TOUT EST DIT

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mardi 8 juillet 2014

La droite peut-elle mourir ?

Chaque crise apporte son lot de mauvais augures, annonçant, avec force solennités, la mort, la disparition ou l’effondrement de tel ou tel parti politique. Manuel Valls l’avait déclaré à propos du Parti socialiste en 2009 à la suite des élections européennes, les commentateurs l’avaient décrété pour le Front national en 2007 après le mauvais score de Jean-Marie Le Pen à la présidentielle. Aujourd’hui le PS cumule tous les pouvoirs nationaux et contrôle encore de nombreux territoires ; quant au Front national, il a remporté haut la main les élections européennes. En politique, la mort est toujours une notion relative ; Jacques Chirac, François Hollande, Nicolas Sarkozy ou Jean-François Copé et Ségolène Royal ne diront pas le contraire. On les a enterrés cent fois ; cent fois ils sont revenus, illustrant l’adage : “En politique, ce qui compte, c’est de durer”.
Les partis ont la peau épaisse et la colonne vertébrale souple. Ils sont capables de plier sans rompre malgré les tempêtes du jour. Mon inquiétude ne porte pas sur les structures partisanes qui, grâce au financement public, peuvent survivre, mais plutôt sur les idées, sur ce que signifient la gauche et la droite. « La gauche peut mourir », disait tout récemment Manuel Valls pour éviter l’éclatement de sa majorité parlementaire et la remobiliser, mais il parlait là de tactique électorale et non d’identité politique. Laissons à la gauche ses atermoiements et ses doutes, ses calculs et sa difficulté congénitale à comprendre la réalité. La gauche est tour à tour incantatoire, morale, caviar ou gestionnaire, capable de la pire schizophrénie politique dans l’opposition et au pouvoir. La faiblesse idéologique de la gauche est une faiblesse de notre démocratie, mais c’est à ses dirigeants de plancher sur le sujet.
Intéressons-nous à cette droite qui a gouverné de 2002 à 2012 sans donner l’impression d’une vraie rupture avec les gouvernements précédents. Dans l’opposition, la droite est libérale, audacieuse, patriote et déterminée ; au pouvoir, elle est souvent frileuse, étatiste et se révèle impuissante à réformer le pays. En 2002, la création de l’UMP fut une victoire tactique du RPR sur l’UDF, les fondations idéologiques étaient bonnes : libéralisme économique, État régalien fort mais pas omnipotent, volonté de réforme profonde du pays, rupture avec les consensus des décennies passées qui sont devenus autant de renoncements et de blocages. Depuis, l’exercice du pouvoir a fait son oeuvre et la culture gestionnaire a pris le pas sur la volonté de réforme quasi révolutionnaire que la droite française a pour devoir de porter. Le pragmatisme érigé en principe de gouvernement ne fait pas une politique ; il faut une vision. En 2007, Nicolas Sarkozy avait eu cette vision et il avait fait lever cet espoir pour “la France d’après”. La crise et les circonstances mondiales en ont décidé autrement.
Telles des divinités, les idées politiques meurent de ne plus être adorées, priées, psalmodiées par leurs adeptes : patrie, nation, république, libéralisme, probité, morale ont, vidés de leur sens, peu à peu disparu des discours politiques.
Aujourd’hui, les éléments de langage répondent aux sondages, qui déterminent les angles de communication, pour finalement faire le buzz qui, selon la traduction française, signifie “bourdonnement” ou “brouhaha”. Le but ultime est donc de faire du bruit, mais pour qui ou pour quoi, nul ne le sait plus. Au contraire, être en quête de sens est désormais suspect, vouloir mettre en perspective est vu comme réactionnaire, prendre son temps, comme dépassé. Les élections se succèdent à un rythme effréné, la politique croit être partout en investissant les nouveaux réseaux, alors que sa “twitterisation” est l’annonce de sa disparition. Le « bougisme » maladif, pour citer Pierre-André Taguieff, n’arrive plus à masquer une fin inéluctable.
« La société politique contemporaine [est] une machine à désespérer les hommes », disait Camus, et la désespérance est le prélude à la mort du politique, peu à peu remplacé par la gestion. Le volcan des espoirs et des craintes des hommes s’éteint alors, mais, souterraine, la fusion continue, l’éruption menaçant d’éclater partout où on ne l’attend pas. Une droite trop attentiste peut disparaître et il faudra, oui, tout changer. Épargnons-nous cette peine, faisons-le maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, avant d’être emportés.

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