TOUT EST DIT

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dimanche 29 août 2010

Le piège de l'union

L’union, l’union, l’union, scande le PS, sautant sur sa chaise tel un cabri ; l’unité, l’unité, l’unité, entonnait hier Ségolène Royal en ouverture de La Rochelle, et cette euphorie du « tous ensemble » qui saisit les socialistes montre, a contrario, qu’ils ne sont guéris de rien. L’incantation unitaire tient de l’exorcisme, du déni et de l’évitement. Exorcisme d’un affrontement inévitable aux primaires ; déni de la politique réelle, comme si l’ambition pouvait se vivre sans compétition, et la compétition sans le fiel ; évitement des vrais sujets, et c’est le plus problématique.

La gauche n’a pas perdu le pouvoir par défaut d’unité. Cette lecture n’arrange que les vaincus, qu’elle exonère de leurs manques. Royal n’est pas tombée victime de la trahison des éléphants mais s’est perdue dans ses ruptures avec la raison sociale-démocrate. Jospin n’a pas disparu dans l’explosion de la gauche plurielle, mais a provoqué celle-ci par ses rigidités, l’obsession de son bilan, l’incapacité à admettre les tensions sociales.

Aujourd’hui encore, l’unité n’est qu’un leurre, un slogan mou, une arnaque politique. On la brandit pour sanctionner les voix qui tranchent et qui dérangent. Elle vient empêcher les débats, incite à l’immobilisme, provoque les compromis tactiques et les facilités. L’impopularité même de Nicolas Sarkozy devient un piège pour la gauche, tant elle invite au confort de l’opposition en bloc, comme s’il suffisait de tenir en souriant, pour ne pas contrecarrer le rejet mécanique du Président…

En réalité, c’est de disputes que manquent les socialistes. Disputes de fond, sans médiocrités personnelles, mais forcément incarnées. Sur le primat sécuritaire, sur les équilibres financiers, sur les sacrifices sociaux, sur les égalités réelles… Aussi cruciales que les querelles des deux gauches ou les débats avec le PC avant 1981. Fondamentales quand la gauche doit parler à un pays énervé, en marge de l’évolution du monde, assiégé dans une Europe en déclin… Il ne faut rien éviter, et surtout pas ce qui fait mal, parce que l’exercice du pouvoir, ensuite, sera impitoyable…

Ces jours-ci, dans un livre collectif (Repartir du pied gauche, Libération/Flammarion) un vétéran de la gauche, compagnon de Rocard et de la CFDT, l’historien Jacques Julliard, porte le fer politique contre Dominique Strauss-Kahn: "La gauche ne saurait être représentée, lors de l’élection présidentielle, par un représentant de l’establishment financier", écrit-il, sans masquer sa cible. L’exclusive est contestable? Mais on doit la débattre, parce qu’elle existe dans les préventions d’une partie des gauches; parce qu’elle met en jeu tout le rapport de la gauche avec le capitalisme, ses institutions, ses réformes possibles, ses ruptures tenables… Ce débat-là, pour DSK lui-même, s’il veut en faire justice, vaut mieux qu’une adhésion sondagière à un homme providentiel, que mineraient des murmures et des ralliements contrits. Il faut des débats et de la douleur pour accoucher d’un autre monde. Les socialistes le savent-ils?


Claude Askolovitch

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