TOUT EST DIT

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dimanche 5 juin 2011

Gens de rien

La seule chose importante de l’affaire Ferry, c’est le mépris futile à l’égard des Marocains
Un important bavarde dans une émission de télé comme à un dîner en ville, et conte une anecdote de ministre avec des gamins au Maroc (poissé: quel joli mot et quelle maîtrise de la vieille langue d’un vieux pays, et que de connivences dans l’expression ourlée!), et la France s’étourdit d’un scandale à sa mesure, quand d’autres la regardent et s’écœurent. La seule chose importante de l’affaire Ferry, c’est ce qu’elle a fait aux Marocains ; à ces Marocains, militants des droits de l’enfant, découvrant nos piapiatages dont leurs gosses sont l’objet, et qui portent plainte, pour savoir, et parce que le vrai scandale est là: dans le mépris futile dont nous faisons preuve, dans nos cancans médiatiques et leur insoutenable légèreté de nantis: ce que nous disons en France, croyant parler de nous, mais nous parlons d’eux, et nous ne le savons même pas. Enfants marocains, gibier pour Franchouilles en goguette, enfants de rien, décors d’une anecdote d’un soir, purs objets, sexuels ou de bavardages, sans consistance ni souffrance, inexistants à notre suffisance.

Ceux qui trônent et les gens de peu, toujours la même histoire, semaine après semaine, le seul clivage qui vaille, et c’est malheur pour les petits quand ils croisent le chemin d’un gros. C’est une vendeuse de chez Kookai, à Nancy, dont on découvre qu’elle a perdu son emploi pour avoir commis une plaisanterie idiote sur Nadine Morano, qui faisait ses courses et avait entendu. Un rire de mauvais goût mérite-t-elle le chômage, dans la France qui souffre et se lève tôt? Une ministre offensée est une arme fatale, et sûre de son bon droit. , m’a dit Morano, sans remords ni regret, barricadée dans une posture d’offensée: une fille du peuple devenue ministre et qui oublie que ses colères ont des conséquences, ou bien savoure-t-elle cette puissance inédite? Les petits doivent apprendre à se tenir, quand les puissants s’exonèrent. C’est même à cela qu’on les reconnaît.

À Sevran, dont le maire de gauche réclame l’intervention de l’armée, les habitants apprennent à zigzaguer entre les balles et les enfants privés de récré savent qu’il faut tracer le soir pour rentrer chez soi. Ici, les importants ne sont pas des politiques mais des caïds de méchante opérette à balles réelles, des bandes qui se disputent des trottoirs de la drogue, et tant pis pour ceux qui les rencontrent: pour les défourailleurs, les Sevranais ne sont qu’un décor, et si une balle perdue percute ce décor humain, cela ne change rien à l’histoire. Les caïds, à l’échelle d’une malheureuse banlieue, sont tels les nobles du Moyen Âge qui piétinaient les récoltes, les éternels seigneurs des guerres qui dévastent les peuples dans une brutalité indifférente. Racailles ou bourgeois ou ministre, tous possèdent ce mépris fascinant des puissants envers ceux qui existent moins qu’eux.

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