Surprise par l'explosion de violence - plus de deux cent mille morts, tous conflits confondus - l'Europe s'est révélée initialement incapable d'y mettre fin à elle seule. Elle venait pourtant, par le Traité de Maastricht, de se doter d'une politique européenne de sécurité et de défense (PESC). Mais le contraste était trop grand entre ses intentions et ses capacités d'alors. Il fallut l'intervention des États-Unis pour imposer une paix fragile en Bosnie et au Kosovo.
Aujourd'hui, pourtant, le sang ne coule plus dans les Balkans. Les touristes sont revenus à Sarajevo. La Croatie, après la Slovaquie qui l'a fait en 2004, s'apprête à rejoindre l'Union européenne en juillet 2013. La Serbie vient d'être acceptée comme un pays candidat. À La Haye, les criminels de guerre répondent de leurs crimes devant le Tribunal spécial créé à cette fin.
En jouant un rôle important dans cette évolution positive, l'Europe a donné un sens à son existence, au moment où tant d'Européens perdaient confiance en elle. S'il y a, aujourd'hui, un peu plus d'Europe sur le plan diplomatique et sur celui de la sécurité, c'est en partie au moins grâce à cet épisode des Balkans.
La chance historique de cette région a été, bien sûr, de bénéficier de la « bonne géographie », c'est à dire de l'environnement régional de l'Union européenne. Cette dernière, contrairement au Proche-Orient si proche, encourage à la paix et à la réconciliation (loin d'être accomplie dans les Balkans) plutôt qu'à la violence. Il y a néanmoins un paradoxe à souligner et une réserve à formuler. L'objectif principal de la construction européenne était de transcender les États-Nations. Dans les Balkans, à l'inverse, l'Union a pour tâche principale d'aider au renforcement sinon à la création d'États-Nations. On ne peut unir que ce qui existe.
Enfin, il faut revenir en conclusion sur le rôle négatif qu'a pu jouer la Grèce. Premier pays des Balkans à devenir membre de l'Union européenne, elle n'a pas ¯ c'est le moins que l'on puisse dire ¯ donné le bon exemple, ni par son comportement interne ni à travers la question de Chypre.
Au début des années 1990, on disait qu'il fallait « européaniser les Balkans pour éviter une balkanisation de l'Europe ». L'éclatement de l'Europe ne s'est pas produit, même s'il existe aujourd'hui une vraie coupure économique et sociale entre l'Europe du Nord, tirée vers le haut par l'Allemagne et l'Europe du Sud, tirée vers le bas par la Grèce. L'Européanisation des Balkans est certes loin d'être complète. Ni la Bosnie ni le Kosovo ne peuvent encore se gérer seuls.
Mais si les problèmes qui hantaient cette région persistent, la contribution de l'Europe s'est révélée être décisive et nous donne des raisons de croire encore et toujours à la construction européenne.
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