TOUT EST DIT

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jeudi 16 juin 2011

À Athènes, «on n'a plus rien à perdre»

Les «Indignés» grecs se réunissent, depuis trois semaines, sur la place Syntagma devant le Parlement.

Apostolia Kyrioudi est déterminée. Tous les jours depuis trois semaines, elle participe, avec son mari, son fils de 24 ans et ses amis, aux rassemblements des «Indignés» devant le Parlement. Mercredi, elle a été rejointe par des milliers de manifestants grévistes et membres des syndicats. «Nous avons battu tous les records! Ce n'est pas une surprise, nous étouffons, dit-elle. La rigueur nous a ruinés, psychologiquement et économiquement. On n'a plus rien à perdre maintenant.»
Apostolia encourage son fils Tassos à camper, le soir, dans les tentes installées en contrebas, face au Parlement. «Il est diplômé de droit et il n'arrive pas à trouver de travail. Je n'ai pas les moyens de l'envoyer à l'étranger. Ici, au moins, il se sent utile. Le soir, il parle aux assemblées générales. Les centaines d'“Indignés” s'organisent pour sortir le pays de cette occupation par les créanciers étrangers», déclare-t-elle.
La plupart des Grecs comparent en effet la tutelle budgétaire internationale à une nouvelle dictature, après celle des Colonels, que le pays traversa de 1967 à 1973. La référence se retrouve sur les banderoles et dans les slogans scandés par des manifestants. Même s'il n'a pas connu le soulèvement des Grecs contre les Colonels, Tassos reprend les slogans criés en chœur qui l'évoquent. «La junte, aujourd'hui, c'est le FMI. Mes parents ont du mal à payer leurs factures et les prix augmentent sans cesse. Pendant un an, on nous a dit de serrer les dents et que tout irait mieux. Et là, on nous demande encore de nous serrer la ceinture. Moi, j'ai honte de demander à ma mère de l'argent pour aller au cinéma.»
Mercredi, les «Indignés» ont tout fait pour éviter les affrontements entre policiers et manifestants. Il ne fallait pas que se perde dans la violence le message lancé aux politiques en cette journée symbolique. Dès les premières tensions, les jeunes formaient des chaînes humaines pour encercler les semeurs de troubles encagoulés.

Injustice sociale

Dans l'après-midi, les débats des «Indignés» ont vite repris. S'ils se félicitent de la mobilisation des Grecs, ils ne crient pas victoire. Au fond, chacun reconnaît que le pays a besoin de réformes, mais le sentiment d'injustice sociale prévaut. Anna Vayena, célèbre actrice grecque, compare la situation à un restaurant «où une autre table aurait consommé du caviar et nous devrions payer leur note». La plupart des Grecs, et surtout dans les classes populaires, ont le sentiment de payer à tort quarante ans de laxisme budgétaire de la classe politique.
Pour Jens Bastian, chercheur au think-tank Eliamep, la Grèce traverse une crise sociétale profonde, qui pourrait marquer un tournant dans l'histoire. «L'État n'a plus d'argent à distribuer aux gens. Et les “Indignés” sont prêts à se battre bec et ongles pour protéger ce qu'il leur reste de droits sociaux. Ces prochains mois, la Grèce devra établir un nouveau contrat social entre les élites politiques et les citoyens. C'est là tout l'enjeu», dit-il.
En attendant, les «Indignés» sont bien décidés à prolonger l'occupation de la place Syntagma jusqu'au vote du second plan de rigueur, le 28 juin prochain.

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