TOUT EST DIT

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jeudi 17 mai 2012

Le développement osé de Studio Harcourt

Pour éviter une nouvelle faillite, la prestigieuse maison tente de recruter des clients en lançant des activités inédites. Au risque de galvauder sa précieuse signature.
Le fond noir, intense, souligne les contours. Les courbes ressortent dans une lumière blanche éclatante, adoucie par un léger halo. Pas de doute, c’est bien l’une des mythiques photographies Harcourt. Sauf qu’il ne s’agit ni d’un portrait de Jean Dujardin ni d’un instantané de Laetitia Casta mais… d’une publicité pour les matelas Treca. Le fabricant français a en effet utilisé en 2010 le graphisme et la signature du célèbre studio parisien pour ses affiches. Comme Lancia pour sa dernière Delta. Un sacrilège pour les puristes. Mais pour le studio, fondé en 1934, c’est une diversification qui lui permettra peut-être d’éviter une nouvelle banqueroute. En 2007, Harcourt, qui ne réalisait encore que des portraits avec la technologie argentique, perdait encore 340 000 euros pour un chiffre d’affaires de 868 000 euros.
Tout changer pour survivre. Francis Dagnan, un homme d’affaires spécialisé dans l’immobilier, a racheté l’entreprise juste avant qu’elle ne soit liquidée et a décidé de tout changer pour la sauver. En quelques semaines, il renégocie avec les banques, limite l’équipe à une dizaine de photographes indépendants, passe au numérique, plus pratique et moins cher, réalise des «shootings» hors les murs, ose la couleur… et entreprend surtout de se lancer dans de multiples activités. «Il fallait élargir la clientèle et toucher les jeunes générations», explique le président, qui rappelle qu’un portrait Harcourt reste un luxe accessible : de 900 à 1 900 euros. Impératif : ne pas écorner la prestigieuse image du studio.
Pour l’instant, la stratégie fonctionne. Le studio a – juste – retrouvé l’équilibre et réalise près de 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, pour moitié grâce à ses nouvelles activités. Intéresser les jeunes, c’est toute l’idée de la cabine façon Photomaton, où l’on peut s’immortaliser dans le style Harcourt pour 10 euros. Le patron avoue avoir longtemps hésité avant de franchir ce pas, par peur de galvauder le classique portrait qui reste le cœur de son business. Il a fallu plusieurs mois de travail pour mettre au point, avec un fabricant japonais, une cabine restituant la fameuse lumière cinéma et une imprimante thermique qui accentue suffisamment les contrastes. Son succès lors du Festival de Cannes l’an dernier a vite balayé les réticences du PDG. Une dizaine de cabines ont été installées depuis, dans des cinémas ou des centres commerciaux, et d’autres tournent pour animer des inaugurations de boutiques ou des expositions. Coût de la location : 7 000 euros pour 700 photos.
Mais les dirigeants de Harcourt comptent surtout sur les contrats qu’ils signent avec les marques pour sortir définitivement le studio de l’ornière. Leur toute nouvelle activité événementielle, par exemple, pèse déjà plus de 15% du chiffre d’affaires. Le vénérable hôtel particulier, situé à deux pas des Champs-Elysées, organise depuis peu des visites guidées et des ateliers d’initiation à la prise de vue et au maquillage façon Harcourt. On a vu aussi Carrefour occuper le studio le temps d’une soirée, pour célébrer la remise de son prix littéraire. Des formules petits déjeuners ou déjeuners, champagne Studio Harcourt Paris compris, sont également proposées, pour épater des clients ou lancer un produit.
Les marques intéressées – BlackBerry, Harley-Davidson, Chanel… – en profitent d’ailleurs souvent pour s’offrir une séance photo de leur dernière création.
Préserver l’image. Ces «photos de nature morte» sont un autre axe de développement à part entière, mais pour des campagnes publicitaires, comme celles de Lancia et Treca. Ce business pèse déjà 20% des revenus de Harcourt, mais le studio sélectionne les candidats. D’accord pour photographier les poupées Mattel, pas pour signer des visuels de nourriture pour chats, comme cela leur a déjà été demandé. «Mais pourquoi pas un concours de beauté féline dont le premier prix serait une photo du plus beau chat de France ?» propose quand même Francis Dagnan, qui tient manifestement à ne pas se priver de ventes potentielles. «Les marques achètent surtout la signature Harcourt, car, en termes de shooting de produits, le studio a encore des progrès à faire», précise un ancien client.
Enfin, Harcourt s’est développé à marche forcée à l’étranger. Après avoir monté des expositions au Japon, financées par Chanel et Lancel, la direction a eu l’idée de creuser ce filon en Chine, au Brésil ou au Chili. Autant de pays qui «restent très attachés aux cérémonies familiales, où l’on cultive l’art du portrait», précise Francis Dagnan. Pour le PDG, ce n’est pas qu’un cliché.
Francis Lecompte
En chiffres :
900 € la séance photo pour les particuliers
7 000 € la location de cabine façon Photomaton
50% des ventes réalisées grâce aux nouvelles activités
Fiche d’identité :
Fondé en 1934, le studio a connu le succès grâce à la lumière particulière de ses clichés.
Les stars du show-biz peuvent toujours s’y faire tirer le portrait gratuitement.
Il a déjà fait faillite deux fois, en 1990 puis en 2007.

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