TOUT EST DIT

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dimanche 8 mai 2011

Les mystères d'Abbottabad

Dans la ville-garnison pakistanaise où Ben Laden s’est réfugié dès 2003, les groupes extrémistes étaient chez eux.

Mohammad habite à quelques mètres de la dernière résidence fortifiée d’Oussama Ben Laden, à Abbottabad. Lundi, il racontait l’assaut de la nuit précédente : l’électricité coupée, le vacarme des rotors d’hélicos, les tirs. Il ajoutait : "Nous, on savait qu’il y avait des Arabes dans cette maison. Et on se doutait bien qu’il s’agissait de combattants étrangers". Depuis, ce jeune homme a été arrêté par les services de renseignement pakistanais. On ne parle pas impunément de la présence, si dérangeante depuis lundi, des occupants de la mystérieuse demeure cachée derrière les hauts murs sertis de barbelés.
Dans le grand bazar de la ville-garnison, on évoque désormais le sujet à mi-voix, comme Sajjad, vendeur d’armes dont la famille est enracinée à Abbottabad depuis des générations. Il n’est pas si étonné que l’homme le plus recherché de la planète se soit caché non loin de son magasin : "Oussama Ben Laden pouvait compter sur plusieurs structures, à commencer par les organisations extrémistes, confie-t-il. Abbottabad est un concentré du djihad. Vous y trouvez des militaires, les agences de renseignement et des antennes discrètes d’au moins trois groupes extrémistes : le Jaish-e-Mohammed, le Sipah-e-Sahaba et le Lashkar-e-Taiba. Bref, toutes les institutions qui se sont impliquées dans le djihad à partir des années 1980 et qui continuent avec l’Afghanistan".

"L’un des endroits les plus surveillés du pays"

L’armée compterait pas moins de 90.000 soldats sur place, avec trois corps d’infanterie, le corps des médecins et l’une des plus importantes académies militaires du pays. "Académie d’où sont sortis des généraux comme l’ancien président Pervez Musharraf et le chef des armées, le général Ashfaq Parvez Kayani", confie encore Sajjad, qui ajoute : "L’ISI (*) possède une douzaine de bureaux ici, sans compter ceux des services de l’armée, du ministère de l’Intérieur, de la police… C’est bien simple, Abbottabad est l’un des endroits les plus surveillés du pays". Un lieu discret où règne une entente cordiale entre militaires et extrémistes.
Petite ville lovée sur les premiers contreforts de l’Himalaya, Abbottabad se trouve en fait sur la route du Cachemire, à quelques encablures des camps d’entraînement de Mansehra, rouverts en 2005 pour former les futurs djihadistes. Des camps tenus par l’armée. "Le Jaish-e-Mohammed et les autres groupes extrémistes y ont leurs entrées. C’est là que leurs meilleures recrues sont formées", affirme Saad, jeune policier d’Abbottabad. Or, ce sont ces groupes qui ont accueilli puis aidé les étrangers d’Al-Qaida après leur fuite d’Afghanistan, fin 2001, quand le régime du mollah Omar s’est effondré. Sajjad, de son côté, ajoute : "Beaucoup de trafiquants sont établis à Abbottabad. À chaque fois que l’un d’eux s’installe ici, il bénéficie forcément de l’aide d’un officiel".

Le responsable des attentats de Bali était venu le voir

La région est en outre marquée par l’idéologie wahhabite, prônée par Al-Qaida. "Depuis trente ans, les responsables des groupes extrémistes font le déplacement à Abbottabad pour s’entretenir avec les officiers, qui partagent les mêmes idées qu’eux, radicales et violentes", raconte Saad. Umar Patek, le terroriste indonésien responsable des attentats de Bali (202 morts) en 2002, a d’ailleurs été arrêté sur injonction américaine fin janvier à Abbottabad. Il cherchait apparemment à s’entretenir avec Oussama Ben Laden et avait rencontré sur place au moins un membre du Jaish-e-Mohammed et des officiers. Une arrestation qui aurait conduit à celle de deux extrémistes français, deux mois plus tard à Lahore, dans l’est du Pakistan.
Grâce à ses complices, Oussama Ben Laden s’est en fait établi dans la région dès 2003, moins de deux ans après avoir fui l’Afghanistan. Il a vécu jusqu’en 2005 dans un petit village situé au sud d’Abbottabad, Chak Shah Mohammad, non loin d’un des principaux camps de réfugiés afghans couramment appelé Little Helmand, du nom de la plus violente province du Sud afghan. Quand le camp a commencé à être sous surveillance des services secrets afghans, alliés aux Américains, Ben Laden aurait été exfiltré jusqu’à Abbottabad. Où il vivait reclus depuis.
(*) Inter-services intelligence, services secrets pakistanais.

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