TOUT EST DIT

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lundi 18 juillet 2011

Πολιτεία: la politique du XXIe siècle est née en Grèce

La société civile —y compris les marchés financiers— a raison: informée comme jamais, elle pousse les politiques à moins de médiocrité. A eux de faire leur révolution, plus que nécessaire: être clairs, tenir leurs engagements, expliquer la réalité, avouer leurs erreurs, se corriger.
 
L'ANNÉE DEVAIT ÊTRE celle du face à face entre les politiques et les marchés. Nous y sommes en plein. Des deux côtés de l’Atlantique, la guerre faite rage entre les endettés et les créditeurs, entre une classe politique faible et/ou désunie et des marchés financiers riches à l’infini, impatients, exigeants. Encore en gestation quelques jours aux Etats-Unis où le président et le Congrès se battent, cette guerre est féroce en Europe depuis 18 mois. Elle a ses victimes: les peuples à qui l’on inflige une austérité de fer. Elle a ses profiteurs: les populistes qui accusent les dirigeants en place de compromission avec les «riches financiers».
Mon espoir est que du conflit pourrait naître une classe politique plus responsable, obligée à plus de transparence et à rendre des comptes. Les dettes ont parfois du bon, si elles sont des investissements sur l’avenir. Mais elles sont le plus souvent le résultat de lâchetés, d’incapacité à décider de la part d’une classe politique habituée à ne pas tenir ses promesses, en clair à mentir.
Les dettes sont de la mauvaise politique accumulée. Aujourd’hui, la société civile demande autre chose: constituée d’êtres intelligents et informés, elle veut la vérité, elle ne veut pas la lune, elle demande aux politiques d’être clairs, de tenir leurs engagements, d’expliquer la réalité, d’avouer leurs erreurs, de se corriger.  La modernité ne supporte plus le mensonge.
Je classe les marchés financiers dans cette société civile. Leur exigence a des allures de diktat mais elle n’est pas, au fond, illégitime: les opérateurs des marchés gèrent l’argent des autres, celui des fonds de pension et de retraite, celui des épargnants. Ils calculent que certains Etats ne rembourseront pas leurs dettes en entier et ils veulent savoir combien il leur en coûtera. Pas plus pas moins. Ils le disent avec violence, celle de l’argent, mais sans autre but que de récupérer cet argent.
Ils n’ont pas d’objectif politique, comme de destituer un gouvernement. Ils ont des a priori de politiques économiques mais pas tant que ça. Le pragmatisme est leur véritable ligne : c’est ainsi qu’ils veulent que les Etats adoptent des plans d’austérité mais, dès le lendemain, ils se ravisent un peu et soulignent que ces plans ne doivent pas non plus provoquer de récession qui aggrave les déficits.
Ce que veulent, les marchés, ce sont des hommes politiques plus efficaces. Aux Etats-Unis, ils pousseront demain à ce que ce pays déchiré retrouve un consensus idéologique. En  Europe, ils veulent comprendre quelle est la réelle solidarité entre les membres de la zone euro et demandent qu’avance l’union politique. Qui leur donnera tort ?
Je sais, on pouvait sortir de cette crise avec une victoire de la politique sur la banque. On pouvait imaginer un retour à une régulation très serrée des marchés financiers et à un adieu net à l’ère ultra-libérale. Mais tel n’est pas le cas. Il n’y a pas de consensus mondial pour revenir à des lois contraignantes pour restreindre le poids et le rôle de la finance dans le monde. C’est un fait. Sans doute parce qu’au fond, personne n’a de doctrine claire sur ce que doit être la finance, l’innovation, la couverture des risques, etc. 
Les dirigeants du G20, sont divisés, ils n’ont pu que commencer à réguler timidement les institutions financières, partiellement, sans insister. Leur seule conviction est qu’il faut laisser-faire en tâtonnant. Peut-être iront-ils peu à peu plus loin dans la régulation, les Britanniques par exemple sont curieusement les plus culottés.
Dans ce contexte, les marchés, bientôt renfloués, ont donc vite retrouvé toute leur puissance. Les banques ont remboursé les prêts que les Etats leur avaient accordés  pour les sauver à l’automne 2009. Elles font des profits record et distribuent des bonus comme avant. Les stress test prouvent que la grande majorité d’entre elles supporterait un nouveau choc. Pour la finance, la crise est finie.
