Le candidat du MoDem, "troisième homme" en
2007, peine cette année à mobiliser. Son programme économique,
empruntant sur sa gauche comme sur sa droite, a du mal à séduire dans
une campagne très clivée. L'homme du Béarn tente de rebondir en
proposant des mesures de moralisation de la vie publique.
François Bayrou semble en panne. Le troisième homme
de 2007, qui avait recueilli plus de 18% des suffrages au premier tour
de l'élection, est cette fois à la peine. Selon la dernière vague du
baromètre Ipsos-logica
Buisness Consulting pour Le Monde et Radio France et France Television,
parue mardi, il recueillerait 10% des suffrages (-1,5 point), faisant
de lui le "cinquième homme". L'homme du Béarn, n'est peut-être pas très à
l'aise dans une campagne très clivante, où un apparent choc
gauche-droite est recherché par les principaux candidats. François
Bayrou pâtit certainement de son refus d'une approche aussi binaire.
D'ailleurs, son programme économique et social emprunte aux deux
principaux camps, selon les thèmes abordés, ce qui peut nuire à son
image.
Une politique sociale marquée à droite
Ainsi, sur le terrain social, François Bayrou se situe nettement plus
du côté de l'UMP, même s'il attache plus d'importance au dialogue avec
les syndicats. Il est pour la remise en cause de la durée légale du
travail, préférant que chaque branche négocie sa propre durée
conventionnelle. Il milite pour un "contrat de travail unique", avec une
"consolidation progressive des droits" qui pourrait être rompu par
l'employeur sans avoir à se justifier mais qui donnerait droit à une
indemnisation pouvant aller jusqu'à un mois par année d'ancienneté (au
lieu du 1/5 légal actuel). Il réfute l'idée d'un retour à un droit à la
retraite à 60 ans, préférant, à terme, instituer un régime par points.
Rétablir la progressivité del'impôt sur le revenu
Dans la lutte contre le surendettement de l'Etat, François Bayrou va
beaucoup plus loin que Nicolas Sarkozy et François Hollande en se fixant
pour objectif que la France "ne dépensera pas un euro de plus dans la
sphère publique (Etat, Sécurité sociale, collectivités locales) pendant
deux ans qu'elle n'aura dépensé en 2012". C'est le principe de
"l'augmentation zéro en valeur". Pour y parvenir, le candidat MoDem
rejoint François Hollande dans sa croisade contre les niches fiscales.
Certaines devant disparaître, comme l'exonération fiscale sur les heures
supplémentaires, les autres seront toutes soumises à un "coup de rabot"
pour un montant total de 20 milliards d'euros.
Plutôt proche de François Hollande également, s'agissant de l'impôt
sur le revenu. François Bayrou milite pour l'établissement de deux
tranches supplémentaires, la tranche marginale actuelle à 41% serait
portée à 45%, soit exactement la mesure préconisée par le candidat
socialiste, et une tranche "de solidarité", dotée d'un taux marginal de
50%, pour les revenus supérieurs à 250.000 euros... A comparer à la
tranche à 75%, pour les revenus supérieurs à 1 million d'euros,
préconisée par François Hollande. En revanche, François Bayrou change de
bord concernant les impôts indirects puisqu 'il milite pour une
augmentation de deux points de la TVA : un point dès 2012 et un autre
point au 1er janvier 2014, soit une recette attendue de 20 milliards
d'euros au terme de trois années. Mais, attention, ce surplus serait
affecté au budget et non à la compensation d'allègements de cotisations
sociales patronales comme le préconise Nicolas Sarkozy avec la "TVA
sociale".
Un referendum pour moraliser la vie publique
Un coup à droite, un coup à gauche donc, tel le roi Jean II le Bon,
conseillé par son fils Philippe le Hardy. Sans doute conscient que ce
n'est pas la meilleure façon de faire entendre sa différence en 2012,
François Bayrou a dégainé ce mardi un "projet de loi-cadre de
moralisation de la vie publique" qu'il souhaite faire, une fois élu
président, adopter par référendum, parallèlement au premier tour des
élections législatives, le 10 juin. Un texte destiné à faire faire des
économie à l'Etat et à éviter les conflits d'intérêt...
François Bayrou propose de limiter le gouvernement à 20 membres ; de
fixer le nombre des députés à 400 (au lieu des 577 actuels) dont 300
seraient élus au scrutin majoritaire et 100 au "scrutin de liste
proportionnel correctif". Le nombre des sénateurs, lui, ne pourrait pas
excéder 250. Pour marquer l'indépendance de la justice, la nomination du
ministre de la Justice devrait être préalablement approuvée par un vote
de l'Assemblée nationale, à la majorité des trois cinquièmes. Le mandat
de député serait incompatible avec tout autre mandat électif.
Dans un autre domaine, pour imposer la parité, seuls les partis ayant
présenté autant de femmes que d'hommes aux élections législatives
pourront bénéficier du financement public.
Mettre fin aux conflits d'intérêt
Par ailleurs, le financement de la campagne présidentielle reposerait
exclusivement sur des fonds publics (10 millions d'euros maximum
remboursés aux candidats ayant dépassé les 5% des suffrages). Ce qui
signifie que les dons des personnes physiques ou morales seront
interdits. D'une façon plus générale, le montant des sommes qu'une
personne physique serait autorisée à verser annuellement à un ou des
partis serait plafonné à 7.500 euros globalement.
Last but not least, les personnes concourant à l'exécution d'un service
public (ministres, élus, hauts fonctionnaires, membres de cabinets
ministériels) ont l'obligation de veiller à ne pas se placer dans une
situation qui les exposerait à un intérêt privé (par exemple une
possession d'actions, directe ou indirecte, d'une entreprise relevant de
leur secteur). Ces personnes concernées seront tenues d'adresser à la
nouvelle "Autorité de déontologie de la vie publique" une déclaration
d'intérêt préalablement à leur entrée en fonction. Cette déclaration
sera renouvelée annuellement.
Indéniablement, en se plaçant sur le terrain de la moralisation de la
vie publique, François Bayrou a bien joué. Il sait les Français
sensibles à ce thème et il va obliger les autres candidats à se
prononcer. Mais est-ce suffisant pour se relancer ?
jeudi 5 avril 2012
François Bayrou, quand la sauce béarnaise ne prend plus
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