TOUT EST DIT

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vendredi 2 mars 2012

“Un terrible avantage”

Najat Vallaud-Belkacem était il y a cinq ans l’une des porte-parole de Ségolène Royal ; elle l’est aujourd’hui de François Hollande. C’est une militante souriante et courtoise, bonne cliente des plateaux de télévision.
Elle a publié dimanche dernier un communiqué, c’est-à-dire un texte écrit, réfléchi, pas une réplique à l’emporte-pièce dans un match médiatique, qui dit ceci : « Le Nicolas Sarkozy qu’on cherche à vendre aux Français est un faux, une contrefaçon, un produit de contrebande imaginé par des cerveaux d’extrême droite et revendu par des valets sans morale comme Xavier Bertrand qui ne prennent même plus la peine de justifier l’injustifiable… » Un tel communiqué n’a été rédigé que sur instructions, et de François Hollande lui-même. Ces mots illustrent un climat ; il y a comme un air de panique dans pareil déchaînement.
Ce déchaînement est en effet à l’opposé du portrait lisse et rassembleur que le candidat socialiste veut donner de lui-même. « La gauche aurait bien tort de diaboliser ses adversaires, comme s’il fallait congédier ceux qui ne pensent pas comme elle », écrit-il dans son petit livre de campagne (Changer de destin, Robert Laffont) publié la semaine dernière, mais dont la rédaction a été achevée au mois de janvier, quand son auteur était dans les hauteurs stratosphériques des sondages. Avant que Nicolas Sarkozy n’entre en campagne et ne vienne le bousculer.
Jusque-là, en effet, Hollande cherchait à se présenter comme un socialiste, certes, mais pragmatique et modéré. Il répète alors qu’il appartient à la génération Mitterrand, qu’il en est fier, que son « engagement n’a pas varié », et il veut en même temps que l’on sache qu’il « regarde avec respect » le général de Gaulle, « le président qui rêvait d’une nation réconciliée autour de la fierté, de l’audace et de l’indépendance, l’homme d’État qui confondait sa personne et le destin national »… En un mot, et comme dans les congrès socialistes, il incarne la “synthèse” de cette opposition des contraires, de Gaulle et Mitterrand, celui-ci n’ayant pas cessé d’affronter celui-là, à toutes les étapes de sa présidence, depuis « le coup d’État permanent », la bataille présidentielle de 1965, jusqu’à vouloir lui ravir le pouvoir en Mai 68, avant de finir par s’installer dans ses meubles à l’Élysée en 1981. Mais cela, c’est du passé, lui, Hollande, ne craint personne.
Pourtant derrière cette apparence de “synthèse”, le petit livre de campagne révèle déjà du sectarisme dans une personnalité moins ronde qu’il n’y paraît. Ce que dit François Hollande de son éducation, par exemple : il s’est construit, écrit-il, contre celle de son père. Parce que celui-ci professait des convictions “Algérie française”. Or en 1958, l’été du retour au pouvoir du général de Gaulle, quand toute la droite était “Algérie française”, François Hollande avait 4 ans. Quelle précocité politique ! Il en avait 8 en 1962 lorsque l’Algérie prit son indépendance, aux pires heures du drame pour les pieds-noirs, les harkis et l’armée française. Il n’empêche, « ma République, dit-il, c’est celle des appelés qui ont refusé le putsch des généraux d’Algérie, des manifestants de Charonne [algériens, NDLR] et des “indignés” de Mai 68, étudiants et ouvriers qui ont bousculé la vieille société »… Et quand il condamne Marine Le Pen, c’est parce qu’elle a eu l’audace de citer Pierre Gaxotte parmi ses auteurs ! Gaxotte (1895-1982), normalien et académicien, historien de la Révolution, du siècle de Louis XV et de l’Allemagne, mais qui eut le défaut d’être de droite.
Claude Allègre qui était alors son ami, confiait en 2007 (la Défaite en chantant, Plon) : « Hollande a une grande confiance en son talent de manoeuvrier. Il est de gauche, mais au fond, il ne croit pas beaucoup aux idées. Il pense qu’il imposera son point de vue parce qu’il est plus rapide et plus vif que les autres. » Il compte aujourd’hui sur son passé de personnage bonhomme pour faire une campagne de second tour, négligeant le premier qui ne serait plus qu’une formalité.
Mais attention, lui aurait soufflé Rivarol (autre intellectuel qui n’aimait pas la Révolution) : « C’est un terrible avantage que de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser. » Car c’est là que l’attendait Nicolas Sarkozy, l’obligeant à faire des choix non plus sur des attitudes mais sur le fond (le travail, la famille et le mariage, la laïcité et le rôle des religions, l’éducation et la vie en société). C’est cela qui l’a déconcerté et fait sortir de ses gonds.

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