TOUT EST DIT

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dimanche 7 août 2011

Le monde replonge-t-il dans la crise ?

Les spécialistes n'arrivent pas à se mettre d'accord sur la gravité de la situation. 
  Le CAC 40 a chuté jeudi de 3,90 %, au terme de sa neuvième séance de baisse consécutive. Les indices des grandes places dégringolent, les investisseurs s'affolent. Les experts ont du mal à s'accorder sur la nature du phénomène. D'un côté, économistes et universitaires évoquent la matérialisation d'une crise en gestation depuis plusieurs années, dont les conséquences pourraient être catastrophiques. De l'autre, analystes et acteurs du marché ont plutôt tendance à relativiser. Ils reconnaissent une tension conjoncturelle forte, mais pas exceptionnelle. Qu'en est-il ?
La "grande contraction", le scénario catastrophe
Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef du FMI, affirme dans Les Échos que cette crise n'est pas une "grande récession", mais une "grande contraction". Et ça change tout. Une récession désigne en effet un ralentissement passager de l'économie, plus ou moins prononcé, auquel on peut remédier par l'usage des mécanismes d'ajustement des politiques budgétaires et monétaires, de façon assez classique. Une contraction en revanche ne saurait être résolue par un plan de relance ou d'austérité. Elle est causée par un facteur endémique profond, en l'occurrence l'endettement des pays, d'après l'analyse de Kenneth Rogoff. Une contraction s'inscrit sur le long terme : alors qu'une économie peut sortir de la récession en un an environ, il faut en moyenne quatre ans pour revenir d'une contraction, c'est-à-dire pour retrouver un niveau de revenu par habitant égal à celui d'avant la crise, toujours selon l'économiste.
Si la structure du problème est différente, Kenneth Rogoff souligne que la solution l'est aussi. Les gouvernements et les Banques centrales ont multiplié les annonces de plans de relance, de sauvetage ou d'austérité. Mais le problème central est commun : l'endettement abyssal de certains pays ne leur permet plus de payer leurs factures. Relever le plafond de la dette, c'est-à-dire le montant à partir duquel le pays est considéré comme étant en faillite, comme l'ont fait les États-Unis cette semaine, c'est reculer pour mieux sauter. Le pays se donne un peu d'air, évite le défaut, mais ne résout pas le problème.
Un plan de sauvetage, comme celui que les membres de la zone euro ont annoncé pour la Grèce, équivaut à cautionner une mauvaise gestion des finances publiques depuis des dizaines d'années, et contribue à véhiculer l'image d'une Europe économique laxiste et sans pouvoir coercitif. Enfin, les plans de rigueur, à l'image de celui de l'Italie, sont une réponse potentiellement efficace dans une situation de récession, mais inappropriée en cas de "grande contraction". L'impact direct sur le porte-monnaie des citoyens pourrait déprimer encore plus la croissance, nécessaire à la reprise économique. D'autre part, le geste ne suffirait pas à rassurer les marchés.
Morosité du mois d'août
Pourtant, du côté des analystes, pas question de s'alarmer. Selon Clémentine Gallès, spécialiste en macro-finance au département des études économiques de la Société générale, l'économie est toujours en période de reprise après la crise de 2008. Une "reprise molle", car accompagnée d'une faible croissance, mais une reprise quand même. L'analyste attribue les plongeons du marché en partie au mois d'août, mois durant lequel traditionnellement les marchés sont "peu liquides". "Le risque de tension financière est grand", précise Clémentine Gallès, mais le schéma n'est pas exceptionnel. Outre la dette, "deux types de facteur ont contribué à la morosité des marchés au cours du premier semestre 2011", analyse-t-elle, "la catastrophe de Fukushima, qui a fait plonger la croissance japonaise et les marchés internationaux, et les fluctuations du cours du pétrole, en forte hausse au début de l'année à la suite des troubles politiques constatés en Afrique du Nord et au Moyen-Orient."
"Sur le long terme, ces événements se traduisent par un resserrement des politiques monétaires dans les pays émergents, et budgétaires dans les pays développés", poursuit-elle. "Le problème pourrait naître d'un manque d'assurance grandissant des marchés. Leurs prévisions, influencées en partie par les agences de notation, ont tendance à s'autoréaliser. Donc s'ils n'ont pas confiance, les taux de rendement obligataire des pays vont continuer à augmenter, et les gouvernements ne pourront effectivement plus payer." Selon l'analyste, la rentrée pourrait débloquer les choses. "Le problème aujourd'hui par rapport aux années précédentes, c'est qu'après la crise de 2008 les marges de manoeuvre se sont considérablement réduites", conclut-elle.
Les avis sont donc partagés quant à la nature profonde de la conjoncture. Crise, "grande contraction" ou morosité du mois d'août ? Si l'endettement des pays reste pour tous un symptôme fiable et durable d'un malaise économique profond, l'apaisement ou l'aggravation de la situation pourraient dépendre en grande partie des prévisions, donc du moral des marchés.

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