TOUT EST DIT

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mercredi 21 novembre 2012

Faut-il en rire ou en pleurer ?

Faut-il en rire ou en pleurer ? 


Faut-il en rire ou en pleurer ? demandait naguère, chaque jeudi, dans Rivarol, mon confrère et ami Charles Filippi. La même question revient, à l’issue de cette fin de semaine mouvementée. Commençons par les pleurs… mais il y aura des rires au milieu. Nous terminerons par les rires, non sans larmes, de colère ou de dérision.
Les opposants au projet de loi Taubira ont réussi la mobilisation de la rue, plus encore, la percée médiatique sans laquelle la rue n’est rien. Mais l’unité n’était pas là, et je crains fort que la division soit la gagnante de ces deux journées. D’un côté, il y a ceux qu’on ne veut pas voir, ou plutôt aux côtés de qui on ne souhaite pas être vu, et de l’autre, il y a l’anathème doctrinal, le tout accompagné de critiques, fondées, sur le style choisi et ses inconvénients. On peut en débattre sans aucune limite, et plus on en débattra et moins on approchera de la solution. Il faudrait un chef… mais serait-il suivi ? « Depuis que j’ai commandé une coalition, disait le maréchal Foch, j’ai beaucoup moins d’admiration pour Napoléon. » Même le roi des rois, au commencement de l’Iliade, n’a pas pu imposer sa volonté à Achille. Ulysse, malgré tout son talent, n’y parvient pas non plus. La vraie guerre, c’est la guerre des chefs, dans le même camp. « La colère d’Achille, chante-la, ô ma muse ! » Tel est le premier vers de la première épopée de notre histoire et Homère continue : « cette colère lamentable, qui valut aux Grecs tant de morts, et de défaites… ».
Copé n’est pas Achille, Escada n’est pas Agamemnon, Fillon n’est pas Ulysse, et fort heureusement pour elle, Frigide Barjot n’est pas Iphigénie. Revenons à notre rivage ordinaire. Le drame cède la place à la comédie, la tragédie au ridicule. Les larmes s’effacent devant le rire.
Avec le recul, ma tardive sympathie pour Nicolas Sarkozy, qui me valut quelques courriers un peu vifs – mais c’est là le bonheur du chroniqueur – va en augmentant. Nous lui reprochons, avec raison, de n’avoir pas tenu, en cinq années, les belles promesses grâce auxquelles il fut élu. Mais nous commençons à mesurer aussi le mal qu’il a dû avoir, chaque jour, à gouverner avec cette improbable coalition qui, aujourd’hui, du premier parti de France, parti du gouvernement, parti sérieux et compétent, sans aucune comparaison avec les partis d’opposition – surtout avec un, le Front national – donne l’image d’une famille en déroute, que les avocats et les procédures vont finir de dépecer.
Tant que Nicolas Sarkozy était là, en campagne pour gagner, puis pour tenter de gouverner, au moins officiellement, la maison semblait tenir. Maintenant qu’ils ont réussi à l’empêcher de continuer, car ils furent les artisans les plus certains de sa défaite, les voici retournés à leurs ornières. La situation est insoluble, puisque Copé veut être candidat en 2012 et que Fillon, bien sûr, le veut aussi.
Oui, mais… au travers de ces guérillas, la gauche au pouvoir fait son office de rassembleur, et, au moins, grâce à elle les bons, les gentils, les silencieux commencent à retrouver le goût de la marche et du pavé. Les familles quittent leur maison pour descendre dans la rue. Qu’importe qu’elles y viennent en ordre dispersé ! Elles y sont. Et leur nombre leur donnera envie d’être encore plus nombreuses, l’année prochaine. Qui les bouge ainsi ? L’Alliance Vita ? Les évêques ? Civitas ? Saint-Nicolas du Chardonnet ? Chacun, peut-être, à sa manière … mais le vrai mobilisateur c’est le projet de loi Taubira. Le seul véritable fédérateur de l’union des droites, c’est le gouvernement de la gauche. Heureusement, nous en avons pour cinq ans, le temps peut-être que la dynamique d’union l’emporte fatalement, non par le génie d’un homme providentiel, mais par le poids de la nécessité.
Rêvons un peu sur les suites de cette obligatoire mobilisation. Elle a commencé sur un beau sujet. Pour un peuple qu’on disait mesquin, racorni, vieilli, s’intéressant d’abord à son train de vie et à ses ennuis de santé, un mouvement passionné pour défendre le mariage est la marque d’un beau désintéressement. Or, dans cette passion qui, seule, pour l’instant met du monde dans la rue, aucun parti politique n’est présent. Leurs chefs laissent les militants, adhérents ou sympathisants, manifester à leur gré – merci quand même de cette autorisation – mais sans eux-mêmes y aller ès qualités, exception faite pour le noble Bruno Gollnisch.
C’est un bon signe du décalage entre la classe politique – tous partis confondus – et ce que ressent la population. Pourquoi ne pas travailler à faire surgir de ce réveil du peuple de France – commencé sous d’aussi purs auspices – une vraie force politique qui serait en accord avec nos soucis les plus élevés ?
Et s’il était vrai que nos passions sont plus nobles que ne le disent nos prétendus réalistes ? Que la beauté des sentiments, l’ordre de la nature et de l’amour, le sens de la vie et la qualité de notre sociabilité nous importent plus que le niveau de vie et le cours de l’euro ? Que la grandeur de la France et sa fidélité aux promesses de son baptême mettent, dans la rue, plus de monde que la défense sur le pouvoir d’achat ?
Quelle leçon, non seulement pour nous, à usage interne, mais pour les autres pays d’Europe et du monde. Etranges Français qui trop longtemps ont justifié le mot scandaleux de l’une de leur gloire passagère, « les Français sont des veaux ! », et qui, inexplicablement, s’en vont défendre la vraie nature du mariage ! Eux qui ont écrit, dans leur histoire littéraire, le plus grand nombre de comédies sur l’adultère et les cocus… mais il faut dire que le mariage est consubstantiel à la comédie, à l’adultère et au cocuage, car qui peut faire un beau cocu sinon un mari aveugle et vaniteux ?
Le désordre des passions comme l’ordre des sentiments et des mœurs veulent le mariage. Sans le mariage, point de rires, ni de pleurs. Peut-être fallait-il Christiane Taubira et son absurde projet pour que, subitement, nous entrevoyions la beauté de ce que nous vivons sans même plus le savoir. « Si le Seigneur permet de tels événements, croyez-vous que ce soit pour son édification ou pour la nôtre ? » disait, en substance, saint Augustin à ceux qui se désolaient de la chute de l’Empire romain.
La destruction du mariage, c’est plus grave que la chute de l’Empire romain, qui a tout connu, en mode de perversion, mais pas celle « de l’ouverture du mariage aux personnes du même sexe ».
Nous vivons vraiment une époque sans précédent.
Faut-il en rire ou en pleurer ?

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