TOUT EST DIT

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mardi 24 janvier 2012

Un vote à 600 000 voix


La République n’en sort pas grandie. Ainsi les deux plus importants partis de notre démocratie ont sciemment instrumentalisé une tragédie historique pour en faire un levier électoral. Comment interpréter autrement le vote par le parlement, hier soir, de la loi pénalisant la négation du génocide arménien ?


Pour flatter les voix des 600 000 membres d’une puissante communauté, les sénateurs, après les députés, ont su trouver une rare convergence pour transcender les clivages traditionnels. Le Parlement n’a pas hésité à bousculer un emploi du temps pourtant bien chargé pour faire adopter un texte parfaitement inutile. Car qui, sérieusement, conteste la persécution de ce peuple arménien dont tant de Français se sentent naturellement proches ? L’existence d’un négationnisme si rampant serait-il si présent qu’il faille l’éradiquer à coups de peine de prison ?


La France n’a rien à prouver ni rien à gagner dans ce calcul médiocre qui ne fait qu’entretenir les souffrances de la mémoire. En revanche elle a beaucoup à perdre. Pour Nicolas Sarkozy comme pour Martine Aubry, et leurs supporters dans les travées de l’Assemblée nationale, ce n’est qu’un texte, rien de plus, mais qui peut rapporter gros. Les uns et les autres se sont fait la course à l’échalote pour éviter, chacun, d’être celui qui laissera des plumes dans cette histoire.


Le résultat de cette rivalité consternante, c’est la dispute ouverte avec une Turquie, où nous avons de puissants intérêts. Si elle s’estime humiliée par les représentants directs ou indirects du peuple français, ce n’est pas une posture. Au nom de quoi faudrait-il l’enfermer, elle aussi, dans le cadre d’un passé inacceptable ? La réduire au pire ? Les menaces de représailles agitées par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan ne sont pas à prendre à la légère. Elles annoncent des mesures de rétorsion de la part d’un partenaire prometteur.


Ce n’est nullement faire insulte à l’Arménie que de considérer le respect d’Ankara comme une priorité que s’est assignée elle-même la nouvelle politique pour la Méditerranée. La double bienveillance que Paris avait préservée jusque-là a volé en éclats sous le regard consterné de notre propre ministre des Affaires étrangères. Aurions-nous seulement osé un tel gâchis de toutes pièces si nous n’étions pas à quelque 90 jours du premier tour de la présidentielle avec un président Sarkozy qui ne peut même pas se défausser sur le simple candidat Sarkozy puisque le chef de l’État a choisi de superposer les deux statuts ?

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