TOUT EST DIT

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mardi 19 mai 2009

La France qui ne défile pas

Historique! Avant même les rituelles processions du 1er Mai, les grands mots étaient de sortie. Historique, l'union des huit centrales syndicales qui n'étaient jamais parvenues à défiler toutes ensemble depuis le début de leur histoire. Historiques, les retrouvailles de Martine Aubry et de Ségolène Royal qui, pour les besoins de la cause, avaient annoncé leur intention de cheminer bras dessus, bras dessous, comme deux amies qu'elles n'ont jamais été. Et historique aussi, cela va de soi, la mobilisation espérée...

Historiques, les slogans scandés par les cortèges promettaient quant à eux de l'être beaucoup moins. «Le maintien de l'emploi», qui pourrait être contre ? «L'amélioration du pouvoir d'achat», qui n'en rêverait ? Mais en quoi les défilés de ce vendredi, après tant d'autres, contribueront-ils si peu que ce soit à la lutte contre le chômage ? En quoi permettront-ils d'améliorer, fût-ce d'un euro, le sort de tous ceux que la crise frappe de plein fouet ? Sarkozy est sommé de «changer de cap»? Mais, au juste, qu'attend-on de lui ? Qu'il distribue l'argent que l'Etat n'a plus depuis longtemps ? Qu'il ponctionne davantage encore les entreprises, seules à même de créer l'activité et les emplois de demain ?

Slogan pour slogan, on aurait rêvé de banderoles enfin révolutionnaires, de calicots qui proclament pour une fois quelques rudes vérités : «La crise est mondiale, la bataille pour les coûts salariaux aussi!»; «Les autres travaillent plus que nous!»; «Les salariés du public ne sont pas les plus malheureux!»; «Les chèques d'aujourd'hui sont la dette de demain!»... Voilà qui, pour le coup, eût été véritablement historique. Allons !, le grand soir des illusions nationales devra encore attendre un peu...

Historique serait aussi, paraît-il, le désamour qui, deux ans après son élection, frappe Nicolas Sarkozy. On comprend que certains soient désireux de célébrer à leur manière l'anniversaire de ce 6 mai 2007 fatal à leurs espérances politiques, mais, là encore, il faudrait revenir à la réalité.

Comme tous les dirigeants de la planète, Nicolas Sarkozy - notre baromètre en témoigne (lire page24)- voit sa popularité durement affectée par la crise : il est plus touché que Merkel ou Berlusconi, moins que Brown ou Zapatero. Mais sa cote de confiance reste nettement plus élevée que celle de François Mitterrand à la fin des années Mauroy, ou que celle de Jacques Chirac à l'époque des grandes grèves contre Alain Juppé. Un récent sondage dont on a moins parlé (réalisé pour le quotidien Sud Ouest) indique même que si l'élection présidentielle avait lieu dimanche prochain, Sarkozy obtiendrait au premier tour, à trois points près, le score qui fut le sien le 22 avril 2007 ! Pas si mal, pour un président confronté à la plus grave crise que la France ait connue depuis 1929 !

Vous avez dit historique? En dépit de tout, des légitimes inquiétudes et des inévitables déceptions, des polémiques médiatiques et des couacs à l'Assemblée, des prophéties de ces marchands d'apocalypse qui devinent derrière chaque cortège l'ombre de la Révolution, et des bons conseils de ces drôles d'amis qui clament la nécessité d'augmenter les impôts, le socle électoral du sarkozysme, pour l'heure, n'a pas lâché ! La France «qui ne défile pas» doute parfois, mais elle ne l'a pas abandonné.

Et pourtant, cette France-là est en attente, elle aussi. Convaincue que Sarkozy tient le bon cap, elle est prête à admettre que le capitaine ne puisse lui dire - qui le pourrait ? - quand la tempête va s'apaiser, mais elle voudrait savoir sur quelles terres nouvelles le navire va aborder. Le président de la République lui a dit - ce qu'elle savait confusément - que la crise mondiale allait «transformer pour longtemps l'économie, la société, la politique». Mais il ne lui pas dit en quoi consisterait cette transformation. Il lui a dit que le « logiciel sarkozyste », parce qu'il est fondé sur des valeurs («le travail, l'effort, le mérite, l'excellence, la responsabilité») et non pas sur des recettes économiques ou politiques, n'était pas, bien au contraire, frappé d'obsolescence par la crise. Mais il ne lui a pas fait sentir en quoi ces valeurs pouvaient inspirer (sur l'économie bien sûr, mais aussi l'Europe, la santé, la famille, la sécurité ou l'immigration) un changement fécond.

A toutes ces questions, Nicolas Sarkozy ne répondra pas en nommant Pierre à la place de Paul ni en poursuivant cette « ouverture » qui, à force d'affaiblir les socialistes (ils le font fort bien tout seuls !) ouvre surtout un boulevard à François Bayrou. Il doit - et ce défi-là, vraiment, est historique - retrouver l'esprit et l'inspiration des origines pour dessiner, par-delà la crise, le visage de « la France d'après ».

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