TOUT EST DIT

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dimanche 13 octobre 2013

Comment bien préparer sa retraite et ne pas dépendre financièrement de réformes insuffisantes


La première réforme des retraites d'un gouvernement de gauche examinée au Parlement ce lundi ne permettra pas d'assurer la pérennité du système.

Les discussions autour de la réforme des retraites annoncée le 27 août par Jean-Marc Ayrault débutent à l'Assemblée nationale ce lundi 7 octobre avant d'être débattue au Sénat le 28 octobre. Comme les précédentes, cette réforme ne permettra pas d'assurer la pérennité du système. Comment les Français les plus exposés, vulnérables, peuvent-ils déjà commencer à préparer leurs retraites sans se ruiner pour autant ? Comment la classe moyenne peut-elle préparer sa retraite indépendamment du système public ?

Philippe Crevel : Les réformes des retraites engagées depuis 1993 réduisent le taux de remplacement, c'est à dire le rapport entre le montant des pensions versées et le montant des derniers revenus professionnels. Cette baisse est en moyenne d'une dizaine de points entre une génération née en 1956 et une génération née en 1986. Mais cet écart atteint plus de 20 points pour les cadres qui sont confrontés à la baisse du rendement de leur régime complémentaire, l'AGIRC. Si un ouvrier au SMIC peut encore espérer un taux de remplacement de plus de 75 %, ce taux est d'environ 40 % pour les cadres. Avec les mesures prises cette année, tant pour les régimes de base que pour les régimes complémentaires, la situation des futurs retraités est amené à se dégrader. 

Si nous voulons éviter une diminution substantielle de notre pouvoir d'achat au moment de la cessation d'activité, nous sommes dans l'obligation de prendre des dispositions financière le plus en amont possible ce qui est loin d'être évident du fait des contraintes économiques qui pèsent sur les ménages français. 

Il apparaît judicieux d'essayer autant que possible d'être propriétaire de sa résidence principale. Il faut  indiquer que la très grande majorité des Français considère que la possession de la résidence principale constitue une voie obligée en matière de préparation financière de la retraite. A ce titre, 75 % des Français arrêtant de travailler pour toucher leurs pensions sont propriétaires de leur résidence principale. 

Au-delà de la pierre, les actifs doivent regarder en premier lieu ce qu'offre en matière de retraite leur entreprise. Leur employeur a pu mettre en place un Plan d'Epargne Retraite Collectif (PERCO), un régime à cotisations définies appelé article 83 voire un régime à prestations définies appelé également article 39. Dans le cadre du PERCO, les salariés peuvent verser tout ou partie de leur participation ou de leur intéressement et effectuer des versements libres. Par ailleurs, l'employeur peur compléter l'effort du salarié par un abondement. Ce produit est assez souple car le salarié est libre de ses versements. L'article 83 et l'article 39 sont des produits plus contraignants pour l'employeur qui acquitte des cotisations obligatoires ou qui doit constituer des provisions pour financer un complément de pension par capitalisation. Pour l'article 83, le salarié peut également effectuer des versements supplémentaires. 

A défaut d'avoir une couverture supplémentaire proposée par son entreprise, il est possible de recourir à des produits d'épargne retraite individuelle. Pour les Indépendants, le produit logique porte le nom de "contrat Madelin". Il s'agit d'un produit d'assurance-vie dédiée à la retraite avec une sortie en rente et qui ouvre à des avantages fiscaux sous forme de déduction. Par ailleurs, tous les actifs et notamment les salariés peuvent souscrire un Plan d'Epargne Retraite Populaire qui  bénéficie également d'un avantage fiscal sous forme de déduction fiscale. L'avantage fiscal consenti est d'autant plus intéressant que le contribuable est soumis à un taux élevé d'imposition. 

A défaut de jouer sur un produits spécifiquement retraite, les actifs peuvent évidemment ouvrir un contrat d'assurance-vie qui permet de combiner sécurité avec le fonds euros et rendement avec les unités de compte. Compte tenu que les avantages fiscaux maximaux interviennent après huit ans, il n'est pas inutile d'ouvrir le plus tôt ce type de produit même en y déposant qu'un faible montant d'épargne. Il en est de même avec le Plan d'Epargne en Actions. Ce dernier produits est destiné aux épargnants qui sont prêts à prendre un peu de risques mais il faut savoir que sur longue période le placement "actions" est plus avantageux que les autres. En outre, il ne faut pas oublier qu'un placement retraite, c'est une vingtaine d'années de constitution et un quart de siècle de versement d'une rente. 

En revanche, le comptes à terme, livrets qu'ils soient A, LDD ou bancaires n'ont pas leur place dans une stratégie de préparation à la retraite.
Vincent Touzé : Puisque les dernières mesures pour sauver les régimes de retraite sont insuffisantes, il faudra bien que les ménages anticipent une baisse future des pensions. Ils devront épargner plus s’ils veulent mieux compenser la baisse de revenu qui survient au moment de la retraite. Les placements d’épargne à long terme sont nombreux : les obligations publiques et privées, les actions ou l’immobilier.
Les dispositifs fiscaux sont multiples :
  • L’assurance vie, le plan d’épargne en actions (PEE) : après une période de 8 ans les revenus financiers sont peu taxés ;
  • L’achat d’un logement neuf éligible à la loi Duflot permet de réduire l’impôt sur le revenu ;
  • Les régimes de retraite supplémentaire (fonds de pension à la française) : ces dispositifs sont destinées aux salariés du secteur privé (PERP, PERCO, articles 39 et 83, PERE, etc.) et public (PREFON, COREM, etc.) ainsi qu’aux indépendants (Madelin, exploitants agricoles). Le principal avantage fiscal est la déductibilité de l’épargne retraite du revenu imposable. En revanche, à la retraite, les rentes viagères sont imposables sur le revenu.

Les deux premiers dispositifs sont populaires et engendrent d’importants encours d’épargne. Les régimes de retraite supplémentaire ont un moindre succès. Fin 2012, les Français ont seulement accumulé 163 milliards d’euros dans les régimes de retraite supplémentaire. Ce montant doit être comparé au 1 306 milliards d’euros d’encours dans  les contrats d’assurance vie et au 7 500 milliards d’euros d’investissement dans l’immobilier. La principale raison de ce faible engouement pour la capitalisation est que les Français sont peu demandeurs de dispositifs viagers. En effet, leur épargne repose pour beaucoup sur une logique patrimoniale qui vise à transmettre l’épargne accumulée à leurs enfants.
Les contrats d’assurance vie en euros sont intéressants car ils offrent une garantie sur le capital par rapport aux contrats en unité de compte. Etant moins risqués, ils offrent aussi une moindre perspective de rendements. Les entreprises proposent parfois des plans d’épargne entreprise (PEE). La fiscalité associée est intéressante puisque le montant versé par l’entreprise aux salariés n’est ni soumis aux cotisations sociales ni à l’impôt sur le revenu. En dehors du choix de placements pour la retraite, la principale difficulté pour le ménage est de dégager une épargne suffisante. Et les capacités d’épargne sont très liées au revenu. D’après une étude de l’INSEE de 2009, on observe bien un lien positif entre revenu et taux d’épargne. Cette étude montre clairement que les bas revenus ont peu de marge de manœuvre pour épargner plus pour la retraite.

En quoi la retraite complémentaire par capitalisation est aussi une possibilité qui s'adresse aux Français les plus modestes ?

Vincent Touzé : Pour des ménages avec des revenus modestes et sans épargne, la retraite complémentaire par capitalisation semble un peu hors d’atteinte. Une façon d’y arriver est de renforcer les possibilités pour les employeurs de recourir à des plans d’épargne entreprise ou encore de créer une cotisation spéciale sur les salaires qui serait affecté à un régime public par capitalisation. La Suède a fait ce choix dans les années 90.
Philippe Crevel : Les Français les plus modestes peuvent accéder à des compléments de retraite via leur entreprise. Logiquement, les employeurs doivent mettre en débat auprès des partenaires sociaux la mise en place de tels compléments. Le PERCO ou l'article 83 sont accessibles aux salariés à faibles revenus. Il est vrai que le PERP n'est pas très intéressant pour les salariés autour du SMIC. En Allemagne, le plan Riester a prévu justement que les actifs à faibles revenus puissent bénéficier d'une aide spécifique sous forme de subvention afin de se créer un complément de revenus. La Cour des Comptes a, en France, interpellé le Gouvernement afin de s'inspirer de l'exemple allemand. 

A contrario, quels sont les risques à la retraite par capitalisation, même s'il s'agit de produits complémentaires ? Proportionnellement aux revenus des ménages, les risques sont-ils plus élevés pour les Français les plus populaire ?

Philippe Crevel : Il faut cesser de voir dans la capitalisation la main du diable. Ce type de retraite n'est guère plus dangereuse que la répartition qui dépend également de la situation économique. La faible croissance, le chômage handicapent tout autant les deux types de retraite. La capitalisation permet à ses bénéficiaires de bénéficier de placements effectués au-delà du territoire national. Elle permet une diversification et un élargissement de l'assiette. La répartition, par nature, ne s'appuie que sur la masse salariale d'un seul pays. En cas de krach, il est faux de répéter que les retraités perdent tout leur argent. En effet, tous les actifs d'un fonds de pension ne prennent pas leur retraite le jour d'un krach. En outre, ils n'ont pas versé toutes leurs cotisations la veille d'un krach. En versant sur vingt ans et en récupérant les sommes également sur vingt ans, il y a un lissage des crises et des bulles spéculatives. A l'exception des fonds internes d'entreprises de plus en plus rares au demeurant et qui seront, en France interdits avec la loi sur les retraites en 2013, les risques de la capitalisation sont aujourd'hui maîtrisés par des systèmes de sécurisation. Il faut souligner que si baisse de la retraite il y a, c'est à cause de la diminution du rendement des régimes par répartition. 

