TOUT EST DIT

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samedi 1 février 2014

"Le déclin n’est pas une fatalité pour la France"


Dans son dernier ouvrage, "Lettres béninoises" (Albin Michel), l’avocat historien et essayiste à succès Nicolas Baverez décrit une France au bord de la faillite en 2040. Un appel à un changement de cap de la politique économique française que semble avoir amorcé François Hollande avec son pacte de responsabilité.
2040. Alassane Bono, le directeur béninois du FMI, s'installe en France pour organiser une énième restructuration financière de sa dette publique abyssale. Le soir, il écrit de longues lettres à sa femme, restée au Bénin, dans lesquelles il lui raconte en détails, à la manière du sage Usbek de Montesquieu dans les "Lettres persanes", le triste sort de l'ex-cinquième puissance mondiale.
Dans cette fiction d'anticipation, de nombreux pays d'Afrique, forts d'une croissance continue depuis le début des années 2000, ont rejoint le cercle des puissances prospères et influentes, dans lequel figurent toujours les pays européens qui ont su se réformer, à l'image de l'Allemagne et de l'Europe du Nord.

En 2031, la France a quitté l'euro

Quid de la France ? Nicolas Baverez, invité jeudi 30 janvier de la deuxième édition des « Matinales de Travaux publics » organisées par « La Tribune » et la Fédération nationale des Travaux Publics, force le trait et voit dans l'ex-pays des Lumières est devenu, sans surprise, l'homme malade de l'Europe. Un nain politique, une aberration économique et une catastrophe sociale. Le chômage y dépasse 25% de la population active, en partie car la politique fiscale confiscatoire et la lourdeur de l'Etat providence ont fait fuir depuis longtemps les grandes entreprises et les jeunes talents. De gigantesques bidonvilles s'étendent au nord de Paris.
Comme Marine Le Pen l'avait souhaité, la France a quitté l'euro en 2031, mais la dévaluation de la monnaie et l'inflation galopante ont ruiné les classes moyennes. Au milieu de cette débâcle, les dirigeants, de gauche comme de droite, pratiquent la politique de l'autruche, s'accrochant désespérément à la sauvegarde du modèle social. De toute façon, qui les écoute ? En 2032, l'extrême-droite a pris le pouvoir, avant qu'une sixième République naisse de ses cendres deux ans plus tard…
 Ce qui peut arriver sans changement profond
Ce sombre tableau, qui relève aujourd'hui de la science-fiction, peut-il devenir réalité ? Prédire l'avenir relève d'un exercice périlleux. Nicolas Baverez, qui dépeint dans son livre des dirigeants qui ressemblent étrangement à des personnalités politiques actuelles, revendique la crédibilité de ce scénarii catastrophe.
« C'est un ouvrage de politique-fiction qui n'a rien de fantaisiste. La France de 2014 porte en elle les germes de celle que je décris en 2040 : une économie en panne, une société fracturée, le déni du pouvoir qui n'ose pas réformer depuis vingt-cinq ans. J'ai seulement imaginé ce qui pourrait se produire si la classe politique ne met pas en œuvre un changement de cap profond », explique-t-il.

Le taux de chômage confirme le déclin de la France

L'auteur de « La France qui tombe », publié en 2003, et de « Réveillez-vous ! », adressé aux candidats à la présidentielle de 2012, estime que les dernières statistiques économiques confirment le déclin de la France. L'inversion de la courbe du chômage n'est toujours pas d'actualité malgré la promesse de François Hollande. Ainsi, 170 000 personnes ont rejoint les rangs des chômeurs de catégorie A en 2013 (ceux qui n'ont pas du tout travaillé), portant le total à 3,5 millions et à 5,2 millions en comptant ceux des catégories B et C.
Du côté des finances publiques, si le déficit est passé de 4,8% du PIB en 2012 à 4,1% en 2013, le chemin pour atteindre le standard européen de 3% semble encore long et difficile. La dette, attendue à 95% du PIB fin 2014, se rapproche dangereusement du palier symbolique des 100%, qui pourrait entraîner, selon Nicolas Baverez, une spirale de dévaluations de la part des agences de notation.

La France manque d'attractivité

« La zone euro, même renforcée avec l'union bancaire, les capacités financières étendues de la Banque centrale, le mécanisme de solidarité ou le traité budgétaire, pourrait ne pas survivre si la dette française est attaquée »
En panne de croissance, la France manque aussi d'attractivité. Selon le dernier rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), les investissements directs étrangers dans l'Hexagone ont chuté de 77% en 2013, pour tomber à 4,1 milliards d'euros. Un chiffre révélateur, qui semble donner crédit à la thèse de Nicolas Baverez et d'autant plus inquiétant qu'ils ont progressé de 37,7% dans l'Union européenne et de 11% dans le monde…

Mais tout n'est pas perdu...

A la différence de nombreux indécrottables pessimistes, persuadés que la France a déjà raté l'occasion de se réformer en profondeur, Nicolas Baverez croit aux effets d'un virage à 180 degrés de la politique économique. Car la 2ème puissance européenne derrière l'Allemagne conserve des atouts, reconnaît-il : une démographie dynamique, du travail qualifié, des entrepreneurs, des universités performantes, une marque France exceptionnelle qui en fait la première destination touristique mondiale, des infrastructures de transports, un patrimoine riche...
Tel un pied-de-nez à ses détracteurs, qui le taxent d'indécrottable « déclinologue », l'ancien haut fonctionnaire de la Cour des comptes se montre même optimiste sur la capacité du pays à « repartir sur de bons rails » si « on arrête l'indécision et les mesures dévastatrices comme la taxe à 75% ou le retour en arrière sur les retraites ».


Le pacte de responsabilité, une lumière au bout du tunnel ?

Devant des chefs d'entreprises du secteur du bâtiment étonnés, le libéral donne son quitus au « pacte de responsabilité » lancé début janvier par François Hollande. « En engageant l'Etat à faire baisser les charges des entreprises en échange d'un million d'emplois et en promettant d'économiser 50 milliards d'euros en trois ans en coupant dans les dépenses publiques, François Hollande a enfin compris que le principal levier de croissance est l'aide aux entreprises. C'est un virage économique majeur », estime Nicolas Baverez. La dernière fois que l'Etat a opéré une telle rupture, c'était en 1983, lors du fameux tournant de la rigueur de François Mitterrand, qui a entériné la conversion de la gauche à l'économie de marché.
L'initiative de François Hollande est-elle le premier pas vers une véritable évolution de la politique économique française ? Le président doit encore réaliser le plus difficile : négocier avec les partenaires sociaux et appliquer son ambitieuse révolution idéologique. Ce serait encore une goutte d'eau dans l'océan des réformes nécessaires pour faire repartir durablement l'économie hexagonale : 35 heures, réforme de l'assurance-chômage, collaboration renforcée avec l'Allemagne, relance de l'industrie et de l'agriculture… Des réformes difficiles, mais que Nicolas Baverez juge indispensables pour faire en sorte que la France de 2040 vue par Alassane Bono reste de la science-fiction.


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