TOUT EST DIT

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mardi 30 avril 2013

Terrain budgétaire miné

Terrain budgétaire miné


Le Premier ministre a des raisons impérieuses de réduire la dépense publique. Pourquoi, dans ce cas, faudrait-il sanctuariser la Défense, qui coûte 30 milliards par an ? Excellent cas d'école, pour les adeptes du « y'a qu'à », à l'occasion de la présentation, ce matin, du Livre blanc pour les années 2014-2019.
La Défense coûte cher, mais moins, par exemple, que les intérêts de la dette ou la fraude fiscale. Elle coûte cher, mais elle a déjà beaucoup donné, lors du passage à l'armée de métier (Jacques Chirac) et de son reformatage (Nicolas Sarkozy), à l'origine d'une baisse drastique des effectifs.
Elle coûte cher, mais elle peut rapporter gros. Les soldes des militaires alimentent la consommation. Les achats d'avions, d'hélicoptères ou de navires renforcent les carnets de commandes d'EADS et de DCNS à Cherbourg, Brest, Lorient ou Indret. Elle fait tourner une industrie exportatrice et de haute technologie.
Elle coûte cher et elle n'est pas malléable. Les dépenses fixes de la dissuasion nucléaire, même si on peut en dénoncer les ambiguïtés, interdisent toute économie immédiate. Abandonner l'atome prendrait des décennies. Réduire un programme industriel en augmenterait la facture finale, provoquerait de la perte de savoir-faire et rendrait nos dispositifs inopérants et notre déclassement irréversible.
La Défense, enfin, participe au rayonnement et à l'indépendance de la France. Depuis l'ex-Yougoslavie, l'armée française a été de toutes les expéditions, sous ses propres couleurs ou sous celles des Nations unies, pour pacifier le monde ou pour défendre ses intérêts. Le renseignement, alliage d'humain et de haute technologie, protège - touchons du bois - le territoire national. Les militaires participent au soulagement de la souffrance des victimes de catastrophes.
À la limite du possible
Sans la réactivité des forces spéciales, le djihadisme risquait de faire tomber les régimes africains et de menacer l'Europe. En quelques semaines, l'opération malienne a plus fait pour l'image, l'influence et les valeurs françaises en Afrique et au-delà que des années de diplomatie. Même la Francophonie s'en dit ravie.
Pourtant, ce Livre blanc confirme que nous vivons les derniers budgets du possible. Économiser plus, même en étalant les sacrifices, mettrait tous ces apports en péril. Une contribution massive de l'armée à l'effort collectif ne peut plus se concevoir en pourcentage ni sur le seul critère du format. Elle supposerait de revoir notre doctrine, de spécialiser notre Défense et de restructurer notre industrie dans le cadre d'une mutualisation européenne.
La crise devrait logiquement pousser à la création d'une Défense commune en Europe et à un partage du budget, supporté pour l'essentiel par la Grande-Bretagne et la France. Vaste chantier qui suppose que certains pays contribuent davantage et que tous s'entendent sur une stratégie et des objectifs communs !
Avant qu'une politique de Défense ne vienne servir le rayonnement de l'Europe, il faudra encore compter sur les capacités nationales, forcément coûteuses. Or la Défense reste un investissement de long terme - nul ne sait ce que sera le monde en 2050 - qui ne permet pas de transformer un militaire en cantonnier reboucheur des trous budgétaires.

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