En matière de produits retraite, il faut évidemment regarder de près les frais de gestion. Il faut également jouer la diversification pour éviter de se retrouver piéger. Il faut demander conseil si possible à plusieurs professionnels et surtout ne pas se précipiter car ce sont des produits qui ont vocation à accompagner l'épargnant durant de nombreuses années.
Vincent Touzé : La retraite par capitalisation peut paraître risquée car les aléas financiers peuvent avoir des conséquences terribles : la perte du capital investi. Aux Etats-Unis, la crise financière récente a profondément affecté la rentabilité des fonds de pension. Toutefois, de nombreuses études montrent qu’à long terme, les fonds investis sur les marchés financiers offrent une rentabilité très supérieure à la croissance économique (rendement implicite de la retraite par répartition). En pratique, les retraites par répartition sont également soumises à un risque puisque leur financement dépend de l’investissement dans le capital productif national, de la croissance de la productivité et de l’efficacité du marché du travail. Dans ce domaine, rien n’est certain. En France, l’insolvabilité du régime laisse présager que les montants futurs de retraite n’ont rien de garanti. Les réformes successives non anticipées réduisent les pensions et se comportent, au final, comme des aléas financiers.
L’achat de son logement principal est un excellent investissement pour la retraite, car une fois le crédit remboursé, l’heureux propriétaire se voit dispenser de payer un loyer. La propriété offre un avantage en nature sans risque. Le principal risque est d’acheter trop cher son logement. En France, la cherté de l’immobilier est en partie basée sur une rareté de l’offre. Si l’on veut garantir des bons niveaux à la retraite, il faut aussi encourager l’offre. Libérer les réserves foncières est un impératif pour un logement bon marché.

Le gouvernement a promis une "pause fiscale" mais 70% des Français n'y croient pas selon un sondage BVA pour i-Télé, CQFD et le journal Le Parisien paru le 21 septembre. Concrètement, comment les produits d'épargne retraite ou de complémentaire retraite ont été affectés par les nouvelles mesures fiscales adoptées et, dans un second temps, comment sont-ils susceptibles d'être affectées par les potentielles nouvelles mesures à venir ?

Vincent Touzé : L’Etat français est très endetté et la croissance économique est trop faible.Le gouvernement s’appuie sur la fiscalité pour résorber le déficit. Le gouvernement a promis une pause. Pour l’instant, il s’agit plutôt d’un ralentissement de la hausse. Tous les revenus sont mis à contribution. Le gouvernement Fillon a dans le passé augmenté la taxation des revenus financiers : CSG, prélèvement libératoire, plus value immobilière, suppression du plafond du montant de transaction rendant non imposable les plus values financières.
Le gouvernement Ayrault a renforcé le coût fiscal des retraites par des hausses des cotisations sociales. L’annonce d’une pause fiscale est autant un vœu gouvernemental qu’une manœuvre visant à rassurer les ménages. A la recherche de ressources fiscales, il pourrait être tenté de s’attaquer à l’assurance vie ainsi qu’aux plans d’épargne entreprise. Une étude récente du Conseil d’Analyse Economique préconise de taxer les loyers implicites des logements occupés par leur propriétaire. Les fiscalistes ne manquent ni d’imagination ni d’arguments pour renflouer les caisses de l’Etat…
Si l’on veut favoriser la croissance, et donc une bonne rentabilité des retraites par capitalisation et par répartition, le gouvernement va devoir veiller à ne pas décourager l’investissement, et donc l’épargne, dans nos capacités productives nationales.
Philippe Crevel : Les produits retraite ont du subir l'augmentation du forfait social. C'est le cas pour les produits collectifs comme le PERCO ou l'article 83. Ce forfait est passé en 2012 de 8 à 20 % ce qui peut dissuader des chefs d'entreprise à mettre en place une couverture retraite pour leurs salariés. Par ailleurs, les produits d'épargne doivent faire face à l'augmentation des prélèvements sociaux qui sont passés à 15,5 % au 1er juillet 2012. De plus, le Gouvernement a décidé que depuis le 26 septembre, tous les gains de l'assurance-vie et  du PEA seront assujettis au fil de l'eau aux prélèvements sociaux avec comme taux 15,5 %. En revanche, il est à souligner que le rapport de Karine Berger et Dominique Lefebvre comme les derniers travaux du Conseil d'Analyse Economique soulignent qu'il est nécessaire d'aider ce type de produits tant pour financer l'économie que pour améliorer le quotidien des futurs retraités. Il y a non pas un engouement du pouvoir pour l'épargne mais une forme d'acceptation de raison. De ce fait, en fonction de ses capacités financières, il n'est pas interdit de réfléchir et le cas échéant de passer à l'acte. La France est en retard par rapport à ses partenaires pour l'épargne retraite qui ne concerne que 4 millions d'actifs sur un total de 26 millions. Si aujourd'hui, elle concourt à hauteur de 3 % aux revenus des retraités, nous devrions nous fixer comme objectif un taux de 10 % à l'horizon 2030.

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