TOUT EST DIT

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jeudi 20 octobre 2011

Le mythe d’un marché du travail européen

Malgré la crise de la zone euro, les statisticiens n'ont pas encore observé un exode significatif de migrants grecs, espagnols ou portugais fuyant le chômage et les bas salaires vers les régions les plus prospères de la zone euro. Le rêve d'un marché du travail européen n'est donc toujours pas atteint. 

Quelque 340 Portugais, 518 Espagnols et 630 Italiens. Ce sont les chiffres qui correspondent aux flux nets de migrants originaires du Sud de l’Europe qui sont venus aux Pays-Bas depuis le début de 2011, en cette deuxième annus horribilis consécutive au sein de la zone euro. Ces chiffres n’ont rien d’astronomique sachant qu’à l’heure actuelle, 1 Portugais sur 8 et 1 Espagnol sur 5 n’ont pas de travail. Il n’y a pas de chiffres récents concernant la Grèce (où le chômage est de 1 sur 6), mais la migration en provenance de ce pays reste limitée.
Bien que l’Union européenne souhaite former un marché unique, elle se compose encore de 27 marchés du travail différents, constate Jules Theeuwes, directeur du bureau néerlandais d’études économiques SEO. "Nous avons supprimé les frontières, et les marchandises et les capitaux peuvent circuler librement, mais la migration du travail a toujours été moins importante qu’on aurait pu s’y attendre. Quand on compare, dans ce domaine, le marché du travail européen par rapport au marché américain, l’Europe n’est pas un marché dynamique."

"Une économie plus équilibrée"

L’idée d’un marché du travail flexible, au sein duquel aurait lieu une importante migration interne, a toujours été un des piliers à la base du concept de marché commun européen. "C’était un des solides arguments en faveur de l’Acte unique européen et de tout le processus d’intégration économique", fait remarquer l’économiste Francesc Ortega du Queens College, à New York. "En un sens, la migration offre une certaine assurance contre les chocs macroéconomiques soudains."
La rigidité du marché du travail dans bon nombre de pays européens est une des principales considérations politiques qui ont incité la Suède, le Danemark et le Royaume-Uni à ne pas entrer dans la zone euro. Ces trois pays, qui ont un marché du travail extrêmement ouvert, craignaient que les pays où les marchés sont fermés aient moins de marge de manœuvre en cas d’évolutions économiques défavorables. Les pays pouvaient auparavant surmonter les difficultés en dévaluant leur monnaie, mais avec l’euro ce n’est plus possible.
"Lorsque nous avions encore notre propre monnaie, nous pouvions dévaluer la peseta quand l’économie allait mal, pour rendre nos exportations meilleur marché. Maintenant, quand les pays sont frappés par une crise, il n’y a plus que deux solutions : réduire les coûts, ou émigrer vers des lieux moins durement frappés", dit Juan José Dolado, professeur d’économie à l’Université Carlos III de Madrid.
Pour l’instant, les flux migratoires de l’Europe méridionale ne sont pas suffisants pour stimuler l’économie européenne. Si les chiffres augmentaient, ce serait possible, selon Juan José Dolado. "Cette migration va entraîner une pénurie de personnes hautement qualifiées dans les pays d’origine, par conséquent les salaires vont augmenter. Si des Espagnols vont aux Pays-Bas, par exemple, il y aura là-bas une offre abondante, qui provoquera une baisse des salaires. L’économie sera donc plus équilibrée. C’est une recette économique de base."

Une redistribution au détriment de certaines régions

"Qu’attend-on d’un marché du travail ?", s’interroge Jules Theeuwes. "Que les meilleures personnes arrivent aux meilleurs endroits, où elles sont les plus productives. Ce que l’on observe actuellement en Europe, c’est l’apparition prudente de pôles économiques comme celui de la Silicon Valley, comme aux Pays-Bas le pôle technologique autour d’Eindhoven ou encore le pôle agricole autour de Wageningen. On constate que les régions deviennent peu à peu plus importantes que les pays. S’il existait un plus grand marché du travail européen, des ingénieurs originaires d’Espagne et de Finlande travailleraient dans ces pôles. Cela arrive, mais pas à grande échelle."
Risque-t-on d’assister à une hémorragie des talents dans l’Europe méridionale ? Un pays comme l’Espagne recevrait nos retraités et les Pays-Bas la fine fleur de la nation espagnole. Jules Theeuwes ne s’en inquiète pas. "Le principe de base, c’est que le marché du travail européen en tire parti. Ce genre de redistribution provoque peut-être une fuite des cerveaux à l’intérieur de certaines régions d’Europe, mais elle est favorable à l’Europe dans son ensemble."

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