TOUT EST DIT

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vendredi 10 mai 2013

Dailymotion, la "pépite française" sacrifiée par les caprices de Montebourg


Dans un excès de colère, le ministre Montebourg a de nouveau été… « productif » ?
Pour ceux d’entre vous qui étaient en vacances ou qui n’ont pas eu l’occasion de suivre le détail de « l’affaire Dailymotion », voici un résumé des épisodes précédents.
Dailymotion, start up de la vidéo en partage
Dailymotion est un service vidéo sur Internet où chacun peut apporter et regarder des vidéos. Le onzième plus important service vidéo sur Internet, loin derrière Youtube, dont la création ne remonte pourtant qu’à un mois seulement avant celle de Dailymotion. Ce qui a fait la différence entre les deux ? Youtube a été racheté par Google qui en a fait le leader mondial, Dailymotion a été vaillamment soutenue par le Fonds Stratégique d’Investissement qui lui a permis de devenir une « pépite française ». Chaque mois, plus de 100 millions d’internautes se connectent à Dailymotion, pour environ 2,5 milliards de vidéos visionnées, selon le cabinet ComScore.
Cherche à s’appuyer sur une major de la toile
En janvier 2011, France Telecom/Orange annonce un accord prévoyant sa montée au capital à hauteur de 49%, valorisant Dailymotion à 120 millions d’euros. Le FSI s’est ensuite progressivement retiré, au fur et à mesure qu’Orange montait dans l’actionnariat. Depuis janvier 2013, l’entreprise est devenue une filiale à 100% de l’opérateur téléphonique. Rapidement, Stéphane Richard, le PDG de FT, comprend que Dailymotion se doit de croître en Asie et sur le continent américain. L’Europe seule ne peut permettre une progression suffisante. FT n’est pas en situation d’apporter ce soutien à sa filiale. « Notre priorité est de trouver un allié qui assure le développement de Dailymotion hors d’Europe », explique Stéphane Richard, patron de France Télécom-Orange. « Nous avons envisagé plus de 60 partenaires potentiels en France et à l’étranger avant de nous focaliser sur Yahoo! »
Au secours, Montebourg s’en mêle !
C’est ainsi que nous arrivons à la semaine dernière et son actualité bondissante et rebondissante.
Jeudi dernier, 2 mai, Arnaud Montebourg annonce avoir bloqué le rachat de Dailymotion par l’américain Yahoo!
Il ne vous a pas échappé que Montebourg, ministre du « redressement productif »,  affirme avoir agi en accord avec Pierre Moscovici. Sauf que ce dernier n’a pas l’air de très bien s’en souvenir…
« Yahoo! veut dévorer Dailymotion. Nous leur avons dit : non, ce sera 50-50 », déclare A. Montebourg, sur Europe 1. L‘Américain Yahoo! souhaitait initialement racheter à France Télécom 75% du capital de Dailymotion, avec une option pour monter à 100 %. Les négociations avec FT avançaient : « J’avais pourtant refusé que Yahoo! dispose d’une option pour acheter la totalité du capital de Dailymotion, et nous étions sur le point de trouver un arrangement » déclare le Président de FT aux Échos.
C’était sans compter avec la finesse, l’intelligence, le doigté, l’ouverture d’esprit et le sens de l’intérêt général du ministre du « redressement productif » !
Un grand numéro d’apparatchik devant des partenaires médusés
C’est dans le Wall Street Journal, que paraissent les détails de l’affaire. Le refus français a été officialisé et notifié aux parties (l’une et l’autre sidérées) le 12 avril à Paris lors d’une réunion entre Arnaud Montebourg, le numéro deux de Yahoo!, Henrique de Castro, et le directeur financier de France Télécom, Gervais Pellissier. « Je ne vais pas vous laisser vendre l’une des meilleures start-up françaises ! », aurait lancé le ministre du « redressement productif » au cadre de FT médusé, ajoutant en haussant le ton « Vous ne savez pas ce que vous faites ! »
Yahoo! jette l’éponge
