TOUT EST DIT

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samedi 21 mai 2011

Le Loft à Manhattan

Aux États-Unis comme en France, la prison est un univers fondamentalement inhumain qui inflige à ses pensionnaires une peine bien plus lourde que la privation de liberté. On ne peut donc éprouver qu’un sentiment presque instinctif de soulagement pour ceux qui peuvent y échapper. La remise en liberté de Dominique Strauss-Kahn entre dans cette catégorie. Non parce que l’homme était respectable et puissant mais parce qu’il clame son innocence et que, malgré des faits accablants, un certain nombre de zones d’ombre empêchent, en l’état actuel du dossier, de lever totalement le doute sur sa culpabilité.

Légitime remise en liberté donc, qui lui permettra de se défendre dans de bonnes conditions. Certains décryptent, à tort, un privilège indu dans cet apparent «confort» juridique arraché par les avocats de l’ex-directeur du FMI au juge du tribunal de South Manhattan quand il n’est le plus souvent que la règle générale. On s’interroge déjà sur la logique d’une justice américaine qui, derrière des apparences brutales, serait finalement bien laxiste et surtout d’une indulgence sélective. Mais le système français, loué par comparaison ces derniers jours, serait-il plus enviable avec ses détentions provisoires trop souvent systématiques, interminables, voire abusives, qui broient des vies, elles aussi, avec, en supplément, la bonne conscience de notre État de droit ?

Il n’y a sans doute pas de bonne formule. D’un côté ou de l’autre de l’Atlantique, la justice des hommes cherche son chemin dans un entrelacs de contradictions. Ainsi celle de l’Amérique, grande démocratie, veut à la fois garantir l’égalité des faibles et des puissants devant le droit. Elle protège les premiers, et elle le fait de façon spectaculaire, tout en privilégiant objectivement les seconds puisque l’argent peut acheter la liberté, et les énormes arrangements arrêter la marche d’un procès. Aux yeux de ce pays jeune, qui sacralise autant la réussite que le rêve américain, il n’y a pas d’incohérence.

Ainsi la «liberté» de DSK vaut donc un million de dollars, plus cinq garantis en hypothèque, et 200 000 euros par mois de frais de garde. On pourra toujours dire que l’adjectif libre n’a pas de prix, mais celui-ci est exorbitant. Surtout pour un fake. Une pâle copie. Un ersatz. La promesse d’un quotidien meilleur que celui des geôles de Rikers Island certes - et celles-là étaient gratuites - mais peu enviable. Qu’on y songe: un enfermement, à huis clos, avec trois membres de sa famille sous l’œil permanent des caméras. Le Loft à Manhattan, version noire, avec sa femme, et seulement un avenir brisé à partager. Le vertige d’un immense vide devant soi, et l’assurance que le ressentiment, forcément, surgira. C’est au-delà de toutes les folies de la télé-réalité. Le cauchemar d’Upper East Side.


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