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dimanche 8 septembre 2013

Le chemin de Damas de M. Hollande

Le chemin de Damas de M. Hollande


Faut-il jeter la pierre aux gouvernants occidentaux qui, sur l'affaire syrienne, ont l'air de touristes qui cherchent leur chemin ? Au lieu de les tacler, on a, pour une fois, envie de les plaindre.
Gouverner, c'est choisir. Michel Rocard a souvent dit qu'"au pouvoir il faut décider. Que la décision soit bonne ou mauvaise, tant pis, l'essentiel est d'avancer". Il n'a, hélas, pas tort. Les peuples ont besoin de sentir qu'il y a quelqu'un à la barre et qu'il suit un cap. Sinon, le doute est mis.
Telle est la tragédie de la politique, science inexacte par excellence. Souvent, il faut trancher entre deux mauvaises solutions. C'est notamment le cas avec la Syrie, où il y a autant d'arguments pour l'intervention que contre. D'où l'extrême pusillanimité de la plupart des gouvernants occidentaux, M. Hollande excepté. Sur ce dossier, ils ont presque tous suivi la ligne : "Courage, fuyons !"
Tous les chemins mènent à Damas. La Syrie est un petit pays qui, depuis des siècles, rayonne sur le monde. Son influence a toujours été sans commune mesure avec sa population (23 millions d'habitants aujourd'hui) ou avec son économie, en état de délabrement structurel.
Jusqu'à présent, la Syrie réussissait plus ou moins bien, selon les époques, à faire vivre ensemble tous les éléments de sa mosaïque religieuse : 74 % de sunnites, 10 % de chrétiens, 3,5 % de chiites et 10 % d'alaouites, proches des chiites, qui boivent de l'alcool, croient à la transmigration des âmes et sont souvent considérés comme hérétiques par les autres musulmans.
La dynastie de fer des Assad a fait son temps, qui prétendait incarner la petite minorité alaouite face à l'énorme majorité sunnite, laquelle a fini par se dresser contre elle, provoquant une guerre civile qui a déjà fait plus de 100 000 morts.
L'Occident a longtemps rêvé que l'Histoire roule sa meule surBachar el-Assad sans qu'il ait à bouger le petit doigt. Tout était ligué contre lui. La grande majorité de son peuple comme l'équilibre des forces géostratégiques. Les meilleurs experts annonçaient qu'il ne passerait pas l'hiver. Et puis les hivers se sont succédé.
Pourquoi Assad fils a-t-il tenu contre toute attente ? Sans doute à cause du mélange de férocité perverse et de sadisme raffiné qui sert d'idéologie à ce régime où tout a toujours été sans limite. La répression comme la prévarication. Pour cette équipe, la fin justifie les moyens et, si l'on s'en tient à son cursus, elle n'est pas du genre à mégoter devant l'emploi d'armes chimiques.
L'engagement iranien est pour beaucoup aussi dans la survie du régime. Par solidarité avec les chiites, qui soutiennent Assad, les Gardiens de la révolution (pasdaran) sont venus à sa rescousse pour faire barrage aux sunnites, qui ont entrepris de le déloger du pouvoir. Ostracisé depuis des années par la communauté internationale, l'Iran a pu, grâce à ce soutien militaire et logistique, exister à nouveau dans le jeu du Proche-Orient.
C'est ainsi que la guerre civile et confessionnelle en Syrie se double d'un choc de civilisations à l'intérieur même du monde musulman. Celui des chiites, soutenu par l'Iran, contre les sunnites, appuyés par l'Arabie saoudite et l'émirat du Qatar, qui eux-mêmes se cherchent noise.
La Syrie est devenue le champ clos des tartufes et des faux nez, où chacun a son bras séculier. L'Iran soutient et arme le Hezbollah. L'Arabie saoudite joue comme d'habitude la politique du pire en se rangeant derrière les rebelles salafistes qui feraient passer Bachar el-Assad pour un démocrate. Quant au Qatar, adepte de la stratégie du mille-pattes, il appuie les Frères musulmans entre deux salamalecs aux puissances occidentales.
Le feu des frappes occidentales risquerait-il de provoquer des réactions en chaîne dans un milieu aussi volatil ? C'est toute la question. Avant de se faire rémunérer des "rapports" par Omar Bongo, le roitelet du Gabon, Bernard Kouchner donnait dans l'humanitaire et avait inventé le droit d'ingérence. Une belle idée qui a eu ses grandes heures.
Le droit d'ingérence est-il un droit d'inconscience ou d'incompétence ? Souvenez-vous. Il n'y a pas si longtemps, il fallait sauver de toute urgence les pauvres Albanais que les Serbes étaient censés massacrer au Kosovo. Au terme d'une campagne de désinformation inouïe, une guerre-éclair, sous l'égide de l'Otan, a permis d'installer au pouvoir une clique albano-mafieuse experte en purification ethnique et en incendies d'églises. Dans un autre genre, l'intervention en Libye, dont on ne connaît pas encore les conséquences, aura montré qu'on ne se préoccupe jamais assez du jour d'après.
Ne moquons pas la solitude de M. Hollande : ses convictions sont tout à son honneur. Mais le châtiment (mérité) infligé à Bachar el-Assad n'aurait de sens que si, au lieu de donner des ailes aux salafistes, il favorisait les sunnites modérés, très nombreux mais sans vrai soutien extérieur et dont on sait qu'ils ne massacreraient pas, après la victoire, les minorités chiites, alaouites ou chrétiennes.

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