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lundi 16 avril 2012

Concorde contre Vincennes : tout ce que cache le clash des meetings

Jour de meetings ce dimanche. Place de la Concorde pour Nicolas Sarkozy, esplanade du château de Vincennes pour François Hollande, et un mot d'ordre : réunir le maximum de monde pour mobiliser les troupes à une semaine du 1er tour.

Jour de meetings politiques ce dimanche. Nicolas Sarkozy tient le sien Place de la Concorde quand François Hollande prononcera son discours sur l’esplanade du château de Vincennes. Que penser du choix de ces lieux ?
David Valence : Au-delà de l'événement, ces deux meetings jumeaux ont de quoi intéresser les historiens du politique ! Je m'explique : traditionnellement, c'est la gauche qui entretient avec l'espace parisien, ses places (la Bastille, la Nation) et ses rues, un rapport hautement référence sur le plan symbolique. À l'inverse, la droite n'entretenait, jusqu'à récemment, qu'un rapport méfiant avec le pavé parisien. À une exception près : les Champs-Elysées le long desquels les gaullistes avaient défilé le 30 mai 1968. 
A cet égard, la situation de ce dimanche est particulièrement paradoxale. C'est en effet la droite qui occupera une place en passe de devenir "symbolique" pour elle, la Concorde, car les victoires de Chirac en 1995 et de Sarkozy en 2007 y avaient été fêtées. Dans le même temps, les partisans de François Hollande seront, eux, rassemblés dans un espace vierge de toute référence symbolique pour la gauche, à savoir l'Esplanade du château de Vincennes. 
Au petit jeu des références historiques, ces deux lieux peuvent se charger l'un et l'autre de présages funestes : la place de la Concorde est tout de même le lieu ou les Français ont guillotiné un roi, Louis XVI, le 21 janvier 1793 ! C'est aussi le lieu ou la crise du 6 février 1934 a éclaté.
Quant au château de Vincennes, il fut un temps le QG du général Gamelin, chef des troupes françaises en 1940 : on a connu symbolique plus réjouissante ! 

Comment alors expliquer le choix de François Hollande pour le château de Vincennes ?

Il ne faut sans doute y voir que des raisons pratiques, de disponibilité. Mais si on dépasse l'approche historique, on peut trouver ce choix assez amusant. D'une certaine façon, les socialistes vont "camper" aux portes de Paris, comme pour signifier qu'ils dont prêts a entrer dans la capitale et dans ses lieux de pouvoir.
La droite, elle, va se réunir sur une place située a proximité immédiate des lieux de pouvoir que sont l'Elysée, le ministère de l'Intérieur et l'Assemblée nationale. Comme pour se rassurer et se dire que c'est encore elle qui tient le pouvoir. Symboliquement, on a un effet de miroir amusant. 
Visiblement, c'est Nicolas Sarkozy qui a souhaité organiser une forme de concurrence ce dimanche, en répliquant au rassemblement de Vincennes par celui de la Concorde, qui était prévu de moins longue date. J'y vois comme un résumé de la campagne. C'est François Hollande qui, dans son style cotonneux, est pourtant à l'initiative ; tandis que Nicolas Sarkozy, comme le challenger qu'il est devenu, est obligé de lancer des défis à son adversaire. 

Après la place de la Bastille à Paris et celle du Capitole à Toulouse, Jean-Luc Mélenchon a choisi lui ce samedi la plage du Prado à Marseille pour organiser son dernier meeting. Autant de lieux symboliques…

Je n’assigne pas au rassemblement de Jean-Luc Mélenchon à la Bastille le même objectif que le meeting de François Hollande à Vincennes ou celui de Nicolas Sarkozy à la Concorde. 
Le rassemblement du Front de gauche à la Bastille était destiné à faire la preuve que ce qu’annonçaient les sondages était véridique : à savoir que le Front de gauche pouvait mobiliser des milliers de personnes ; depuis vingt ans, les communistes seuls avaient perdu cette capacité à mobiliser. D'autre part, le choix de la Bastille était évidemment un clin d'oeil à la victoire de 1981, qui y avait été fêtée. Pour l'ex-socialiste mitterrandolâtre qu'est Mélenchon, c'était une façon de dire "je suis l'héritier de 1981, mieux et plus que François Hollande ne l'est".

A ce propos, que peut-on dire du comptage des personnes présentes dans ce type de meetings ouverts en plein air ? Le nombre de spectateurs présents à la Bastille lors du discours de Jean-Luc Mélenchon reste ainsi difficilement quantifiable… 

Le comptage des présents dépend effectivement beaucoup des lieux où les rassemblements sont organisés. 
La place de la Concorde sur laquelle sera Nicolas Sarkozy ce dimanche est par exemple un endroit très difficile à remplir. C’est un espace extrêmement ouvert, qui n'est enserré par des bâtiments que sur un seul coté (au nord, notamment par l'Hôtel de la Marine). Organiser un rassemblement en un tel lieu est un vrai défi, une vraie démonstration de force. Car à moins de 30 000 personnes, la place a l'air vide.
Il existe des seuils symboliques pour beaucoup de journalistes. Un très  grand rassemblement est évalué à plus de 50 000 personnes. 100 000 personnes qui se rassemblent et cela devient un phénomène majeur. 

Qu’est-ce qui détermine l’efficacité d’un meeting comme ceux de ce dimanche ? Comment isoler un « gagnant » ?

Visiblement le Parti socialiste est un peu pris de court par le fait que l’UMP en fasse une sorte de match.
Il y aura peut-être plus de monde sur la place de la Concorde qu’à Vincennes... Nicolas Sarkozy et ses équipes comptent là-dessus pour produire un effet psychologique, et accréditer l'idée que le président sortant est bien le candidat du peuple.
Mais je ne crois pas, malgré tout, à un effet psychologique significatif dans l'électorat, au sens oÙ cela permettrait à un candidat de prendre l'ascendant définitivement sur l'autre. 

Quel intérêt alors à dépenser autant d’argent pour organiser ces rassemblements ?

Les images de ces deux grands rassemblements déplaceront peut-être quelques voix au sein  d’une famille politique donnée. En clair, de telles images créent peut-être un effet de bipolarisation. Il est possible que des gens qui étaient tentés de voter pour des petits candidats, en voyant le grand rassemblement derrière Nicolas Sarkozy ou François Hollande,  se disent qu’au fond c’est là qu’il faut se trouver et qu’il faut voter pour quelqu’un qui soit susceptible de remporter la victoire finale.

Quid des meetings du jour des petits candidats ? Ne risquent-ils pas d’être éclipsés par les événements des candidats UMP et PS ?

Comme en théorie, il y a une égalité dans le décompte du temps de parole, les petits candidats peuvent toujours espérer avoir leur moment d’exposition médiatique. Mais il est clair que le traitement réservé aux différents rassemblements ne sera pas le même.

Comment expliquer de telles mobilisations dans un pays comme la France qui compte si peu de militants ? 

Les gens qui viennent aux meetings sont loin d’être tous des militants.
On est ici au cœur du paradoxe français. Les citoyens se défient très violemment de l'engagement politique et des hommes politiques. Donc ils sont très peu à adhérer aux partis. Mais dans le même temps, nous restons un peuple ultra-politisé par rapport aux Allemands, aux Britanniques ou aux Américains, avec des taux de participation toujours supérieurs à 69% à la présidentielle, jusqu'à plus de 80% même, parfois. Et les meetings ne désemplissent pas... La politique reste la grande affaire des Français. 


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