TOUT EST DIT

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dimanche 17 février 2013

L’importance du QI dans la réussite


Les différences de quotient intellectuel sont vecteurs d'inégalités. L’État a beau s'y employer, il ne peut diminuer les inégalités de QI, au contraire.
The Bell Curve, 1994, Herrnstein and Murray (graph p. 152)
The Bell Curve, publié en 1994, par Herrnstein et Murray, est un ouvrage dense, aussi riche qu’il a été couvert de critiques venant de toutes parts, attaquant tous les aspects du livre. Que ce soit la question de la pertinence du test de QI, sa valeur prédictive sur les résultats socio-économiques, les différences de QI entre les ethnies, l’héritabilité et les tentatives échouées à stimuler le QI, aucun sujet n’a été épargné par les auteurs qui ont tenté de couvrir autant de sujets que possible.
Peut-être une des raisons pour laquelle le QI est si critiqué serait que le QI est assez peu malléable [c’est-à-dire qu’il est peu influencé par les facteurs extérieurs]. Les auteurs rappellent que la littérature indique que le QI est fortement héritable. Les estimations d’héritabilité tourneraient autour de 40% à l’enfance et à 80% vers l’âge adulte. De telles données rejettent bien sûr le concept de l’égalité des chances, mais seulement parce que les différences individuelles de QI ont des conséquences bien réelles dans la vie. On nous apprend effectivement que la littérature et les méta-analyses existantes indiquent que l’importance relative de l’âge et de l’expérience sur le marché du travail est assez marginale lorsque le QI a été pris en compte. Cette variable est souvent négligée, que ce soit par les économistes ou les sociologues. En bref, dans tous les domaines de la science. C’est pourquoi les auteurs prêtent une attention particulière au QI.
La plupart des analyses effectuées par Herrnstein et Murray proviennent des données du National Longitudinal Survey of Youth (NLSY) et ont pour objectif de mettre en évidence le rôle du QI dans la vie quotidienne. Il en ressort de ces analyses que le QI a une valeur prédictive au moins égale à l’éducation de la mère. Dans la plupart des analyses présentées, néanmoins, l’importance relative du QI de la mère dépasse considérablement celui del’éducation maternelle. Ceci est très vrai en ce qui concerne la qualité de l’environnement familial. Cette donnée est d’une importance cruciale dans la mesure où, bien souvent, les enfants à faible QI grandissent dans des familles instables et chaotiques. Cela indique deux choses. Soit le faible QI de l’enfant est dû essentiellement au QI hérité de la mère, sous-entendant que l’environnement familial n’y est pour rien, soit le développement cognitif de l’enfant a été perturbé par l’instabilité de l’environnement. Dans ce cas, une interrogation persiste : pourquoi le QI de ces mères était faible pour commencer ? L’hypothèse du 60-80% génétique pourrait fournir un début de réponse.
Il y a plusieurs façons de tester cette hypothèse. Pour commencer, il se trouve que le QI de l’enfant dépend en grande partie du QI de la mère. En comparaison, l’éducation de la mère n’exerce pratiquement aucun effet. Ce facteur n’exerce pas non plus un impact très important sur le taux de décrochage scolaire et il se trouve que ce qui est réellement déterminant est le QI de l’enfant. La probabilité d’obtenir un diplôme universitaire dépend plus du QI de l’enfant que du statut socio-économique des parents.
Sur le marché du travail, également, nous pouvons constater l’importance relative du QI. Étonnamment, le QI du sujet est très déterminant dans la probabilité d’avoir été au chômage, mais pas le statut socio-économique (SSE) des parents. Curieusement, la probabilité de se retrouver hors de la population active diminue lorsque le QI du sujet augmente alors que cette même probabilité augmente lorsque le SSE des parents augmente. Même si toutes ces analyses indiquent que le QI est bien souvent plus important que le SSE, et que ces deux variables sont interconnectées, le QI influence le SSE plus que l’inverse.
