TOUT EST DIT

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dimanche 9 janvier 2011

Différences

C’est un discours pesé et travaillé, voulant conjurer les colères des fous de Dieu… Mais le diable est dans les détails et Nicolas Sarkozy l’a laissé ricaner vendredi, en dénonçant ce "plan pervers d’épuration religieuse" qui viserait les chrétiens du Moyen-Orient. La tragédie des Coptes et syriaques est incontestable. Mais les mots présidentiels méritent qu’on les analyse dans toutes leurs conséquences.
S’il est un plan, il a un auteur. Pour l’Elysée, Al-Qaida est coupable, qui veut chasser les chrétiens du Levant. Mais alors, sauf à considérer Al-Qaida comme l’aboutissement apocalyptique mais fidèle de l’islam contemporain, ce drame s’inscrit dans une bataille globale, où les sociétés musulmanes sont visées par la même terreur que les Coptes d’Alexandrie. Le combat est politique, de la liberté contre le fascisme, et transcende frontières et religions.

Pourtant, le président français sape cette évidence par glissements successifs. Ayant dénoncé "l’épuration religieuse", il vante "la diversité, humaine, culturelle et religieuse" française et occidentale, et ajoute: "Les droits qui sont garantis, chez nous, à toutes les religions, doivent être réciproquement garantis dans les autres pays." Puis il évoque une chrétienne pakistanaise, condamnée à mort pour blasphème par un tribunal du Pendjab. L’exemple est malvenu et un mot est en trop: "réciproquement".

Les lois contre le blasphème ne relèvent pas de la même dénonciation que l’incendie d’AlQaida. Et la laïcité ou la liberté religieuse, valeurs universelles, ne doivent pas s’appliquer par "réciprocité", dans un échange entre Islam et Occident. Implicitement, Nicolas Sarkozy exprime une vision du monde musulman malade d’intolérance, auquel s’opposerait un monde occidental, comprenez chrétien, tolérant envers ses minorités. Et il suggère une assimilation, une parentèle entre chrétiens d’Orient et musulmans d’Europe ou de France: de citoyens indifférenciés d’une république laïque, ils deviennent éléments minoritaires d’une société heureusement "bénévolente"!

Que ce discours soit tenu lors de voeux aux autorités religieuses françaises, et aborde également incidents racistes et prières de rue ("la République ne peut pas accepter qu’une religion investisse l’espace public sans son autorisation"), ajoute à la confusion. On parlait de l’Orient tragique, on atterrit rue Myrha. Les frontières sont abolies, les différences sont expulsées du discours public, la guerre des civilisations se conjure au coin de la rue, et la République a le vertige! On peut dire que le Président est lucide sur l’état réel de nos sociétés et prend de front les haines latentes qui font de l’islam un ennemi intérieur et extérieur. On peut saluer son propos de tolérance et de modération et discuter au fond de l’inéluctable communautarisme. Mais il reste un sentiment de perplexité, quand les mots d’un homme d’Etat viennent contredire ses aspirations et les plus sincères et les plus élevés.

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