TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 10 avril 2012

L'Europe est-elle une civilisation moribonde ?

Après la Grèce, c'est au tour de l'Espagne d'être ébranlée par la crise... Nos valeurs sont-elles encore suffisantes pour que l'Union Européenne dépasse les risques de faillites de plusieurs de ses Etats-membres ? 

Alors que l'Europe est aujourd'hui secouée par une alerte Ibérique, beaucoup s'interrogent sur la profondeur de la crise, son état et son avenir. Nos valeurs sont-elles encore suffisantes pour que l'Europe porte une culture active ou est-elle en train de devenir une civilisation moribonde ? Les jeux ne sont pas faits, même si rien ne va plus...
Sur le plan économique, la Grèce a fait faillite, l'Irlande est en convalescence longue, le Portugal, l’Espagne sont au bord de la faillite. Leur incapacité a réduire leur déficit et leur solvabilité fait défaut et les marchés financiers doutent de leurs capacités à retrouver un équilibre pérenne. L'Italie, le Portugal et l'Espagne adoptent une réduction drastique de leurs dépenses publiques. La France a perdu une partie de son triple A et une coalition "sociale-communiste" à la tête de l’État et « ennemie de la finance » ne serait pas faite pour rassurer. L’Allemagne et sa gestion austère tient encore la route, mais sa croissance est atone en raison de la chute de ses exportations vers la zone euro et sa consommation intérieure. Les plans de ponction fiscale et de réduction des dépenses des États ne stimuleront ni la consommation des ménages ni le moral des consommateurs, le chômage tend vers les 10% en moyenne dans la communauté européenne.
Sur le plan fiscal, l'Europe souffre d'une hétérogénéité rendant la fiscalité illisible et injuste. Cela favorise le dumping fiscal. L'impôt sur le revenu, par exemple, ne parvient pas à rentrer dans les caisses de l’État en Italie, en Espagne, en Grèce malgré les nombreuses amnisties fiscales, et se contente d'un faible 10% en Bulgarie tandis que la pression fiscale est importante dans les autres pays.
Quant à la dette, elle bat des records. En 2010, la dette française s'élève à plus de 80% du PIB. Souvenons nous qu'au XVIIIe siècle la dette royale qui a été l'un des motifs de la Révolution s'élevait à 80% du PIB. Certes, les mêmes causes peuvent ne pas provoquer les mêmes effets. Mais l'état des lieux n'invite pas à l'enthousiasme économique et politique. En Grèce, la dette s'élève aujourd'hui à 150 % de son PIB. L’Allemagne a battu le record de l'endettement le plus important depuis la fondation de la République en 1949 avec 1 791 milliards d'euros qui représentent 73% du PIB ! Et l'Angleterre a un endettement s'élevant à « seulement » 65% de son PIB !
Sur le plan politique, les pays occidentaux de 2012 pensent tirer de leur croissance économique passée le droit à une suprématie permanente. En face, la Chine, le Brésil et l'Inde tentent de transformer leur réussite économique en capital social et symbolique. La Chine n'est plus un pays du tiers-monde : elle est le créancier d'une partie de l'Union Européenne. En 2008, la Chine, sous couvert du groupe Cosco Pacific Ltd, a signé un accord qui prévoit la cession par l'État grec, pour une durée de 35 ans, du port du Pirée, l'un des plus importants de la Méditerranée. Mais l'ordre des choses s'est inversée dans les faits, non dans les représentations. Les dirigeants occidentaux ont du mal à intégrer cette nouvelle donne.
Nous sommes en fait à la croisée des chemins : l'Occident a atteint un point de bascule. Les pays occidentaux se trouvent dans la même situation que l'aristocratie à la fin du XVIIIe siècle. Arrogants, surendettés et inconscients. Au XVIIIe siècle, la Révolution française a balayé ce monde ancien, reléguant la noblesse à l'arrière-garde de la nation. C'est ce qui menace l'Europe si l'on n'y prend pas garde.

C'est pourquoi, cette crise doit constituer les prémisses d'un ressaisissement. Car cette crise n'est pas la conséquence logique d'un processus historique et inévitable. Elle est le reflet de nos valeurs. Ce qu'elle nous donne à lire n'est autre que l'image morale de nous-mêmes. Elle dessine l'image de notre cupidité et d'une société qui se vautre dans l'éphémère et le matérialisme dont on voit les limites.
Un changement de point de vue doit intervenir pour faire de ce point de basculement du monde non pas une catastrophe mais l'occasion de mettre en place une nouvelle société fondée sur l'homme et non plus sur les choses. Il faut que les réflexions s'orientent vers l'idée d'une économie sociale et solidaire pour remplacer la frénésie productiviste. Il me semble qu'il y a là une place pour fédérer les hommes à la faveur de la crise. Plutôt que de parier sur la peur de l'avenir et de désigner des boucs émissaires, il me semble plus fructueux de regarder les vrais enjeux de la vie économique que nous avons tenus pour quantitatifs, alors qu'ils doivent porter l'homme vers l'accomplissement de lui-même.
Il convient donc de faire le deuil d'une certaine conception de la vie, de la société, de la production et d'oser imaginer un monde dans lequel le donné, à savoir l'humain, est plus important que le fabriqué. Le vrai développement d'une société ne dépend pas que de sa croissance économique. Le désarroi qui touche les pays en récession montre bien que la richesse matérielle avait masqué l'absence de développement spirituel. Il apparaît donc urgent de cultiver une vision de l'homme comme responsable, à travers son activité économique, de la vie d'autrui et du vivre ensemble. Seule une telle vision nourrira l'espérance qui nous accompagnera au-delà de la crise actuelle qui est d'abord une crise du sens.
Cette contre-révolution humaniste doit commencer au niveau de notre pays et se déployer à l'échelon européen. Pour cela il faut renouer avec la vision humaniste et chrétienne de la construction européenne qui fut celle de Robert Schuman. « L'Europe, avant d'être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle », disait-il. Il est temps de revisiter cette intuition fondatrice pour répondre aux défis immenses de l'Europe du XXIe siècle.

0 commentaires: