TOUT EST DIT

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vendredi 28 février 2014

La France, forteresse Maginot

La France, forteresse Maginot


Les Français ne pensent-ils pas cul par-dessus tête ? Au moment même où l'Ukraine et d'autres pays du Vieux Continent regardent l'Europe avec des yeux énamourés, nous voilà en train de blâmer continuellement cette pauvre Union, d'où viendraient tous nos maux.
Depuis des années, Vladimir Poutine, tsar de poche, tente de développer son union eurasienne sur les décombres de l'Empire soviétique. Son projet a encore essuyé un sérieux échec, le week-end dernier, à Kiev, avec l'arrivée d'un nouveau pouvoir proeuropéen. C'est notre Europe, tant décriée ici, qui a été plébiscitée par les manifestants ukrainiens.
Apparemment, il n'y a qu'en France qu'on l'ignore, mais l'Europe fascine toujours hors de ses frontières et reste la première puissance économique du monde, dont elle représente encore près du quart du PIB, une part certes en recul face à la concurrence des pays émergents.
N'oublions pas l'Histoire : si une partie de l'Ukraine est russophone et russophile, le pays a des comptes à régler avec la Russie depuis qu'au début des années 30 Staline en fit, entre autres, son terrain d'expérimentation pour exterminer par la faim entre 4 et 7 millions de personnes, alors que l'Union soviétique continuait d'exporter du blé !
Une forme de génocide, appelée "Holdomor", curieusement occultée pendant les derniers événements, mais dont l'ombre ne s'est pas encore évanouie dans le pays et qui, plus tard, a inspiré Mao Tsé-toung dans sa politique de la grande famine qui fit une cinquantaine de millions de morts. Après ça, il ne faut pas s'étonner si l'Ukraine regarde surtout à l'Ouest.
Les différents épisodes de la révolution ukrainienne ont montré que l'Europe avait encore des choses à dire et à faire. Mille excuses pour cette constatation pourtant objective : au train où vont les choses, elle ne provoquera, hélas, que des ricanements, au mieux des haussements d'épaules. Comme si la cause était entendue et qu'il valait mieux parler de l'Europe au passé.
La montée du sentiment antieuropéen chez les Français est la conséquence directe de notre "provincialisation" : en deuil de nous-mêmes, nous ne parvenons pas à voir plus loin que le bout de notre nez, note Hubert Védrine dans un essai très revigorant, La France au défi (1). "On se moque, écrit Védrine, des élus américains qui n'ont pas de passeport, mais l'évolution de la classe politique française - et ailleurs en Europe - va un peu dans le même sens."
Trop d'universalisme tue l'universalisme. C'est sa vocation universaliste, fait historique indéniable au XVIIIe siècle et après, qui a fini par convaincre la France qu'elle n'avait rien à apprendre des autres, qui, croyait-elle, attendaient tout d'elle. Observons ce qui se passe aujourd'hui dans la tête de plus en plus de Français à propos des grands enjeux. La bombe de la dette ? La faute à l'euro. Le taux de chômage ? Encore la faute à l'euro. La désindustrialisation ? Toujours la faute à l'euro.
Que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets dans l'insolente Allemagne, peu importe, même si ça devrait nous faire réfléchir. Nous sommes aujourd'hui empégués dans une soupe idéologique régressive qui nous promet des lendemains qui chantent derrière les barbelés d'une nouvelle ligne Maginot, au nom d'un marxisme de supérette, d'un anticapitalisme primaire et d'un culte infantile de Péguy, apôtre d'une théologie de la guerre.
C'est l'économie pour les nuls, les vrais de vrais, et elle trouve d'innombrables gogos pour gober ses fadaises. Comme s'il fallait, pour nous sauver, mettre une croix sur l'Europe, le monde et notre avenir. Comme si nous devions, pour rebondir, choisir la voie de la réclusion en nous bouchant tout : les yeux, les portes, les volets. C'est ainsi que nous autres Français sommes sur la pente du refus de l'Europe et de la mondialisation, vers laquelle, au contraire, tant de pays aspirent.
Il n'y a pas si longtemps, un président français déclarait à Dakar que l'Afrique était en délicatesse avec l'Histoire alors même qu'elle était en train d'y entrer en force avec, dans certains pays, des taux de croissance à faire pâlir les dirigeants français. À l'approche des élections au Parlement de Strasbourg, qui s'annoncent catastrophiques pour la cause européenne, c'est à se demander si ce n'est pas nous qui, malgré tous nos atouts, allons sortir de l'Histoire.
L'excellent Thierry Maulnier, un ancien maurrassien qui pensait à droite, est celui qui a le mieux décrit la xénophobie française avec sa célèbre formule qu'on ne se lassera jamais de citer : "La France est la patrie du genre humain et l'on y est très accueillant aux étrangers, exception faite, bien entendu, pour les amerloques, les angliches, les fridolins, les macaronis, les espingouins, les polacks,les macaques, les ratons, les youpins et autres métèques." À la liste il faut, hélas !, ajouter encore : les romanichels, les chinetoques et peut-être même les Ukrainiens !
1. "La France au défi", Fayard.

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