TOUT EST DIT

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jeudi 28 mai 2009

"Arrêtez d'emm...les Français!"

Protéger, oui ! Infantiliser, non !
En s’exprimant ainsi, Georges Pompidou pouvait-il imaginer qu’un jour, on en viendrait à stigmatiser le camembert, criminaliser l’automobile ou culpabiliser les familles de plus de deux enfants ?

Cessez d’emm… les Français ! Venant de l’universitaire lettré qu’était Georges Pompidou, la crudité de l’injonction en dit long sur l’ancienneté du problème : de même que trop d’impôts tuent l’impôt, trop de lois tuent la loi. Au moins, cette préoccupation était elle, en 1966, partagée par les plus hautes autorités de l’État, puisqu’en prononçant ces mots, le premier ministre d’alors repoussait plusieurs projets de règlement émanant de ses propres services :en l’espèce,d’un chargé de mission répondant au nom de… Jacques Chirac !


Le moins que l’on puisse dire est qu’une fois entré à l’Élysée, celui-ci n’a pas vraiment suivi le précepte de son mentor et même, l’a contredit en constitutionnalisant le fameux principe de précaution.Mais il a eu assez d’humour pour rapporter l’anecdote, plusieurs décennies plus tard, à son ami Thierry Desjardins, lequel en tira aussitôt profit pour rédiger un essai sur la prolifération législative française (Plon, 2000).
Mais en 2009,ce n’est plus seulement le “tracassin” administratif ou fiscal (comme aurait dit de Gaulle) qui rend difficile – et parfois impossible – la vie des Français, déjà confrontés à la dureté de la crise : c’est l’arsenal dissuasif et coercitif qui,désormais,tend à régir un nombre croissant de domaines jusqu’alors considérés comme relevant de la seule vie privée.

Obliger les fumeurs à ne pas enfumer leurs voisins dans un restaurant ? Le principe est légitime.Mais aller jusqu’à interdire la création de salles,et même d’établissements, explicitement réservées aux amateurs de tabac, puis menacer, maintenant, de supprimer les terrasses en plein air censées les accueillir, où est la logique,sinon dans la volonté de se substituer au libre arbitre de chaque citoyen ?

L’État réprime-t-il pour protéger ou pour… encaisser ?

Punir les (vrais) chauffards et interdire l’alcool au volant, qui s’en plaindrait ? Mais frapper d’une contravention automatique un automobiliste roulant à 51 kilomètres-heure en ville au lieu de 50 – alors qu’en vertu de l’incertitude liée à la fiabilité des compteurs de vitesse, la tolérance est de 5 kilomètres- heure de plus sur autoroute –,n’est-ce pas, pour l’État, s’exposer au reproche de réprimer… pour encaisser ?

Partir en guerre, comme le fait l’Europe de Bruxelles,contre le camembert au lait cru (non pasteurisé, donc contraire au fameux principe de précaution), cela participe-t-il d’une saine prophylaxie ou d’une guerre assumée contre des traditions ancestrales ?

Doublé d’un discours à la fois moralisateur et anxiogène (fumer, boire et conduire vite, cela peut “tuer”, comme peut tuer la listeria), cette montée en puissance de législations sacrifiant au principe du “risque zéro”(comme si la vie en elle-même n’était pas un risque !) apparaît d’autant plus insupportable à beaucoup qu’elle se double d’étranges tolérances.

Fumer sur un quai de gare en plein air peut faire de vous un délinquant ;mais l’article L3421 du code de la santé publique, qui proscrit (à juste titre) l’apologie des stupéfiants,ne figure pas dans les textes de référence du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui surveille pourtant avec ardeur toute représentation favorable de la cigarette à l’écran !

Dépasser, de quelques kilomètres-heure, une vitesse imposée peut vous faire perdre votre permis (et votre emploi !) si l’infraction est répétée,mais la liste s’allonge chaque jour des commissariats de banlieue attaqués et des policiers molestés,sans que les auteurs de ce qui s’apparente parfois à des actes de guerre soient condamnés à proportion de la gravité de leurs actes… à supposer qu’ils soient arrêtés, et s’ils le sont,non relâchés pour insuffisance de preuves !

Et pendant que les agences officielles expliquent aux citoyens comment ils doivent manger (les fameux cinq fruits par jour), l’Europe autorise la fabrication de chocolat… sans cacao.Mais bourrés d’huile de palme, elle-même riche en acides gras saturés, pourvoyeurs d’hypercholestérolémie, de problèmes cardiovasculaires,d’obésité et même de certains types de cancers.

Toutes choses qui tempèrent la portée de la “maternisation” assurément excessive de la société française, qu’un bon auteur (Mathieu Laine) a récemment stigmatisée dans son livre la Grande Nurserie (JCLattès, 2006). Sans pour autant évacuer la question de fond :que signifie cette tendance générale à la déresponsabilisation des citoyens et qui sert-elle en réalité ?

Pour Mathieu Laine, libéral au sens de Tocqueville, le but recherché (consciemment ou non) est clair : le contrôle insidieux des citoyens par l’État, passé du statut de garant de l’intérêt général (son rôle naturel depuis Athènes et Rome) à celui de directeur de conscience de chaque citoyen ! Un totalitarisme soft en quelque sorte…

Le processus qu’il décrit est implacable : traiter le déviant (le fumeur, par exemple) comme un malade, puis comme un délinquant en puissance dont on encadre puis réprime le comportement par des lois ad hoc…

N’est-ce pas d’abord aux parents de surveiller leurs enfants ?

Et pas seulement de tabac ou d’alcool. Ainsi des possesseurs de piscine, qui doivent ériger des clôtures pour éviter que leurs enfants se noient (tant pis pour les familles qui ont envie de se baigner dans leur jardin sans disposer des moyens afférents !) ; des camps scouts, qui ont l’obligation de conserver plusieurs jours,dans l’hypothèse d’un contrôle de la DDASS, un échantillon de la nourriture servie à leurs enfants (tant pis encore pour les randonneurs qui ne peuvent transporter un réfrigérateur branché sur leur dos !) ;ou encore des chefs d’entreprise pour lesquels il devient périlleux de refuser la candidature d’une personne de couleur ou de plus de cinquante ans, même incompétente… sous peine d’être convaincu de discrimination, et qui sait, de racisme, pour peu que l’éconduit s’avère mauvais plaideur et se décide à saisir la Halde !

Sauf abus manifeste,est-il vraiment du ressort de l’État de se substituer à l’appréciation des particuliers ? N’est-ce pas le rôle des parents de surveiller leurs enfants au bord d’une piscine ou à la plage ? À eux, aussi,de les empêcher de sortir seuls la nuit ? L’Éducation nationale serait-elle la seule capable d’organiser des camps de vacances exempts de risques ? Et les lois existantes réprimant le racisme sont-elles si inopérantes qu’il faille créer une structure exorbitante du droit commun (la Halde), capable de condamner sans procès un comportement présumé dont la seule dénonciation vaut matérialisation ?

Dans les temps ordinaires, pareil déferlement d’interdits et de procédures peut suffire à en exaspérer plus d’un. Mais quand l’angoisse de la paupérisation vient s’ajouter aux contraintes de la récession pour dramatiser le quotidien d’un peuple, il est temps de crier halte au feu !

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