TOUT EST DIT

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lundi 21 avril 2014

Plenel, l’arrosé arroseur

Edwy gagnerait à méditer les leçons du martyr Plenel


De 1982 à 1988, sous le nom de code de « Benêt », Edwy Plenel a été méthodiquement espionné par les grandes oreilles de la République. Sa mise sur écoutes diligentée par la cellule antiterroriste de l’Elysée devait, selon ses commanditaires, permettre d’identifier les sources de ses révélations sur les affaires des Irlandais de Vincennes et du Rainbow Warrior, orchestrées par les services du président Mitterrand1
Dix ans plus tard, le journaliste du Monde publiait un pamphlet sur ces écoutes. Les mots volés (Stock, 1997) instruit le procès de la trop monarchique Ve République, coupable de concentrer les pouvoirs entre les mains d’un seul, sur fond de culte du secret.
À l’époque, Plenel pleurait toutes les larmes de son corps sur la tombe de son intimité bafouée. Or, voilà qu’aujourd’hui, grimé en accusateur public, il piétine allègrement la vie privée de ses cibles en divulguant, à l’appui de ses investigations politico-financières, des enregistrements clandestins du majordome de Liliane Bettencourt et de Jérôme Cahuzac ainsi que des retranscriptions des écoutes de Nicolas Sarkozy. Nulle place au doute dans ce système d’accusation où le procureur, pardon le journaliste, instruit exclusivement à charge2.
Tentons une expérience. Remplaçons, dans sa prose, le mot « pouvoir » par « Plenel » et le mot « journaliste » par « homme politique ». Nous obtenons ce résultat troublant : « Plenel a fâcheusement tendance à revendiquer pour son seul profit à la fois le secret et la transparence : secret de ses actes, transparence des nôtres (…) Aussi arrive-t-il à l’homme politique de faire un cauchemar dans lequel il serait jugé par un tribunal austère dont le procureur, un Vychinski quelconque, brandirait des liasses d’écoutes en lui demandant des comptes sur ce qu’il a dit tel jour, à telle heure, et dont témoigneraient indubitablement les retranscriptions de ses conversations. (…) Sa fâcheuse tendance, par exemple, à confondre police et politique, à avoir de cette dernière une vision manipulatrice où seul l’envers dissimulé des hommes et des partis dit leur vérité, est le penchant naturel d’un monde où, la police prenant le pas sur la politique, fleurissent justement les polices politiques et leurs abus »
En somme, quand Plenel est écouté, c’est un insupportable viol de son intimité, quand c’est lui qui écoute (ou, plus précisément, recèle des écoutes), c’est de l’information. Incohérence ?   Mais non ! Car si les moyens sont les mêmes, les fins sont différentes. Plenel recycle les méthodes employées contre lui au service d’une noble cause, en l’occurrence démasquer les turpitudes des puissants. Et ça change tout  Voilà pourquoi il est admis et même recommandé de faire à Cahuzac et Sarkozy ce que Plenel trouvait intolérable qu’on lui fasse.
« Le secret de police ou « de service » a toujours fait bon ménage avec l’approximation », nous enseignait le patron de Médiapart il y a une quinzaine d’années.  Décidément, Edwy l’investigateur sans peur et sans reproches gagnerait à méditer les vieilles leçons de journalisme du martyr Plenel.
  1. Le capitaine Paul Barril, affecté à l’Elysée, avait produit de faux témoins et manipulé une perquisition pour imputer à des indépendantistes irlandais l’attentat de la rue des Rosiers, le 9 août 1982. Quant au naufrage du navire de Greenpeace « Rainbow Warrior » le 10 juillet 1985, il fut également commandité par les services officiant à l’Elysée. 
  2. S’agissant des suspicions de financement occulte de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007, le juge Gentil enquête sur la seule foi d’un document libyen dont Le Monde a reconnu l’inauthenticité. 

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