vendredi 3 août 2012
En élisant François Hollande, sommes-nous entrés dans l'ère du "moralement correct" ?
"Mensonge" de Peugeot selon Arnaud
Montebourg, "avancer en âge" plutôt que "vieillir" pour Michèle
Delaunay, abolition de la prostitution pour Najat Vallaud-Belkacem... La
vertu comme seule politique ?
François Hollande nous avait promis de
« changer de destin », formule si convenue que personne ne l’avait prise
au sérieux. Hélas, nous aurions dû. Car rarement la France a été soumise à une tel assaut de morale. Comme si le but était encore de changer l’homme.
Certains optimistes avaient voté pour le PS en espérant que son programme ne serait pas appliqué.
Ils avaient été encouragés en ce sens par certains cadres socialistes,
en premier lieu Emmanuel Macron, actuel secrétaire adjoint de l’Elysée.
Le jeune prodige de la gauche caviar expliquait à toute l’élite
économique et financière que, en dépit de regrettables mais nécessaires
annonces populistes, Hollande était au fond un farouche libéral, le Tony
Blair ou le Gerard Schröder de la France. En fait, il serait plutôt son
Tchernenko. Et on attend toujours la démission de Macron,
ex-rapporteur général de l’excellente Commission Attali, qui se
retrouve aujourd’hui à défendre avec les siens l’alourdissement du code
du travail.
Mais c’est oublier que Macron est un spécialiste d’herméneutique ricoeurienne
– la science des interprétations – et que des apparatchiks PS formés
sous Mitterrand n’ont que peu de considération pour les réalités
économiques. Nous devrons donc subir, à rebours des réformes que l’Union Européenne (dont la France !) demande aujourd’hui à la Grèce ou à l’Espagne, l’abaissement
de l’âge de départ de la retraite, la hausse massive des prélèvements
obligatoires, l’interdiction des licenciements « boursiers » et, cerise sur le gâteau, la fermeture des frontières de facto prônée par Arnaud Montebourg. Tout cela sans la moindre perspective de réformer notre Etat ventripotent et ceux qu’il emploie, comme les socialistes suédois l’avaient intelligemment fait en leur temps.
Persister
dans l’erreur témoigne au moins chez nos gouvernants d’une certaine
honnêteté intellectuelle. En revanche, ce qui est plus surprenant, c’est
le retour en force de la morale dans le champ de la décision publique.
On croyait depuis Locke que, dans les démocraties, le politique devait
régler la vie en société, tandis que les questions de bien et de mal
relevaient de la conscience de chacun. Manifestement, le nouveau pouvoir
n’est guère friand de cette saine distinction. La « morale » s’est très
officiellement installée sur le devant de la scène, déjà déclinée en
une commission sur la « moralisation de la vie politique » (présidée par Lionel Jospin), et une mission sur la « morale laïque » (lancée par Vincent Peillon).
En quoi consiste cette morale ? Vertu architectonique, la « justice » est invoquée sans relâche par le Président lui-même. A l’aune de cette notion pour le moins floue, un particulier (ou une entreprise privée) peut être accusé d’ « indécence » (Cahuzac sur le salaire de Zlatan Ibrahimovic) ou de « mensonge » (Montebourg sur Peugeot), tandis que d’autres auront la chance d’être considérés « raisonnables » (Duflot sur les propriétaires).
Il faut donc faire attention à son comportement, mais aussi à son
vocabulaire : dans la plus grande tradition orwellienne, Michèle
Delaunay, ministre des personnages âgées, proposait récemment de substituer « avancer en âge » à « vieillir »,
trop discriminant sans doute. Pour les plus entêtés, les socialistes
n’ont pas renoncé à l’idée de changer la nature humaine, comme Najat
Vallaud-Belkacem l’a clairement rappelé en voulant abolir la prostitution.
Avec son sens de l’à-propos coutumier, Christiane Taubira vient de proposer l’alourdissement des peines pour « harcèlement moral ». Attention que le Gouvernement n’en soit pas la première victime.
Les années qui viennent s’annoncent horriblement, tristement vertueuses et improductives. L’occasion de se souvenir du Neveu de Rameau
: « On loue la vertu, mais on la hait, mais on la fuit, mais elle gèle
de froid, et dans ce monde il faut avoir les pieds au chaud ».
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