Un sujet assez sensible, mais tout de même important, est le lien entre le crime et le QI. La probabilité d’avoir été incarcéré, interrogé, interpellé, augmente sensiblement à mesure que les groupes de sujets étudiés montrent des niveaux de QI de plus en plus faibles. L’explication avancée par les auteurs est que le QI serait inversement corrélé à l’impatience et l’impulsivité. Et pour cette raison, les criminels ne réalisent pas tout à fait les conséquences à long terme de leurs actes. Une autre explication, plus indirecte, pourrait être que les gens à faible QI, en raison des échecs répétés à l’école comme sur le marché du travail, tendent à se tourner vers le crime. Enfin, une dernière tentative d’explication serait que les principes éthiques et moraux sont moins accessibles, ou disons moins compréhensibles, pour les individus à faible QI. Une autre possibilité qui n’a pas été relevée directement par les auteurs serait que les parents à faible QI éduquent bien assez mal leurs enfants. Mais ils ne doivent sûrement pas l’ignorer puisqu’ils insistent à plusieurs reprises sur le fait que les enfants qui grandissent dans des familles instables ont plus souvent des problèmes de comportement.
Le chapitre 13, Ethnic Differences in Cognitive Abilities, est celui qui a fait couler beaucoup d’encre, focalisant à lui seul pratiquement toutes les critiques. Les auteurs traitent du sujet sensible des différences de QI entre groupes ethniques. Selon les données du NLSY, le QI moyen des noirs américains (85) est de 1,21 écart-type inférieur à celui des blancs (103). Pour ce qui est des autres ethnicités, le QI moyen des asiatiques est de 106, celui des latinos de 89, et celui des juifs de 112.
Un faible niveau de SSE est soupçonné par la plupart des sociologues comme étant la cause et non l’effet d’un faible QI. Malheureusement, cette déclaration n’a jamais été démontrée par les faits. Les chiffres ne prêtent absolument pas à l’optimisme. Lorsque le SSE est contrôlé (c’est-à-dire, maintenu constant), les différences entre les noirs et les blancs en termes de QI ne sont réduites que de 37%, selon les données du NLSY. Mais il y a une autre donnée encore plus inquiétante. Le coeur de l’argument de la théorie culturelle serait que lorsque l’on grimpe au niveaux supérieurs du SSE, les différences de QI vont rétrécissant. Ceci n’est absolument pas vrai. Le NLSY indique que lorsque le SSE des noirs augmente, leur QI moyen augmente également, certes, mais les différences de QI doublent. Autrement dit, l’écart de QI entre les blancs et les noirs est deux fois plus marqué chez les plus riches que chez les plus pauvres.
Le chapitre 14 est un peu l’extension du précédent. S’appuyant toujours sur les données du NLSY, les auteurs examinent les conséquences des disparités ethniques de QI, notamment entre les noirs, les blancs et les latinos. Les auteurs examinent ici l’impact du QI sur les différences de taux de chômage, de salaires, de criminalité, de taux de mariage, etc. Pour être bref, le QI peut avoir un impact considérable sur les résultats socio-économiques. Le meilleur exemple qu’ils proposent est l’examen des disparités de salaires par type de profession lorsque sont contrôlés (1) l’âge, (2) l’âge et l’éducation, (3) l’âge, l’éducation et le SSE parental, (4) l’âge et le QI. Le tableau ci-dessous présente la situation de façon très claire :
Quand l’âge et le QI sont contrôlés, les différences s’évaporent complètement, pour ainsi dire. Cette donnée ne s’accorde pas bien avec l’idée selon laquelle les noirs gagnent moins de revenus parce qu’il seraient victimes de discrimination.
Contrôler le niveau de QI réduit considérablement les différences du revenu familial. Quand le QI n’est pas pris en compte, les taux de pauvreté étaient de 7%, 26%, et 18% pour les blancs, les noirs et les latinos. Une fois le QI pris en compte, les taux sont de 6%, 11%, et 9%, respectivement. Ce n’est pas tout. Lorsque le QI est contrôlé, les différences ethniques dans la probabilité de donner vie à un enfant de faible poids de naissance sont réduites entre les noirs et les blancs, de même que la probabilité d’avoir un enfant à bas QI, de vivre des aides sociales, ou d’avoir été au chômage. Il faut bien comprendre néanmoins que certaines disparités persistent encore, même après contrôle du QI. Cela ne signifie pas, comme les critiques laissent souvent entendre, que le QI n’est pas un prédicteur important, mais simplement qu’il y a d’autres facteurs explicatifs au-delà du QI.
