TOUT EST DIT

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dimanche 8 janvier 2012

L'histoire et le passé réinventé


Il EST entendu que Jeanne d'Arc fait partie de ce qu'on appelle « le roman national ». Elle est même l'héroïne de quelques unes de ses pages parmi les plus enlevées. Dans cette légende des siècles redorée, il s'agit davantage d'écrire un mythe fondateur, porteur de valeurs communes, que de déchiffrer « objectivement » le passé.

L'histoire « scientifique » intéresse surtout les historiens. La représentation que nous avons de notre passé regarde en revanche tout le monde, parce que c'est une des façons que nous avons trouvées pour construire une nation, la nation étant elle-même une des façons de vivre ensemble à peu près démocratiquement et pacifiquement.

Les deux reconstructions coexistent et s'entremêlent. La recherche historique rigoureuse ne réduit pas à néant la réinvention du passé, mais elle corrige progressivement ses erreurs les plus manifestes. On peut de moins en moins faire dire ce qu'on veut aux faits historiques. On n'hésite plus à réveiller des épisodes peu glorieux de l'histoire de France. On ne laisse plus aussi facilement des idéologues manipuler le passé.

On doit sans doute ce progrès aux historiens et à leurs recherches, à l'école et à l'université, mais aussi à la panne de projets qui marque nos sociétés.

L'histoire, ses événements, ses héros, ses prodiges, ses tragédies ne sont jamais tant discutés, interprétés, revisités, tirés à droite ou à gauche, que dans des périodes où la société s'affronte durement sur des possibilités d'avenir radicalement différentes. Quand le communisme était un horizon indépassable pour certains, l'histoire de France était repeinte en rouge. Quand une certaine extrême droite voulait réinstaller la monarchie en France, l'histoire de la jeune République était repeinte en noire.

On peut s'en désoler ou au contraire s'en féliciter, mais nous vivons une époque qui ne croit plus au meilleur des mondes et qui sait que son avenir ne sera pas forcément radieux. Et ce n'est pas récent. Albert Camus le disait en 1957 dans son discours de Stockholm, lorsqu'on lui remit le prix Nobel de littérature : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le fera pas. Mas sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. » Empêcher que le monde ne se défasse suppose qu'on sache de quel monde on parle, et donc qu'on connaisse son passé. Non pas tel qu'on voudrait qu'il fût pour le mettre au service d'une cause, mais tel qu'il est réellement. Ni vraiment beau, ni franchement laid. Une vision de l'histoire qui supporte de moins en moins les messages simplificateurs et les récupérations politiques.

Quand une certaine extrême droite voulait réinstaller la monarchie en France, l'histoire de la jeune République était repeinte en noir.

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