TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 8 mai 2010

Merci, Angela !

Imaginons que, lorsque le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder lança en 2002 son plan de réformes – le fameux « agenda 2010 »- prévoyant de renforcer le contrôle de l’indemnisation du chômage et de repousser l’âge de la retraite à 67 ans- imaginons que la chef de l’opposition d’alors n’ait pas convaincu ses collègues démocrates-chrétiens de le soutenir : l’Allemagne n’aurait pas aujourd’hui cette balance commerciale excédentaire ( de 135 milliards d’euros, à comparer au déficit français de 50 milliards) que nous lui envions. Elle n’aurait pas été capable de sauver la Grèce. Elle ne serait pas le « maillon fort » de l’Europe, sur lequel nous comptons tellement.Imaginons que la fille de pasteur protestant d’Allemagne de l’Est se soit laissé griser. Sacrée par un magazine américain « femme la plus puissante du monde », elle aurait, après tant d’années de privations, dépensé à tout va. Et puis, au lieu de mettre ses pas dans ceux de son prédécesseur Conrad Adenauer- l’artisan, avec Charles de Gaulle, de la réconciliation franco-allemande - elle aurait prêché la « rupture » : L’Allemagne, sous son règne, n’est-elle pas devenue assez forte pour dicter sa loi à ses 26 partenaires…ou pour s’en éloigner ?

Imaginons qu’Angela Merkel ait craint de lasser les jeunes Allemands qui en ont assez qu’on leur parle de la culpabilité de leurs pères : elle se serait abstenue de rappeler très régulièrement à ses compatriotes, comme elle s’y applique, leur « devoir particulier envers la communauté juive et envers Israël en raison des horreurs de la Shoah ». Elle n’aurait pas fait le voyage jusqu’à Jérusalem afin d’y exprimer le repentir de son peuple et d’y promettre un plan de coopération. Elle n’aurait pas non plus, le 3 Octobre 2008, jour du 18ème anniversaire de la réunification des deux Allemagnes, terni la fête en annonçant qu’on célèbrerait aussi , le 9 novembre, le soixante-dizième anniversaire, horrible de la « nuit de cristal ». Qui sait, alors, si les vieux démons qu’elle tient sévèrement en lice avec ses airs d’institutrice grognon, n’en n’auraient pas profité pour revenir en force ?

Imaginons que la Chancelière, vexée de voir le président français nouvellement élu lui tourner pratiquement le dos pour aller faire sa cour à la reine d’Angleterre et au roi d’Espagne et blessée d’apprendre qu’il allait créer, sans même la consulter, une Union méditerranéenne, se soit tournée vers les pays de l’Est…D’autres qu’elle auraient cherché à reconstituer l’empire germanique. Dans le dos de Nicolas Sarkozy, ils auraient passé une alliance privilégiée avec Vladimir Poutine…Le maître de l’Elysée se retrouverait bien seul, maintenant. Et ce n’est pas sur ses amis britanniques, encore moins sur son cher Barack Obama, qu’il pourrait compter.

Imaginons que le ministre allemand de l’Economie, sommé par notre Christine Lagarde nationale de baisser les taxes et les impôts Outre Rhin pour inciter les Allemands à consommer davantage, voire à s’endetter, se soit exécuté : devrait-il, maintenant que le gouvernement français prêche à son tour la rigueur, opérer un virage, au risque d’affoler un peu plus les marchés ?

Imaginons que, pour rassurer des compatriotes qui ne sont pas tous riches , la Chancelière épouse leur colère contre ces peuples de la zone « Club Med » qui prétendent leur emprunter leurs petites économies sans consentir les mêmes efforts et qu’elle nous lance, ainsi qu’aux Grecs, aux Espagnols et aux Portugais « Vous chantiez ? Eh bien, dansez, maintenant ! »

Imaginons que, lasse de voir ses partenaires européens tirer l’euro vers le bas alors que les Allemands sont attachés viscéralement à un euro fort comme le bon vieux deutchsmark, la patronne de la première puissance économique européenne finisse par céder à la tentation de l’indépendance monétaire : comme nous regretterions, alors, les beaux jours où nous pouvions fustiger son indécision, sa lenteur et sa radinerie d’Harpagon !

Bien sûr, la chancelière idéale à nos yeux serait plus avenante, généreuse et rieuse. N’écoutant que son bon cœur, elle aurait volé au secours de la Grèce dès février de cette année. La chancelière idéale se moquerait bien d’élections régionales qui risquent, dimanche, de lui faire perdre la Ruhr : panache blanc au vent, elle aurait chargé, à la française, les marchés ennemis !

N’empêche que nous sommes bien contents d’avoir celle-là. D’abord parce qu’elle est un capitaine solide à la tête d’un grand navire solide et que, dans la tempête, c’est rassurant. Ensuite, parce qu’elle a, quoi qu’on dise, beaucoup de courage : vous en connaissez, des politiciens français qui auraient pris comme elle le risque de déplaire à leurs électeurs à la veille d’un scrutin décisif comme celui de ce dimanche ? Enfin, nous tenons en elle une responsable des ratés européens. Cela nous permet de nous défouler. Nous sommes comme ça, nous les Français : assez prompts à abandonner nos responsabilités entre les mains des gens de Washington, Bruxelles ou Berlin…pourvu que nous puissions, ensuite, les critiquer. Alors, merci, Angela !

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