TOUT EST DIT

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dimanche 1 août 2010

La chaussure ne fait pas le pèlerin

Toutes les religions connaissent le pèlerinage. Les hindous aux sources du Gange, les shintoïstes au mont Fuji, les musulmans à La Mecque, les juifs au mur de Jérusalem, les protestants dans les Cévennes, les catholiques à Czestochowa (Pologne) ou à Thierenbach (Haut-Rhin) ont pareillement le sens du sacré, ce sentiment que récusent les tenants de l'athéisme.
C'est le sanctuaire qui fait le pèlerinage. Sa réputation se transmet de siècle en siècle comme si une seule et même foule s'y succédait en continu. La ferveur qui pousse les pèlerins d'aujourd'hui à Sainte-Anne d'Auray (Morbihan) a sans doute bien des points communs avec celle qui existait en ce même lieu sous Louis XV. Un pèlerinage se nourrit de sa propre mémoire.
Cela n'exclut pas la mode. Le pèlerinage de Compostelle, qui remonte au Moyen - Age, est bien plus couru aujourd'hui qu'il y a trente ans. On ne comptait que quelques milliers de participants au début des années 1980, alors qu'ils étaient près de 200 000 l'an dernier. Deux faits expliquent ce renouveau : d'une part le statut de grand itinéraire culturel européen attribué en 1987 par le Conseil de l'Europe, d'autre part la visite à Compostelle de Jean Paul II aux "Journées mondiales de la Jeunesse" en 1989. La religion n'est pas forcément insensible aux effets de la publicité.
Ce qui est singulier sur le chemin de Saint-Jacques, c'est l'hétérogénéité des participants.
Compostelle n'est pas une espérance collective comme le sont les réunions de malades à Lourdes. Ce n'est pas non plus un cérémonial communautaire comme les rassemblements de La Mecque d'où le non-musulman est exclu. Des marcheurs pas spécialement pieux choisissent d'aller vers Compostelle plutôt que d'arpenter le non moins superbe GR 20. Leur effort est valorisé par la destination, ou plus exactement par le balisage très précis de l'itinéraire, qui en fait un chemin spirituel. Le pèlerinage devient procession et communion ; il tire sa force de la conscience qu'a le marcheur de mettre ses pas dans ceux de ses innombrables prédécesseurs. Le pèlerin a le sens du rite.
Pour autant l'affluence sur le chemin de Saint-Jacques ne dit rien d'un renouveau de la religion catholique.
Les pèlerinages et les "Journées mondiales de la jeunesse" font le plein mais ces foules sont sans effet sur les désertions paroissiales ou sur le vide des séminaires. C'est d'ailleurs le paradoxe de l'Eglise de Rome par rapport à l'islam ou par rapport à l'orthodoxie russe que de devoir contempler dimanche après dimanche l'immense fossé entre des désirs intermittents de spiritualité et l'adhésion permanente aux formes canoniques du dogme.

Dominique Jung

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