mercredi 6 avril 2011
Convaincre sans tromper
Peut-on faire rêver lorsque la dette atteint 26 500 € par habitant et que la mondialisation dicte nos décisions ? Autrement dit, dans un contexte aussi contraint, qu'est-ce qu'un projet crédible et comment peut-il séduire ?
La question se pose à l'UMP, qui dispose d'un candidat probable, mais pas encore de projet. Au PS, qui s'offre un costume programmatique avant tout le monde, mais sans savoir qui le revêtira. Et à leurs alliés qui devront aussi distinguer le possible et le souhaitable. Faute de pouvoir évaluer un projet à ses ambitions quantitatives, il faut regarder comment la combinaison des mesures proposées répond ou pas aux attentes de la société.
Toute construction politique devrait concilier deux contradictions majeures : entre l'immédiat et le long terme, d'une part ; entre l'individuel (ou le catégoriel) et le collectif, d'autre part. Exemples : le contribuable aspire à payer moins d'impôt, mais le pays a besoin d'équipements publics et de désendettement. L'automobiliste veut rouler autant que nécessaire, mais nous devons collectivement améliorer notre bilan carbone. Le retraité défend sa pension, mais une jeunesse paupérisée ne peut pas cotiser plus. L'actionnaire veut être récompensé tout de suite, mais l'investissement nécessite du temps.
Entre le « moi, tout de suite » et le « nous, demain », il faut une régulation pour éviter que la jeunesse ne se révolte, que l'urgence écologique n'impose un totalitarisme d'un genre nouveau, que l'impasse budgétaire n'entraîne une rigueur massive ou que l'âpreté au gain rapide ne tue l'innovation.
Cette régulation suppose au moins deux conditions. D'abord, il ne peut y avoir de démocratie solide sans une prise de conscience aiguë et collective des enjeux. Attention au jeu des intérêts particuliers, à l'instantanéité de l'information et à la confusion des débats qui n'aident pas toujours à les comprendre ! Ensuite, la participation de chacun au redressement général ne peut réussir que sur la base d'une justice fiscale et sociale, et dans le cadre d'une gouvernance irréprochable. Ceux qui proposent un rééquilibrage social par l'impôt l'ont compris.
C'est à l'aune de cette grille de lecture que l'on vérifiera si le projet socialiste - et demain celui des autres formations - est bien de nature, comme l'assure Martine Aubry, à dépasser les intérêts particuliers pour nourrir des réussites et des fiertés collectives. À calmer les avidités immédiates au profit d'un vivre ensemble aujourd'hui dégradé. À combattre les égoïsmes pour être mieux collectivement, dans son entreprise, dans sa ville, dans son pays.
Cette réflexion montre toute l'inconséquence d'une médiatisation consistant - et le reproche vaut pour tous les camps - à ne retenir que quelques propositions extraites d'un projet déjà enterré par ceux... qui ne l'ont pas lu ! Quand elle agit ainsi, la politique se saborde toute seule et brouille plus qu'elle n'éclaire.
Car seule la clarté du projet - et celui du PS a au moins le mérite d'exister - peut ramener à l'essentiel, déjouer l'habileté du Front national à dicter l'ordre du jour politique et médiatique, et donner aux abstentionnistes des raisons de se remobiliser. Convaincre sans tromper : la défiance née des promesses non tenues supposerait que l'on en fasse la règle d'or de la présidentielle.
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