En revanche, certains détails sont assez exceptionnels et méritent qu’on s’y focalise. Par exemple, une fois le QI contrôlé, les différences entre les blancs et les noirs dans la probabilité d’obtenir un diplôme universitaire ne sont pas tout à fait réduites puisque, à QI constant, les noirs (68%) sont même plus susceptibles que les blancs (50%) d’obtenir un diplôme. La même chose est vraie en ce qui concerne la probabilité d’occuper une profession de niveau supérieur, à 10% pour les blancs, et 26% pour les noirs. Plusieurs explications sont possibles. Soit les noirs font preuve de plus de motivation que les blancs, soit les noirs sont avantagés du fait de la discrimination positive. Cette dernière hypothèse est celle optée par les auteurs, bien que certains chercheurs ne sont pas spécialement d’accord, optant pour la première hypothèse.
Dans tous les cas, l’importance du QI explique pourquoi les autorités publiques ont plusieurs fois tenté de stimuler le QI des enfants pauvres. Le chapitre 17 apporte justement une réponse concrète quant à savoir si le QI est aussi « malléable » qu’on le prétend. Si tel était le cas, les interventions éducatives financées à coût de milliards de dollars produiraient des effets substantiels parmi les enfants de familles défavorisées. Par voie d’introduction, les auteurs mettent en garde sur l’impact des interventions. Même si le QI pouvait être stimulé de cette manière, il ne s’ensuit pas que les différences entre groupes vont se rétrécir. La littérature indique plutôt le contraire. L’explication tient du fait que les enfants à fort QI en profiteraient davantage. Lorsque les ressources supplémentaires sont mises à la disposition de tout le monde, disons une bibliothèque, ce sont les enfants intelligents à être les plus susceptibles de consulter les bibliothèques.
Mais que se passe-t-il si la durée des interventions s’étale sur les années ? La réponse est que le gain de QI s’estompe. Pour preuve, les célèbres Perry Preschool, Head Start, Infant Health and Development Program, etc., n’ont pas réussi à stimuler le QI des enfants pauvres, blancs et noirs, de façon durable. L’explication tient du fait que la variance génétique du QI augmente de l’enfance à l’âge adulte. Les gains de QI s’évaporent naturellement. Il existe un énorme consensus autour de la question de la durabilité des gains de QI. Il se trouve que les années qui suivent la fin des programmes éducatifs, les gains de QI s’estompent rapidement. La méta-analyse de Leak, Is Timing Everything? (2010), parvient à la même conclusion. De façon générale, les interventions sont de purs échecs, et décrits par les auteurs comme un gaspillage en termes d’efforts, d’investissement, et d’argent.
L’échec des politiques inspirées de l’idéal égalitariste repose sur l’idée erronée que les comportements et les environnements peuvent être façonnés indépendamment de la volonté des individus. Comme ils l’ont clairement expliqué, au delà du QI, la liberté d’agir et de se comporter différemment est cela même qui crée les inégalités économiques que l’État-providence tend à supprimer. S’attaquer à ce problème signifie supprimer le libre arbitre, les libertés individuelles étant comprimées dans un uniformisme toujours plus grand.
L’idée que les inégalités soient le reflet du capitalisme dégénéré est assez curieuse, autant qu’improbable. Comme Gottfredson l’a expliqué, dans Why g Matters (1997), il s’avère que la complexité croissante de nos sociétés accentue les disparités sociales simplement parce que l’avantage (désavantage) d’un QI élevé (faible) devient alors plus important. Le même argument a été avancé par Herrnstein et Murray qui, en outre, suggèrent que la stratification sociale, et avec son corollaire la ségrégation sociale des riches entre riches et pauvres entre pauvres, peut aussi avoir été accentuée par la prime au diplôme. Dans la mesure où le diplôme est devenu un passe obligatoire, les individus à faible capacités cognitives ayant échoué à obtenir ces diplômes voient leurs opportunités se réduire. Tout ceci s’accompagnant d’une inflation de la bureaucratisation, les individus à faible QI ont plus de difficulté à gérer cette complexité croissante, comme de contourner la réglementation. C’est pourquoi les auteurs recommandent sérieusement de repenser ce système dépourvu de sens qui ne possède l’avantage que de favoriser les individus à fort QI.
Mais selon les auteurs, les inégalités ne sont pas autant un problème que l’élargissement des disparités culturelles. L’État-providence en aurait une grande part de responsabilité. Quand le gouvernement souhaite étendre sa politique de logements sociaux, de centres de garderie et refuges pour sans-abri, les individus à revenus modestes vont avoir tendance à se regrouper et former des ghettos de plus en plus concentrés. Le regroupement de personnes aux caractéristiques similaires, cherchant les mêmes intérêts dont celui de récipiendaire, conduit aussi à la ghettoïsation d’une culture, celle qui prévaut dans le quartier.L’hétérogénéité au sein d’un quartier diminue alors qu’elle augmente entre différents quartiers. C’est le scénario qu’ils ont prédit, et dont Murray détaille en profondeur dans son récent livre, Coming Apart.
