TOUT EST DIT

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dimanche 16 septembre 2012

« Il est encore facile de faire de l’argent »

Le prix Nobel d’économie s’interroge dans son dernier livre sur les inégalités et leurs conséquences financières et sociales. Des inégalités, dit-il, qui s’accroissent avec les politiques d’austérité.
Quatre ans après le début de la crise, il y a autant de spéculation bancaire et c’est l’une des causes des inégalités que vous dénoncez (*). N’a-t-on pas tiré les leçons de la crise ?
Certains d’entre nous l’ont fait. