TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 28 avril 2010

Le Modem, trois ans après

Le charismatique président du Modem, qui avait obtenu 18,5 % au premier tour de l'élection présidentielle de 2007, a perdu son pari. Turnover important, impossibilité d'intégrer et de fusionner les équipes, problème financier, stratégie peu lisible et électorat hétéroclite : à l'image d'une entreprise en panne de stratégie, son parti est aujourd'hui dans la tourmente.

C'était il y a trois ans, c'était il y a un siècle. François Bayrou venait d'obtenir 18,5 % au premier tour de l'élection présidentielle. Ce 28 avril 2007, six jours après avoir rassemblé sur son nom près de 7 millions de Français, RMC télé avait accepté de le confronter à Ségolène Royal. Un débat avec la candidate du Parti socialiste, arrivée en numéro deux, mais pas avec Nicolas Sarkozy. « Je ne voterai pas pour lui », devait déclarer le champion de l'hypercentre, entre les deux tours. Tout était là : le dialogue avec la gauche, la virulence assumée face au leader de l'UMP. Trois ans plus tard, François Bayrou continue d'irriter le président Sarkozy. Mais il ne lui fait plus peur. Le mois dernier, aux élections régionales, le Modem a recueilli moins de 5 % des voix au plan national, laissant K-O debout les derniers soutiens du leader centriste. Une seule région a échappé au carnage.

Pourtant, les circonstances dont François Bayrou a toujours rêvé sont enfin réunies : un président de la République affaibli et au plus bas dans les sondages et un Parti socialiste qui n'est pas encore sorti de sa crise de leadership et de ses ambiguïtés. Même le débat sur les retraites, sur les déficits publics, « ses » sujets, sont au coeur de l'actualité. Mais rien ne marche. C'est la dégringolade pour le Modem : 7,6 % aux législatives, 15 % aux municipales, 8,4 % aux européennes, 4,2 % aux régionales. « On a fait une fusion et on a collectionné les fautes… », philosophe un des derniers soutiens de François Bayrou. « Le Modem n'incarne plus rien. En tant que structure, tout est à refaire », admet Jean-Luc Bennahmias, vice-président du mouvement. Tout se passe comme si le passage d'un gros conglomérat de notables, comme l'était son ancêtre l'UDF, à une start-up centrée autour d'un patron charismatique avait échoué. Turnover important, impossibilité d'intégrer et de fusionner les équipes, problème financier : à l'instar d'un groupe en panne de positionnement stratégique, la petite entreprise de François Bayrou connaît tous les symptômes de la crise.
ne mauvaise adaptation à la structure du marché

Si l'on en croit les politologues, « historiquement il y a une résistance forte à l'implantation d'un centre en France ». La vie politique s'est structurée en deux grands pôles, gauche-droite, que l'évolution institutionnelle récente (quinquennat notamment) a amplifiés. Alors, « toute l'histoire de la Ve République c'est un ralliement du centre », note Florence Haegel, chercheur au Cevipof et spécialiste des partis politiques. François Bayrou, en fermant violemment la porte à la droite, a désarçonné nombre de ses soutiens traditionnels. Ceux que le leader centriste appelait ses « bédouins », restés à ses côtés en 2002 lors de la création de l'UMP, ont jeté l'éponge et ont rejoint Nicolas Sarkozy en créant le Nouveau Centre (NC). « Bayrou a confondu indépendance et isolement », soupire un de ses ex-lieutenants, Jean-Christophe Lagarde. Plus dur, Maurice Leroy, député Nouveau Centre, ironise : « Pour Mitterrand, le centre n'était ni à gauche ni à gauche, François Bayrou nous avait vendu un ni droite ni gauche, et puis le Modem est devenu ni à droite ni à droite ! » Pour eux, il y a une contradiction fondamentale entre le noyau de son électorat globalement de droite non sarkozyste et l'opposition systématique de François Bayrou au président de la République, qui a vite tourné en combat personnel entre les deux hommes. Dévastateur pour le centre.

Si l'on en croit les politologues, « historiquement il y a une résistance forte à l'implantation d'un centre en France ». La vie politique s'est structurée en deux grands pôles, gauche-droite, que l'évolution institutionnelle récente (quinquennat notamment) a amplifiés. Alors, « toute l'histoire de la Ve République c'est un ralliement du centre », note Florence Haegel, chercheur au Cevipof et spécialiste des partis politiques. François Bayrou, en fermant violemment la porte à la droite, a désarçonné nombre de ses soutiens traditionnels. Ceux que le leader centriste appelait ses « bédouins », restés à ses côtés en 2002 lors de la création de l'UMP, ont jeté l'éponge et ont rejoint Nicolas Sarkozy en créant le Nouveau Centre (NC). « Bayrou a confondu indépendance et isolement », soupire un de ses ex-lieutenants, Jean-Christophe Lagarde. Plus dur, Maurice Leroy, député Nouveau Centre, ironise : « Pour Mitterrand, le centre n'était ni à gauche ni à gauche, François Bayrou nous avait vendu un ni droite ni gauche, et puis le Modem est devenu ni à droite ni à droite ! » Pour eux, il y a une contradiction fondamentale entre le noyau de son électorat globalement de droite non sarkozyste et l'opposition systématique de François Bayrou au président de la République, qui a vite tourné en combat personnel entre les deux hommes. Dévastateur pour le centre.
ne organisation interne inadaptée

« Le Modem a réuni des Verts, des électeurs du centre et des personnes qui n'avaient jamais milité avant. Tous ces gens n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble », note Philippe Lapousterle, ancien journaliste et conseiller de François Bayrou. Le président du Modem a eu beau déclarer dès le début qu' « il n'accepterait pas le bazar », l'organisation interne du nouveau parti n'a pas su apporter l'homogénéité nécessaire à cette nouvelle entreprise. Dans plusieurs départements, afin de tenir compte de chaque sensibilité, le Modem a laissé s'implanter des présidences collégiales : un président, deux, voire trois vice-présidents, qui adoptaient chacun une posture différente et rêvaient de prendre la place de l'autre. Résultat : « une belle cacophonie » sur le terrain, admet Robert Rochefort, vice-président du Modem et élu européen, qui rappelle la démission pendant les régionales de la chef de file de Cap 21, Corinne Lepage. Cacophonie amplifiée par la personnalité même des nouveaux militants qui étaient entrés au Modem « comme dans un nouveau PSU », note un militant déconfit. Jean-Luc Bennahmias, qui vient des Verts, sait de quoi il parle : « Plusieurs centaines de vice-présidents, c'est ingérable », tout en admettant que « le système de prise de décision est un peu spécial, c'est une entreprise familiale ». Ceux qui sont partis dénoncent un hiatus entre cette floraison à la base et le mode de prise de décision au sommet. Un exemple : avant les municipales de 2008, une centaine de militants sont réunis dans une salle. Marielle de Sarnez, bras droit de François Bayrou arrive : « Je viens de mettre le point final à mon programme municipal. » Les militants, qui avaient passé leur week-end à travailler pour rien sur un programme que la direction n'avait même pas lu, se sont sentis floués. Dès 2007, Jean Arthuis avait critiqué dans une tribune au « Monde » un Bayrou qui devait « sortir de sa vision messianique et comprendre qu'on ne gère pas un parti comme une secte ». Beaucoup racontent aujourd'hui, que les réunions du bureau viraient souvent au cauchemar : « C'est simple, la méthode, c'était : si tu n'es pas content, tu te barres », se souvient un dirigeant. Depuis 2007, après la défection des ex-députés UDF partis créer le Nouveau Centre, allié à l'UMP, le Modem a perdu la quasi-totalité de ses cadres.

« Le Modem a réuni des Verts, des électeurs du centre et des personnes qui n'avaient jamais milité avant. Tous ces gens n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble », note Philippe Lapousterle, ancien journaliste et conseiller de François Bayrou. Le président du Modem a eu beau déclarer dès le début qu' « il n'accepterait pas le bazar », l'organisation interne du nouveau parti n'a pas su apporter l'homogénéité nécessaire à cette nouvelle entreprise. Dans plusieurs départements, afin de tenir compte de chaque sensibilité, le Modem a laissé s'implanter des présidences collégiales : un président, deux, voire trois vice-présidents, qui adoptaient chacun une posture différente et rêvaient de prendre la place de l'autre. Résultat : « une belle cacophonie » sur le terrain, admet Robert Rochefort, vice-président du Modem et élu européen, qui rappelle la démission pendant les régionales de la chef de file de Cap 21, Corinne Lepage. Cacophonie amplifiée par la personnalité même des nouveaux militants qui étaient entrés au Modem « comme dans un nouveau PSU », note un militant déconfit. Jean-Luc Bennahmias, qui vient des Verts, sait de quoi il parle : « Plusieurs centaines de vice-présidents, c'est ingérable », tout en admettant que « le système de prise de décision est un peu spécial, c'est une entreprise familiale ». Ceux qui sont partis dénoncent un hiatus entre cette floraison à la base et le mode de prise de décision au sommet. Un exemple : avant les municipales de 2008, une centaine de militants sont réunis dans une salle. Marielle de Sarnez, bras droit de François Bayrou arrive : « Je viens de mettre le point final à mon programme municipal. » Les militants, qui avaient passé leur week-end à travailler pour rien sur un programme que la direction n'avait même pas lu, se sont sentis floués. Dès 2007, Jean Arthuis avait critiqué dans une tribune au « Monde » un Bayrou qui devait « sortir de sa vision messianique et comprendre qu'on ne gère pas un parti comme une secte ». Beaucoup racontent aujourd'hui, que les réunions du bureau viraient souvent au cauchemar : « C'est simple, la méthode, c'était : si tu n'es pas content, tu te barres », se souvient un dirigeant. Depuis 2007, après la défection des ex-députés UDF partis créer le Nouveau Centre, allié à l'UMP, le Modem a perdu la quasi-totalité de ses cadres.
'incapacité à fidéliser les clients

Faute de stratégie claire, le Modem n'a pas réussi à coaliser un électorat hétérogène. Dans les intentions de vote de ceux qui ont apporté leur voix à François Bayrou en 2007, 29 % venaient du PS, 20 % d'Europe Ecologie, 11 % de l'UMP et 26 % du Centre. Un mariage difficile à réaliser, d'autant plus que cet électorat, capable de recueillir les frustrations et les déceptions, est fragile et très volatil. Pour continuer à le séduire, le Modem, aux municipales, a opté, en vain, pour un système d'alliances à géométrie variable, « illisible », admet Marc Fesneau, le jeune secrétaire général du Modem. Aux élections européennes, « Bayrou, obnubilé par son ambition présidentielle, tellement polarisé contre Sarkozy, a gâché sa chance, il n'a parlé que de 2012. Une partie de ses électeurs s'est mécaniquement reportée sur la gauche », analyse Gaël Sliman de l'institut BVA. Quant aux électeurs du centre démocrate-chrétien, ils ont été affolés par l'alliance assumée avec la gauche : « La photo de Marielle de Sarnez sur l'estrade aux côtés de Vincent Peillon et de Robert Hue nous a fait beaucoup de mal », admet un élu Modem.

Faute de stratégie claire, le Modem n'a pas réussi à coaliser un électorat hétérogène. Dans les intentions de vote de ceux qui ont apporté leur voix à François Bayrou en 2007, 29 % venaient du PS, 20 % d'Europe Ecologie, 11 % de l'UMP et 26 % du Centre. Un mariage difficile à réaliser, d'autant plus que cet électorat, capable de recueillir les frustrations et les déceptions, est fragile et très volatil. Pour continuer à le séduire, le Modem, aux municipales, a opté, en vain, pour un système d'alliances à géométrie variable, « illisible », admet Marc Fesneau, le jeune secrétaire général du Modem. Aux élections européennes, « Bayrou, obnubilé par son ambition présidentielle, tellement polarisé contre Sarkozy, a gâché sa chance, il n'a parlé que de 2012. Une partie de ses électeurs s'est mécaniquement reportée sur la gauche », analyse Gaël Sliman de l'institut BVA. Quant aux électeurs du centre démocrate-chrétien, ils ont été affolés par l'alliance assumée avec la gauche : « La photo de Marielle de Sarnez sur l'estrade aux côtés de Vincent Peillon et de Robert Hue nous a fait beaucoup de mal », admet un élu Modem.
es finances à restaurer

Les deux dernières campagnes ont coûté très cher. Après le score calamiteux des régionales, la plupart des candidats n'ont pas été remboursés de leurs frais de campagne. Au final, une ardoise de 1,5 à 2 millions d'euros à assumer. « Mais on ne laissera tomber personne. Nous allons resserrer la gestion, peut-être se séparer de certains collaborateurs », promet le sénateur centriste Jean-Jacques Jegou, trésorier du Modem. Il ne faudra pas non plus que le parti compte de nouvelles défections d'élus. Outre les 2,7 millions d'euros calculés sur le nombre de voix obtenues à l'élection présidentielle, le Modem doit pouvoir aussi compter sur la seconde partie du financement public calculée, elle, sur le nombre de parlementaires déclarés. En 2007, le Modem a touché 1,2 million d'euros, mais 968.000 en 2008. Les comptes 2009 ne sont pas encore publiés. Un sénateur est parti entre-temps. Et, parmi les 5 qui restent, 4 seront bientôt soumis au renouvellement. Reste aussi l'immeuble du 133, rue de l'Université. Il appartient encore à l'UDF, qui ne perçoit plus d'aide publique mais existe toujours en tant qu'association. Elle a passé une convention de mise à disposition avec le Modem en 2008. Les deux organisations avaient alors le même président, François Bayrou.

