TOUT EST DIT

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samedi 15 mai 2010

Rigueur

Un spectre hante la politique française, le spectre de la rigueur, et chacun l’exorcise quand il faudrait l’accueillir avec reconnaissance, pour que prospère cette vertu vengeresse!


La gauche en fait un repoussoir, la droite un tabou, et François Fillon se découvre des vertus comiques insoupçonnées, qui refuse un label qui devrait faire sa gloire… Les Français ne le supporteraient pas, ni les marchés qui pourraient nous confondre avec la mauvaise Grèce, comme s’ils avaient besoin d’un aveu pour connaître notre vérité! Il faut revenir au dictionnaire ou à l’histoire, quand le pouvoir s’échine à ne pas nommer ce qu’il entreprend, et quand l’opposition fustige ce qu’elle devrait réclamer.

Le dico? La rigueur évoque un rappel aux règles, une exigence intellectuelle, et la fin des laxismes. Ni la droite, éprise d’ordre, ni la gauche, passionnée de justice, ne devraient redouter le mot. L’histoire? En 1958, c’était de Gaulle qui prétendait "rétablir la Nation sur une base de vérité et de sévérité, la seule qui puisse lui permettre de bâtir sa prospérité". Vingt ans après, Barre négociait la sortie des Trente Glorieuses: il fut détesté d’abord, estimé ensuite pour nous avoir légué un budget à l’équilibre. Delors ensuite, qui guérit
la gauche de ses errements et la France de l’inflation. Trois respectables totems pour qui voudrait relever le défi.

On reste donc avec le mystère de l’évitement, et l’on y voit beaucoup de peur, ou une lucide culpabilité. Fillon doit bien savoir que ses 5 milliards piochés dans les niches fiscales et dans les fonds de tiroir ne changeront rien à la faillite qu’il annonce. Il doit savoir, aussi, que les politiques de cadeaux fiscaux, le bouclier en tête, sont l’antithèse même de la rigueur, et qu’on ne rétablit pas l’ordre sur un lit d’injustice et d’idéologie…

"Nous ne faisons pas la rigueur, parce que nous n’augmentons pas les impôts, contrairement aux socialistes", clament les oracles de l’UMP. Certes. A ceci près que ce furent de Gaulle et Barre qui jouèrent de l’impôt pour rétablir nos finances… La gauche, elle, aurait beau jeu de réclamer une rigueur authentique et égalitaire. Mais elle n’est pas sûre que le sérieux soit de mise pour retrouver l’assiette au beurre, ne sait pas si elle doit manifester avec Besancenot sur les retraites ou assumer la dureté des temps avec les camarades Strauss-Kahn et Papandréou…

Dans cette affaire, il est un absent: Nicolas Sarkozy, qui s’est occupé de tant de choses pas forcément essentielles, pourrait porter devant le pays le besoin de rigueur, au lieu de charger les moulins à vent des marchés à grands coups de lettres cosignées avec l’amie Angela? Il paraphraserait de Gaulle: "Je ne cache pas que notre pays va se trouver quelque temps à l’épreuve, mais le rétablissement visé est tel qu’il peut nous payer de tout." Il reviendrait sur sa propre idéologie, forcerait le courage des Français par sa contrition, prendrait le risque et les coups et les gains. Mais il faut être fort pour oser se renier, et le Président, trois ans après, ne l’est plus assez.


Claude Askelovitch

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