La Cour de cassation a rendu jeudi un arrêt qui interdit désormais de placer en garde à vue des personnes au seul motif qu’ils sont en situation irrégulière. L'avis découle en réalité du droit européen. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu en décembre 2011 un arrêt affirmant qu'être en situation irrégulière ne constituait pas un délit justifiant une incarcération. En s’alignant sur les associations de défense des étrangers, la CJUE défait-elle toute souveraineté nationale en matière d’immigration ?
- le droit de l’Union n’interdit pas à un État membre
de qualifier pénalement les infractions aux règles nationales de séjour
et de les sanctionner pour les dissuader et réprimer (point 28). Ceci
est également possible pour les étrangers qui se maintiennent
irrégulièrement malgré l’application de la procédure de retour (point
48)
- il n’interdit pas davantage un placement en
détention en vue de la détermination du caractère régulier ou non du
séjour d’un ressortissant étranger (point 29)
- il serait même contraire à l’objectif de la directive « retour » de déclarer impossible pour les États membres d’éviter, « par une privation de liberté telle qu’une garde à vue », qu’une personne soupçonnée de séjour irrégulier s’enfuie avant même que sa situation n’ait pu être clarifiée. Les autorités nationales doivent donc bénéficier d’un délai « bref » mais « raisonnable » pour identifier la situation de l’étranger en cause (points 30 et 31)
Que les salmigondis et les particularités procédurales du droit français de la garde à vue conduisent ensuite par deux fois la Cour de cassation, le 5 juin et le 5 juillet, à déclarer l’impossibilité de placer en garde à vue l’étranger en situation irrégulière ne change rien à l’affaire. La Cour de justice n’interdit pas la « garde à vue » dans ce cas là. Elle l’écrit dans les considérants 29, 30, 31 et 32 de sa jurisprudence, qui s’imposent à la Cour de cassation....
Dans le programme du PS, la politique migratoire est pourtant définie comme un « acte de souveraineté nationale »…
Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a déclaré vouloir réagir et a annoncé qu'il allait rédiger une loi « pour redonner un fondement légal à l’action du gouvernement ». Peut-il réellement s'opposer à la jurisprudence européenne ?
Dans l’interview qu’il a accordée la semaine dernière au quotidien Le Monde, le ministre a assuré que les régularisations ne dépasseront pas les 30 000 effectuées par le précédent gouvernement l’an dernier. Est-ce un objectif crédible ?
Le
traité de Schengen, qui a créé un espace de libre circulation européen,
a été la cible de Nicolas Sarkozy pendant la présidentielle. Faut-il le
remettre en cause pour que les États retrouvent leur souveraineté ?
Que le fonctionnement de cet espace commun pose problème est une évidence, mais les questions migratoires sont trop graves pour permettre des approximations de ce genre. Elles sont faites de chair et de sang, d’êtres humains qui se noient en Méditerranée et de réfugiés syriens ou tchétchènes en fuite. Admettre la complexité et la sensibilité des ces questions est une condition essentielle pour éviter leur utilisation par tous les extrêmes et nous contraindre à regarder les choses en face.
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