Parmi les recommandations qu’ils ne font pas, mais que les critiques tendent encore à lui prêter, serait le recours à l’eugénisme. Ils ont été très clairs là-dessus : « The government should stop subsidizing births to anyone,rich or poor«  (le gouvernement devrait cesser de subventionner les naissances, que les parents soient riches ou pauvres). En revanche, ils recommandent vivement de repenser l’État-providence qui selon eux serait responsable de l’érosion de la famille, avec pour conséquence l’augmentation des naissances illégitimes et des familles monoparentales ainsi que le déclin du mariage. Bien entendu, le premier coupable serait la révolution féministe, mais l’état-providence décourage clairement la responsabilité à diriger une famille. Cela est un frein à la mobilité sociale. Charles Murray développe en profondeur cette idée dans Losing Ground. L’idée populaire selon laquelle il serait plus difficile aujourd’hui de constituer une famille traditionnelle parce que les gens à revenus modestes ne gagneraient justement pas assez d’argent, n’est pas supportée par les faits. Ce détail est d’importance puisque ces incitations perverses sont vraisemblablement les mêmes que celles qui conduisent à l’augmentation de la criminalité, masquée par la hausse du taux d’incarcération.
Les règles actuelles sont devenues complexes à tous les niveaux parce que l’élite cognitive considère qu’un système de règles complexes est plus efficace, voire supérieur; l’ironie étant qu’il a été conçu pour aider les pauvres. Mais la nécessité de déchiffrer, démêler toute cette complexité est une barrière pour les individus moins intelligents. Cette simplification des règles est nécessaire même en ce qui concerne les notions de justice et d’honnêteté pour ainsi éviter les interprétations maladroites d’un principe moral complexifié. Les auteurs pensent sans doute que l’idéologie selon laquelle tout individu possède le même potentiel cognitif est dangereuse. Cette idée fausse conduit à former des systèmes dommageables pour ceux qu’ils sont censés aider.
Addendum – par Le Minarchiste.
J’ai demandé à M.H. de rédiger cette synthèse sur The Bell Curve car je crois que c’est un sujet fascinant et qui a de nombreuses implications en terme de politiques publiques. Tout d’abord, la complexification du système social qui désavantage les plus pauvres, la « ghettoisation » des pauvres résultant des politiques d’État-providence et le subventionnement des naissances dans les familles pauvres sont à considérer.
Par ailleurs, cet ouvrage apporte des réponses intéressantes aux interrogations soulevées dans mon article sur la mobilité sociale. Aux États-Unis, la mobilité sociale est moins élevées chez les plus riches (voir ce tableau), autrement dit les enfants dont les parents sont dans le premier quintile de revenus ont de grandes chances de se retrouver eux aussi dans le premier quintile de revenus. Pourquoi? Selon The Bell Curve, ces enfants héritent de leurs parents d’un QI plus élevé de la moyenne, ce qui leur permet de demeurer parmi les plus riches. Legraphique ci-bas supporte cette affirmation : les jeunes enfants de parents plus éduqués que la moyenne (et aussi plus riches que la moyenne) réussissent mieux des tests de vocabulaire que les autres, avant même que le SSE n’ait pu avoir un impact significatif. Cet élément explicatif – le QI – a été largement négligé par les chercheurs qui ont étudié la faible mobilité sociale des États-Unis.
D’autre part, la moins grande mobilité sociale des États-Unis pourrait simplement refléter le fait que la structure économique de ce pays est plus méritocratique et qu’une intelligence supérieure y permet d’obtenir un revenu supérieur (i.e. la prime au diplôme y est plus élevée). En fait, un objectif des politiques publiques pourrait être de faire en sorte que les individus à QI élevés nés dans une famille pauvres puissent quand même réaliser leur plein potentiel. Les chiffres montrent qu’aux États-Unis, cet objectif est atteint.
Finalement, l’héritabilité et la non-malléabilité du QI démontrent que les interventions gouvernementales pour favoriser la mobilité sociale ne peuvent être fructueuses, à un point tel que les bénéfices pourraient bien être inférieurs aux conséquences négatives inattendues. Cela me donne envie de rééditer mon article sur la courbe de Gatsby…

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