Ce sont au contraire les Etats qui sortent les plus affaiblis de la crise, surendettés pour beaucoup. Grèce, Portugal, Irlande et maintenant Italie sont sous leurs tirs et bientôt les agences pourraient dégrader la note de la première puissance économique mondiale, les Etats-Unis. Est-ce imaginable? Ça l’est: la dette américaine atteindra 100% du PIB en fin 2011 sans compter la quantité d’engagements non encore comptabilisés comme ceux de Freddy Mac et Fanny May, les deux réescompteurs publics des prêts immobiliers qui aujourd’hui doivent racheter des quantités astronomiques de crédits à des ménages en faillite.
Des dettes énormes donc. Sont-elles objectivement trop lourdes? C’est toute la question bien sûr. Difficile d’être affirmatif. Il y a matière à débats. Hier, dans les années 90, Bill Clinton a pu rembourser celle de l’Amérique en quelques années. Mais il est certain que ces sommes ont aujourd’hui atteint, à cause de la crise, des niveaux historiquement très élevés et que la faible croissance prévue en sortie de crise, ne va pas faciliter les remboursements. Dans la tête de certains économistes, plane l’idée que tous les endettés de la terre devraient s’entendre pour soulager leur fardeau, soit en faisant défaut ensemble, au moins partiellement, soit encore suscitant une inflation ; l’autre façon de ruiner les créditeurs.
Mais ces idées-là sont écartées, elles conduisent vers l’inconnu. Alors, trop de dettes: que faire? La solution classique l’emporte: des plans d’austérité pour réduire les dépenses, économiser, retrouver des excédents budgétaires et commencer à rembourser. C’est ce qu’on exige de tous les surendettés, les ménages comme les pays.
Le problème, on l’a évoqué, est que cette austérité risque de pousser le pays dans la récession et une spirale négative: la perte de croissance coupe les recettes et le déficit se creuse au lieu de se réduire. Il faut donc conduire la politique économique avec doigté et une aide provisoire est nécessaire, par le FMI ou, en Europe, par les autres pays membres.
Les marchés se tournent alors vers les gouvernements européens et leur demandent:
1) allez-vous prendre les mesures indispensables de rigueur ?
2) allez-vous aider les plus faibles d’entre vous?
Comment? Combien?
Or, les  réponses sont floues. Les Grecs n’arrivent pas à mettre en place les plans prévus. La solidarité intra-européenne est incertaine, contestée en Allemagne, jamais ferme. La classe politique n’est capable que d’être à son habitude, elle fait des promesses et des discours sur «sa volonté indéfectible de soutenir l’euro».
Les marchés y croient quelques jours puis refont leurs calculs, demandent des détails qui ne viennent pas et se mettent à douter, ce qui veut dire à prendre des «positions»  contre. Les taux accordés aux Grecs et aux autres pays faibles montent, aggravant les difficultés de remboursement.
En sortira-t-on et comment? Depuis 18 mois que dure la crise européenne, le scepticisme des marchés s’est endurci. Ils seront aujourd’hui difficiles à convaincre. L’indécision a aussi provoqué la contagion. L’Italie, longtemps épargnée, est maintenant attaquée, les marchés «découvrant» son endettement de 120% du PIB, un plan de rigueur insuffisamment crédible, des dirigeants politiques pire menteurs que tous les autres.
L’euro s’en sortira, je n’en doute pas. Jean-Claude Trichet a raison de marteler que l’Europe «dans son ensemble» est en meilleure situation financière que les Etats-Unis: un équilibre commercial, un déficit budgétaire global de seulement 80% du PIB (100% aux Etats-Unis), une croissance par tête aussi rapide depuis dix ans, une création d’emplois 20 millions d’emplois contre 14 aux Etats-Unis. Le péril n’est qu’à la périphérie. Il faut donc que les dirigeants finissent par s’entendre vraiment autour d’une plan incontestable: une décote de la dette grecque, l’annonce des conséquences sur le Portugal, l’Irlande et cætera, et aussi sur les banques.
Tout cela va se jouer d’ici à la réunion prévue jeudi 21 juillet. Les hommes et femmes politiques ont-ils compris qu’on leur demande d’être clairs, réalistes, de dire la banale vérité des coûts et de déclarer aux peuples qui va les payer? La crise, sinon, s’aggravera encore. L’enjeu, au delà de l’Eurozone, est l’émergence d’une politique nouvelle, transparente et courageuse.

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