samedi 20 novembre 2010
Justice pour la justice
Au fond, c'est un très noble débat, à la fois intellectuel et politique. C'est aussi une question de conscience pour une démocratie. Et elle est posée à notre classe politique toute entière. L'avenir de la justice française mérite mieux, beaucoup mieux, que des effets de manche et elle doit à tout prix échapper aux procès en sorcellerie. Elle ne peut guère, en effet, s'offrir cette fantaisie. L'heure a sonné depuis longtemps.
Le gouvernement le sait. En entrant à l'Élysée en 2007, puis en 2008, Nicolas Sarkozy a eu la clairvoyance de faire de son ambition pour le monde judiciaire une priorité budgétaire en dotant la chancellerie d'une sensible augmentation de ses crédits. Une option qui a même résisté à la crise et au tour de vis de Bercy.
L'effort, incontestable, n'a pas suffit. Le livre blanc rédigé par les syndicats de magistrats met au jour des carences, à peine croyables parfois, indignes en tout cas d'une grande nation développée. Aujourd'hui, les juges ne cachent plus leur désarroi devant les manques de moyens de plus en plus caricaturaux qui ralentissent décisions et procédures. Parfois même, le droit n'est plus le maître du système. L'argent - ou plutôt, le manque d'argent - si...
Comment, dans de telles conditions, imaginer des réformes de progrès ? Comment transformer enfin l'émotion, saine, provoquée par le naufrage d'Outreau en un sursaut national ? L'impuissance de l'État à changer la donne est désespérante et porte en elle un germe dangereux pour notre citoyenneté. Il ne reste plus que des intentions, accueillies par le doute. Et la bienveillance du pouvoir. Personne ne doute de celle du nouveau garde des Sceaux, Michel Mercier, un centriste presque trop tranquille qui voudrait incarner la sérénité de l'institution devant les défis qu'il doit affronter. Au-delà de ses qualités humaines, le personnage aura-t-il l'envergure suffisante pour porter des missions aussi écrasantes.
Imposée par l'Europe, la réforme de la garde à vue s'annonce comme une épreuve d'obstacles jalonnant l'éternel affrontement entre sécurité et liberté. Quant à l'introduction des jurés en correctionnelle et auprès des juges des libertés, elle porte en elle une charge ambivalente. D'un côté, elle veut rapprocher le peuple de sa justice - un souhait exprimé par une large majorité de la société, mais qui est plus instinctif que rationnel : la réforme est pratiquement irréalisable en période de crise. De l'autre, elle conforte la méfiance envers un monde judiciaire soupçonné - le plus souvent à tort - d'être coupé des réalités avec l'éternelle mise en examen de son laxisme supposé. Si on veut réconcilier la justice avec les Français, il faudra commencer par être juste avec elle, et lui accorder un minimum de confiance.
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