une alternative viable ? Il y a un an, ces questions furent posées par de nombreux analystes et également par les communautés chrétiennes de Syrie, terrorisées à l'idée de finir comme leurs coreligionnaires irakiens. Aucune réponse satisfaisante ne fut donnée par Washington ni par Paris ; ce qui, au passage, rend très inutile la polémique franco-française des dernières quarante-huit heures.
Urgence humanitaire, impasse politique, tensions communautaires, islamisation de la rebellion, régionalisation de la crise. Tout était écrit, tout se déroule. Assad subit les désertions, mais résiste encore, affaibli par les fractures communautaires de son propre pays, mais aussi renforcé par ce que cette mosaïque facilite, comme jadis au Liban ou en Bosnie : une internationalisation du conflit.

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