Les compères fossoyeurs |
"Si vous voulez me faire dire que ce sera dur, ce sera très dur", résumait Jérôme Cahuzac, aujourd'hui ministre délégué au Budget, lors d'un entretien à Reuters avant la présidentielle.
La Cour des comptes tirera ce lundi la première salve. En présentant son audit, elle dira l'ampleur des efforts à accomplir pour réduire comme prévu le déficit public à 4,5% du PIB fin 2012, 3% fin 2013 et 0% fin 2017, contre 5,2% fin 2011.
Cet ajustement représente une centaine de milliards d'euros sur la durée du quinquennat, soit un dixième de la dépense publique annuelle totale de la France.
Le budget rectificatif pour 2012 devra trouver 7 à 8 milliards d'euros de recettes nouvelles d'ici la fin de l'année et préparer le passage à 3% en 2013, en annulant des baisses d'impôts décidées par Nicolas Sarkozy et en créant de nouvelles taxes, une solution dénoncée par le patronat et par la droite.
"Les impôts, c'est comme l'alcool : un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts!", explique Gilles Carrez (UMP), le nouveau président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, dans un entretien à Reuters.
Le gouvernement devrait annoncer mercredi la création d'une nouvelle taxe sur les stocks pétroliers, relever la taxe systémique sur les banques et la taxe sur les transactions financières, porter le forfait social sur la participation et l'intéressement de 8% à 20% et revenir sur des baisses d'impôts.
Le barème de l'impôt sur la fortune (ISF) serait relevé, le régime des successions durci, l'exonération de charges des heures supplémentaires supprimée dans les entreprises de plus de 20 salariés et une taxe sur les dividendes devrait être créée.
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a déjà donné quelques grandes orientations, même si les réponses précises viendront après les vacances d'été, avec le budget 2013.
Selon Jean-Marc Ayrault, la dépense de l'Etat sera gelée en valeur de 2013 à 2015, hors charge de la dette et retraites des fonctionnaires, ce qui supposera une baisse de 7% des dépenses de fonctionnement l'an prochain, puis 4% en 2014 et 4% en 2015, et un "effort de même ampleur" sur les dépenses d'intervention, des coupes supérieures à celles réalisées sous Nicolas Sarkozy.
"En termes de réduction des dépenses, il va falloir regarder très précisément l'écart entre les annonces et les résultats", déclare le dirigeant d'une banque d'affaires parisienne.
"Il y a des annonces relativement sérieuses mais, sur un fond de conjoncture économique qui se dégrade sérieusement depuis la mi-avril, c'est très, très difficile", ajoute-t-il, en soulignant le risque d'"une spirale négative, vicieuse, récessive: moins de revenus, moins de fiscalité, plus d'impôts, moins de revenus, et ainsi de suite".
Si la croissance pourrait cette année être proche de la prévision gouvernementale -l'Insee prévoit 0,4% et le gouvernement 0,5%- le gouvernement a prévu d'abaisser bientôt sa prévision pour 2013, actuellement de 1,7%.
"L'Insee vient de publier son diagnostic : il prévoit 0,4% en 2012. Mercredi, le chiffre que nous retiendrons dans le projet de loi de finances rectificative sera de cet ordre", déclare le ministre des Finances, Pierre Moscovici, dans un entretien dans l'édition de lundi du Figaro.
"Quant à 2013, tout le monde sait que nous n'atteindrons pas 1,7%. Tabler sur une progression du PIB comprise dans une fourchette de 1% à 1,3% -retenue par toutes les grandes institutions- paraît plus crédible", ajoute-t-il.
Chaque point de croissance en moins représente environ un demi-point de déficit en plus, soit autant d'effort supplémentaire à fournir pour tenir ses engagements européens.
L'Etat, qui dépense environ 350 milliards d'euros par an, sur une dépense publique totale d'un millier de milliards, est responsable de la quasi-totalité du déficit public, avec un besoin de financement de 90 milliards d'euros l'an dernier.
Il est endetté de presque 1.400 milliards d'euros, sur une dette publique totale de près de 1.800 milliards fin mars, le reste de la dette étant contracté par la Sécurité sociale et les collectivités locales.
Avec un endettement public supérieur à 89% du PIB, la France a atteint le niveau à partir duquel des études statistiques montrent que l'activité économique d'un pays est freinée.
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