Une telle attitude, un tel langage, complètement incompréhensibles pour des non-Français, entraîna, comme il se doit, une rupture immédiate des négociations de la part des Américains. En voilà qui risquent de monter, avec par exemple les patrons de Titan, Mittal ou Hundaï le club des « amis de la France »… Cette rupture permit à notre ministre de se fendre d’un communiqué dans lequel il déplore « qu’à ce stade, Yahoo! et Orange n’aient pu aboutir à la conclusion d’un accord satisfaisant pour l’ensemble des parties », tout en déclarant que « le ministère du redressement productif est attaché à créer les conditions optimales du développement international de Dailymotion ». Ben voyons…
Quelques réactions des intéressés
Jeudi matin, dans  un entretien aux Échos, le patron d’Orange, Stéphane Richard, critique à mots couverts l’intervention du gouvernement, en rappelant que « Dailymotion est une filiale d’Orange, et non de l’État. C’est le groupe, sa direction et son conseil d’administration qui gèrent ce dossier. » Stéphane Richard n’ira pas bien loin dans sa critique du gouvernement. Il vise la présidence de Veolia et se doit, dans cette perspective, de ménager le pouvoir politique.
Vendredi, c’est le PDG de Dailymotion qui exprime son désappointement : Cédric Tournay se dit « évidemment » déçu que Yahoo! ait jeté l’éponge. « J’ai initié et soutenu ce projet, en accord avec Orange, notre actionnaire. Je regrette le blocage gouvernemental, parce que nous vivons dans un environnement mondialisé où nous devons, pour le bien de nos entreprises, faire des choix qui maximisent nos chances de succès sur le long terme »… « Certes, nos racines sont françaises, nos équipes aussi, majoritairement, mais nous sommes présents à Londres, à New York, à Palo Alto… Les États-Unis sont notre premier marché, représentant 35% de notre chiffre d’affaires. C’est plus que la France », résume M. Tournay. Il poursuit en affirmant que l’accord n’aurait pas été en défaveur de Dailymotion et de sa maison-mère Orange : « le projet industriel discuté avec Yahoo! et Orange était enthousiasmant pour Dailymotion, car il consistait à faire de nous la plateforme vidéo du groupe américain au niveau mondial. » « Nous aurions conservé notre identité et continué à opérer notre activité de façon autonome, mais avec une ambition décuplée. La stratégie de Yahoo! est d’investir massivement dans la vidéo. Dailymotion aurait bénéficié de ces investissements. Ce projet était aussi à l’avantage d’Orange, qui aurait continué à nous accompagner. »
Tout est à refaire, il faut trouver un partenaire pouvant assurer le développement international de Dailymotion
Montrant qu’il n’a vraiment pas compris la problématique de Dailymotion, le ministre Montebourg a tout d’abord proposé de mobiliser des financements publics, plus particulièrement le Fonds pour la société numérique des PME. Mais Stéphane Richard préférerait que l’État s’abstienne : « Nous ne cherchons pas des partenaires financiers ! Notre priorité est de trouver un allié qui assure le développement de Dailymotion hors d’Europe ». Ce à quoi M. Montebourg a répondu en affirmant que ce partenariat pouvait « parfaitement être [mis] en œuvre avec de nombreuses autres propositions que France Télécom a reçues ». Les nombreuses propositions de Monsieur Montebourg, ça ne vous rappelle rien ? Florange, Aulnay, Petroplus… En tous cas, Yahoo! a annoncé qu’il partait faire ses emplettes ailleurs et le PDG de FT a annoncé qu’il repartait à la chasse au partenaire. Bonne chasse Monsieur Richard, et soyez assuré de toute l’aide et de tout le soutien du gouvernement français…
Fleur Pellerin serait elle l’exception gouvernementale ?
Enfin, non, mon ironie n’est pas justifiée pour la totalité du gouvernement. Cette affaire aura attiré l’attention sur une personne censée, intelligente et compétente de ce gouvernement. 

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