lundi 11 juin 2012
la République a-t-elle définitivement exclu le peuple ?
La "gauche plurielle" fait course en
tête au 1er tour des législatives, mais la structure du pays semble être
passée à droite. L’addition des voix de l’UMP et du Front national
approche les 50%. Une domination qui ne se traduit pas encore en nombre
de sièges, et qui pose sérieusement la question de la représentativité
du mode de scrutin, en particulier pour les catégories populaires.
Le 23 avril, François Hollande
avait recueilli 34% des suffrages parmi les diplômés de l’enseignement
supérieur, et seulement 21% parmi les personnes sans diplôme.
Inversement, Marine Le Pen avait recueilli plus de 50% des voix parmi
les sans diplôme, et 8% parmi les diplômés de l’enseignement supérieur.
Le paysage était plus que jamais posé : la France d’en-bas est de droite, voire d’extrême-droite. La France des beaux quartiers est de gauche. L’un des enseignements majeurs des législatives est de confirmer jusqu’au symbole cette fracture sociologique dans l’électorat.
Le résultat d’Hénin-Beaumont en est la preuve ! Jean-Luc Mélenchon ne passera pas le cap du second tour,
avec un résultat très loin de ses espérances affichées. Son appel aux
valeurs traditionnelles de la gauche de combat, ses invocations lyriques
envers un peuple qui apparaît de plus en plus imaginaire, de plus en
plus romantique, n’ont pas permis à sa mayonnaise de prendre.
Le
Front national apparaît bien comme le représentant incontestable de ces
Français paupérisés par la crise et angoissés par l’avenir. C’est un
signe des temps. La désindustrialisation fait son œuvre. Déjà,
lorsque les "Florange" avaient marché sur Paris, ils avaient mal
accueilli la tentative de récupération de leur mouvement par le Front de
gauche.
Les ouvriers français,
menacés par la concurrence internationale, par le libre-échange,
confrontés localement à la concurrence d’une main-d’œuvre immigrée moins
exigeante dès qu’il s’agit de salaires ou de droits sociaux, se sentent
menacés. Le phénomène est préoccupant. Jusqu’ici la République leur
avait donné le sentiment d’être une chance, d’être leur planche de
salut. Aujourd’hui, elle est devenue l’espace d’une élite qui les
méprise et ne parle plus le même langage qu’eux.
Sur
tout cela, la gauche n’a qu’à s’en prendre qu’à elle-même. Chaque fois
qu’elle se targue de parler au peuple, c’est en lui envoyant des
messagers qui incarnent son contraire. Jean-Luc Mélenchon, par
exemple, est entouré d’une clique d’idéologues qui n’ont jamais mis les
pieds dans une usine et ne connaissent de la vie que les manuels des
années 1970 sur la Révolution Française. Le rejet est inévitable. Il est
loin le temps du Parti communiste où un passage par l’usine était un
moment inévitable du parcours politique.
Au-delà de ce phénomène circonstanciel, la structure du pays semble être passée à droite.
Même si la gauche remporte (ce qui sera probablement le cas) une
majorité de suffrages, en termes de voix, elle est à ce stade
minoritaire.
Avec l’effondrement du Modem, une majorité autre se dessine : l’addition des voix de l’UMP et du Front national approche 50%. Même si cette domination ne se traduit pas encore en nombre de sièges, notamment du fait du mode de scrutin, il est difficile de ne pas noter cette étrangeté : à majorité parlementaire de gauche, majorité démographique de droite.
Jusqu’à quand nos institutions s’offriront-elles le dangereux luxe de ne pas refléter l’expression du pays ?
Il
semblerait que François Hollande songe, à l’automne, à ouvrir une
réflexion sur ce sujet. C’est un sujet périlleux pour lui. Il aura d’ici
là franchi de multiples Rubicon. Le collectif budgétaire et la loi de
Finances 2013 vont soit l’obliger à opérer des arbitrages impopulaires
qui risquent de décevoir un électorat encore bercé d’illusions, soit le
contraindre à endosser une effrayante dégradation des comptes publics.
Le dialogue avec l’Allemagne aura ou non porté ses fruits : la
redoutable Angela Merkel semble avoir subrepticement tissé autour de
notre président une étouffante toile diplomatique. La situation générale
du continent se sera probablement dégradée dans des proportions
inattendues.
Mais chiche, discutons de la
réforme du mode de scrutin, en avalisant la distorsion entre la majorité
politique et la majorité réelle. Et laissons les événements en tirer
toutes les conséquences. Le peuple est souverain. Le peuple décidera si,
oui ou non, les législatives de 2012 marquent l’agonie de la démocratie
représentative.
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