TOUT EST DIT

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mercredi 1 octobre 2014

La dissolution de François Hollande



En menaçant les frondeurs de dissolution, le Président de la République a écarté une autre option : changer de gouvernement et de politique. Pour maintenir son cap, François Hollande était donc prêt à sacrifier sa majorité. Force est de reconnaître que le président préfère cohabiter avec la droite qu'avec une gauche de gauche
 Dans un entretien publié le 11 septembre dans Le Nouvel Observateur, le président de la République ne s’est pas contenté de rejeter une nouvelle fois les accusations de mépris de classe portées par son ancienne compagne, quitte à réitérer sa dévotion pour « les humbles », qu’il appelle désormais « les gens de peu ». Il a également précisé les deux cas qui justifieraient à ses yeux de dissoudre l’Assemblée nationale.

La première hypothèse suppose « un genre de Mai-68 à rebours, comme la droite a tenté de le faire sur le mariage pour tous » ; la seconde « viendrait de la majorité qui se dérobe ». À l’évidence, c’était un avertissement du Président : le 16 septembre, son Premier ministre s’apprêtait à solliciter une seconde fois la confiance. Les députés qui protestaient contre la politique du gouvernement se voyaient menacés d’une dissolution qui mettrait fin à leur mandat en renversant la majorité. Bref, deux menaces seulement conduiraient le président à la dissolution : les factieux de droite et les frondeurs de gauche.

Cette lecture de la Constitution a de quoi surprendre. D’un côté, le président de la République reconnaît aux manifestants le pouvoir de faire chuter un gouvernement ; sa référence à 1995 semble d’ailleurs renouveler, à l’intention de la droite, le défi du Juppéthon. De l’autre, il exclut une réponse alternative, pourtant la plus évidente, à un vote de défiance : changer de politique. Dissoudre le gouvernement plutôt que l’Assemblée nationale. François Hollande se montre donc aussi « dur » avec sa gauche qu’il se révèle « mou » avec la droite. Mais s’il résiste avec fermeté à sa majorité, on aurait tort de croire qu’il cède à l’opposition par faiblesse. Car il ne capitule pas devant les marchés ; il parie sur eux, coûte que coûte.  

Or cette politique n’a pas été choisie par les électeurs – ni même par le Parti socialiste. Tout se passe donc comme si François Hollande s’autorisait de la Constitution pour imposer la politique néolibérale qu’il conduit sous couvert de « social-démocratie ». On s’en souvient, c’était déjà l’enjeu du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 : une politique économique néolibérale pouvait-elle être gravée dans le marbre d’une Constitution ? La « constitutionnalisation » de la politique de l’offre est certes fictive ; elle n’en est pas moins effective.

Car en menaçant les députés contestataires de sombrer avec la majorité, le président a emporté la victoire à l’Assemblée : si les élus du Front de gauche ont largement refusé leur confiance, les écologistes et les socialistes frondeurs ont choisi l’abstention. C’était s’incliner devant le chantage présidentiel. Mais ce renoncement démocratique en trahit un autre. Pour maintenir son cap, le président de la République se dit prêt à sacrifier sa majorité. Force est donc de reconnaître que le président préfère la droite à une gauche de gauche. Il est vrai que la cohabitation lui aurait permis de continuer sa politique : pour défendre le pacte de responsabilité qu’il offre au MEDEF, l’UMP ferait l’affaire autant que le Parti socialiste, et inversement.

Le président de la République s’emploie ainsi à écarter toute autre politique. On reconnaît le mantra de Margaret Thatcher : « Il n’y a pas d’alternative ! » Non seulement François Hollande reprend à son compte cette vision du monde, mais en poussant les frondeurs à un suicide politique, il cherche à la rendre vraie. Qui pourrait encore vouloir se ranger derrière le panache d’abstentionnistes ? Pourtant, à vouloir chasser la démocratie par la porte, le président ne risque-t-il pas de la voir revenir par la fenêtre ? En effet, faute de représentation politique, l’opposition de gauche pourrait finir par se jouer dans la rue. Car on doit bien s’interroger : pourquoi pas un Mai-68 « à l’endroit », c’est-à-dire de gauche ? Ou bien le président a-t-il raison de croire qu’il peut dissoudre la démocratie ?

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