TOUT EST DIT

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mercredi 23 juin 2010

Les Bleus, chronique d'une merde annoncée

Pour ne pas dire pire… La défaite des Bleus face à l'Afrique du Sud est en effet le résultat de plusieurs années de travail acharné venant de nombreux acteurs. En voici le récit.

D’un tocard, les meilleurs entraîneurs n’ont jamais fait un pur-sang. Et quand l’entraîneur est lui-même un canasson à bout de souffle, plus personne ne franchit les obstacles. Même les plus modestes comme celui que représentait cet après-midi les Bafana Bafana sur la pelouse du Free Stadium de Bloemfontein. La rencontre a bien failli s’intituler: et un, et deux et trois et quatre zéro… Et, somme toute, abandonner au pays hôte une sorte de passe droit vers les seizièmes de finale aurait constitué une forme de panache.

Mais même cela, les Bleus n’en ont pas été capables. De bout en bout, ils seront restés fidèles à la vision initiale laissée aux Sud-Africains dans le hall de l’aéroport de George, quelques jours avant la cérémonie d’ouverture: une escouade de morveux boudeurs, fermés, cadenassés derrières leurs baladeurs, handicapés du sourire et de la gentillesse face à un comité d’accueil chaleureux et enthousiaste.
A peu près, à la même époque, toutes les autres équipes consacraient un peu de temps à se faire aimer, qui au zoo de Johannesburg, qui sur la Table Mountain du Cap, signant ici ou là des autographes, et surtout multipliant les déclarations d’amour envers l’Afrique du Sud. Qui a entendu un seul tricolore exprimer sa satisfaction de se trouver dans un pays dit émergent, ayant payé cher, et peut être un peu trop d’ailleurs (voir la chronique de Bernard Maris ) le droit d’accueillir le deuxième plus gros événement planétaire ? Le réponse positive à cette question donne droit à un abonnement gratuit d’un an au bulletin de la Fédération française de football FFF)…

ON ne change pas une équipe qui perd


Il y a quelques années Libération avait rebaptisé un (mauvais) film de Francesco Rosi « Chronique d’une merde annoncée ». Il convient parfaitement pour résumer la lente descente aux enfers de cette équipe, amorcée après le Mondial de 2006 et surtout le fiasco de l’Euro 2008. C’est à cette époque que les cadres de la FFF élaborent la nouvelle stratégie du football tricolore : on ne change pas une équipe qui perd. C’est absurde mais c’est ainsi et il faut évidemment se demander pourquoi.

Dans le cas de Raymond Domenech, ce n’est pas très difficile à comprendre : la garantie d’un salaire annuel plus que confortable même si inférieur à celui des entraîneurs de grands clubs. Mais pas que. Dans l’exercice de ses fonctions l’ancien défenseur lyonnais est un vindicatif. Avec les journalistes du moins, ses meilleurs ennemis depuis toujours. Durer, coûte que coûte, aura été son bras d’honneur à la presse. Et à ceux qui ont toujours douté de ses capacités. Avec ma foi quelque raison. On évoque souvent sa faiblesse technique, la pauvreté de ses schémas tactiques : ils ne sont que la conséquence de son impuissance humaine à créer ce qu’il est convenu d’appeler banalement un « esprit d’équipe ».

Aimé Jacquet y était arrivé. Avec, il est vrai, pour cadres de l’équipe, des joueurs matures, pas des saints ni des philanthropes, mais encore un tantinet sensibles aux notions même très diffuses de « respect », de « hiérarchie », de « collectif ». Avec le départ des Deschamps, des Blanc et de quelques autres, Raymond Domenech s’est retrouvé assez vite à la tête d’une collection d’individus plus que d’un collectif, des garçons roulant avant tout pour eux-mêmes, et leur « clan », d’autant plus fascinés par l’argent facile et le bling-bling que personne au plus haut niveau de la FFF n’a jamais songé à le leur reprocher. Avec eux, Domenech s’est révélé un faux dur, alternant des mesures vexatoires pas toujours bien inspirées avant de céder devant les menaces des uns, les caprices des autres, les coup de gueules et les diktats. C’est ce qui s’est passé tout au long de cette triste campagne d’hiver austral. Un exemple parmi tant d’autres mais un des plus significatifs : Ribery voulait la peau de Gourcuff, trop beau, trop bien éduqué, à son goût et aussi celui d’Anelka, comme l’a évoqué dans ces mêmes colonnes David Desgouilles. Trop « blanc » aussi peut-être. Domenech l’a lui a accordée. Ce qui n’a pas empêché même Ribery d’agresser le meneur de jeu bordelais dans l’avion qui les ramenait de l’infamante défaite contre les Mexicains à Polokwane. Le rachat bien tardif du coach n’aura même pas permis à Gourcuff de monter son talent à Bloemfontein, comme si son coup de coude involontaire synonyme d’expulsion, signait l’absolue déconfiture de tout ce qui peut sortir de la maudite marmite bleue.

Tout le reste aura été à l’avenant. Jusqu’aux manœuvres de Zinedine Zidane pour placer ses potes et humilier un entraîneur qu’il n’a jamais aimé. Voilà quatre ans que l’ancien dieu du football français a quitté l’équipe nationale pour se consacrer pleinement à sa grande passion : la pub et l’argent. Or c’est bien la seule valeur que la plupart des joueurs envoyés en Afrique du sud auront partagée.

Le temps des (règlements de) comptes arrive. Problème : qui aura la légitimité pour préparer le futur. Une grande partie de la FFF devrait normalement dégager si l’on se trouvait dans un pays ayant encore le sens du bien public. Il faudra aussi s’attaquer au corporatisme effréné de la direction technique nationale, d’un Aimé Jacquet qui aura usé de toute son influence et de ses réseaux en faveur de son ancien joueur et élève Domenech. Quitte à le soutenir presque jusqu’au bout dans l’erreur malgré la certitude d’une inéluctable catastrophe.

Il faudrait aussi mener un procès politique et moral sur l’état d’une société au bord de la rupture éthique si l’on veut réellement saisir la nature de la triste danse offerte par les Bleus en Afrique du Sud. A l’heure de l’affaire Woerth, et de toutes celles qui ont précédé, c’est un peu compliqué…

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