Les deux dernières campagnes ont coûté très cher. Après le score calamiteux des régionales, la plupart des candidats n'ont pas été remboursés de leurs frais de campagne. Au final, une ardoise de 1,5 à 2 millions d'euros à assumer. « Mais on ne laissera tomber personne. Nous allons resserrer la gestion, peut-être se séparer de certains collaborateurs », promet le sénateur centriste Jean-Jacques Jegou, trésorier du Modem. Il ne faudra pas non plus que le parti compte de nouvelles défections d'élus. Outre les 2,7 millions d'euros calculés sur le nombre de voix obtenues à l'élection présidentielle, le Modem doit pouvoir aussi compter sur la seconde partie du financement public calculée, elle, sur le nombre de parlementaires déclarés. En 2007, le Modem a touché 1,2 million d'euros, mais 968.000 en 2008. Les comptes 2009 ne sont pas encore publiés. Un sénateur est parti entre-temps. Et, parmi les 5 qui restent, 4 seront bientôt soumis au renouvellement. Reste aussi l'immeuble du 133, rue de l'Université. Il appartient encore à l'UDF, qui ne perçoit plus d'aide publique mais existe toujours en tant qu'association. Elle a passé une convention de mise à disposition avec le Modem en 2008. Les deux organisations avaient alors le même président, François Bayrou.
ne marque mais pas de produit

« Le Modem n'est pas une maison vide », assure Robert Rochefort. Le parti compte aujourd'hui 5 sénateurs actifs, 5 députés européens, 3 députés nationaux, 10 conseillers régionaux (103 en 2004) et à peine une dizaine de maires. Tout est encore à construire ou à reconstruire. « Il faut resserrer l'organisation, repérer 300, 400 cadres et les former. Le centre, c'est une question de méthode, mais ce n'est pas assez théorisé », analyse l'élu européen. Ceux qui ont quitté le mouvement n'y croient plus. « J'ai fait des notes pendant des années, le problème, c'est que François ne veut pas réellement d'un parti, il considère qu'avec deux élastiques et un trombone il va être élu président de République », ironise Maurice Leroy. Mais même les plus sévères le pensent, « la marque Bayrou, ça existe ». « Le Modem c'est Bayrou, mais Bayrou ce n'est pas le Modem, il reste une équation personnelle même si elle est fortement abîmée », analyse Frédéric Dabi de l'Ifop. Ce que reconnaissent aujourd'hui peu ou prou les partisans du leader centriste : « On n'arrive pas à faire monter d'autres têtes, nous sommes face au piège d'identification », admet Robert Rochefort. Mais François Bayrou s'en soucie peu. En enfant de la V e République, il a compris que la présidentielle était la mère de toutes les élections et que le premier tour de celle-ci est un vrai scrutin proportionnel. Son score, là, lui importe.

« Le Modem n'est pas une maison vide », assure Robert Rochefort. Le parti compte aujourd'hui 5 sénateurs actifs, 5 députés européens, 3 députés nationaux, 10 conseillers régionaux (103 en 2004) et à peine une dizaine de maires. Tout est encore à construire ou à reconstruire. « Il faut resserrer l'organisation, repérer 300, 400 cadres et les former. Le centre, c'est une question de méthode, mais ce n'est pas assez théorisé », analyse l'élu européen. Ceux qui ont quitté le mouvement n'y croient plus. « J'ai fait des notes pendant des années, le problème, c'est que François ne veut pas réellement d'un parti, il considère qu'avec deux élastiques et un trombone il va être élu président de République », ironise Maurice Leroy. Mais même les plus sévères le pensent, « la marque Bayrou, ça existe ». « Le Modem c'est Bayrou, mais Bayrou ce n'est pas le Modem, il reste une équation personnelle même si elle est fortement abîmée », analyse Frédéric Dabi de l'Ifop. Ce que reconnaissent aujourd'hui peu ou prou les partisans du leader centriste : « On n'arrive pas à faire monter d'autres têtes, nous sommes face au piège d'identification », admet Robert Rochefort. Mais François Bayrou s'en soucie peu. En enfant de la V e République, il a compris que la présidentielle était la mère de toutes les élections et que le premier tour de celle-ci est un vrai scrutin proportionnel. Son score, là, lui importe.

VALERIE DE SENNEVILLE, Les Echos

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