TOUT EST DIT

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mardi 22 juin 2010

Un fiasco prévu

Les joueurs, le sélectionneur, la Fédération française de football, voire le gouvernement... L'heure est à la recherche des coupables depuis que la crise a éclaté au sein de l'équipe de France de football. Un élu UMP du Bas-Rhin demande même une enquête parlementaire.

Revenons en arrière : des joueurs en « grève » font lire un communiqué vengeur par leur entraîneur, devenu ainsi complice, tandis que le président de la Fédération s'étonne du retentissement des « affaires » du ballon rond. Jean-Pierre Escalettes n'a toujours pas compris que, sous le maillot national, les sportifs représentent ¯ pendant le Mondial ¯ l'identité collective, le pays et son image. À ce moment, une société ordinairement invisible se rend tout à coup visible. L'estime que la communauté se porte à elle-même est en jeu. Une réalité supérieure aux individus s'exprime alors : elle prend la forme de l'identification à l'équipe.

Aujourd'hui, la France, écoeurée, n'est pas loin de souhaiter la non-qualification des Bleus, comme elle s'était révoltée contre la main de Thierry Henry. Par deux fois, à huit mois d'intervalle, la société française a refusé de s'identifier à une équipe qui s'est moralement disqualifiée. Ici, la démesure du foot rencontre la morale, seul élément de réconfort.

Ce fiasco prévu remonte à la décision du conseil fédéral de la Fédération de maintenir Domenech à la tête des Bleus après l'élimination directe de la France, au premier tour de l'Euro 2008 (après le match éliminatoire contre l'Italie, il n'avait su que demander sa compagne en mariage). Responsables de ce maintien : MM. Escalettes, Platini, Houllier, directeur technique national. Cette confirmation mérite de figurer au palmarès des décisions absurdes analysées dans un précis de « sociologie des erreurs radicales et persistantes » (1).

La volonté de barrer la route à la génération des champions du monde de 1998 (Deschamps, Blanc...) s'est substituée à l'objectif de performance. Elle a entraîné une perte de sens des actions de tous : dès lors, tout pouvait arriver, avec une communication délirante, fondée sur le déni de réalité.

Puis le recours à une main coupable, le 18 novembre 2009, a détruit moralement ce qui tenait encore. On a vu la mise au pilori de joueurs tournés en ridicule devant le monde entier. Les responsables brillèrent par leur absence et leur cynisme.

Un troisième temps a été la mise en place d'un esprit de clan, dès le début du stage de Tignes. D'emblée, Patrice Evra, le nouveau capitaine, a expliqué que le groupe avait été purgé des « indésirables », cause de ses mauvais résultats. Après la sanction frappant Anelka, le même Evra s'est lancé dans un appel à « l'élimination » des « traitres », non pas ceux qui avaient si mal joué, mais ceux qui avaient « trahi » le secret du vestiaire.

C'était là le principal problème des Bleus ! Capable de verser une larme sur l'hymne national, Evra se muait en commissaire politique. Avec une telle logique paranoïaque, a triomphé la phobie du monde extérieur. La bulle a éclaté.

(1) Christian Morel, éditions Gallimard, 2002.

(*) Sociologue, auteur de Une main en trop (éditions de Fallois).

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