Une sénatrice socialiste de Marseille, Samia Ghali, a suggéré l’intervention de l’armée dans les quartiers sensibles rongés par la criminalité. Toute la classe politique s’offusque de cette idée dans un formidable climat de consensus, du gouvernement unanime à l’opposition ump et les deux Fronts (de gauche et national). Le maire de Marseille redoute qu’elle soit perçue comme un signal de guerre civile.
A vrai dire, je ne comprends pas ce que cette proposition a de si scandaleux. L’armée est utilisée, sous l’autorité des commissaires de police, pour sécuriser les gares, les aéroports, les sites névralgiques dans les centres villes en cas de menace terroriste. Pourquoi s’interdirait-on par avance son intervention dans des banlieues défavorisées où des bandes armées font bel et bien régner un climat de terreur et livrent à la police une guérilla urbaine à coups de fusils de chasse et de kalachnikovs ? Je ne dis pas que cette mesure réglerait à elle seule les problèmes, mais le tir de barrage indigné de la classe dirigeante et des élites en général contre une parole qui sort du champ ordinaire de la pensée unique est symptomatique du conformisme ambiant.
« Il y a deux choses qu’un homme ne peut pas contempler en face : le soleil et sa mort » a écrit François Mauriac (de mémoire…) J’en vois pour ma part une troisième, toute simple : la réalité. Depuis plus de trente ans – en gros les années 1980 – de majorité en majorité, la France se heurte aux mêmes difficultés qu’elle ne parvient pas à régler : le chaos des cités, le chômage massif, l’échec de l’intégration et de la maîtrise de l’immigration, la montée de la violence, la désindustrialisation, l’accroissement de la dette publique. Les milieux politico-médiatiques, plutôt que de pousser des cris d’orfraies dès que surgit une parole un tant soit peu transgressive, devraient accepter d’ôter cinq minutes leurs œillères. Qu’est-ce qui ne marche pas dans ce pays, quelle est la cause fondamentale de l’impuissance radicale à traiter le drame français qui est aussi le martyr d’une majorité silencieuse, confrontée à ces maux?
Creuser cette question, c’est immédiatement s’en prendre à l’essentiel du socle de notre conformisme national : des institutions de la Ve République qui ne fonctionnent absolument plus car le pouvoir politique a abdiqué son autorité face à la juridiction constitutionnelle et aux tribunaux, une « bruxellisation » de la société française, marquée par le diktat d’une bureaucratie communautaire. Les élites appellent cela « construction européenne. » Pour ma part, je n’y vois que destruction de l’Europe. La classe politique et médiatique s’en sort aujourd’hui par un processus de diabolisation de tout ce qui s’éloigne des sentiers battus. Toute idée qui la trouble, lui déplaît, se voit « extrême-droitisée » ou « lepénisée ». Mais tous les murs finissent un jour par tomber, y compris les plus solides murailles idéologiques. Voilà pourquoi nous gardons espoir et continuons à nous battre avec nos blogs minuscules, à l’image de ces gouttes d’eau qui composent la mer et ses vagues déferlantes.
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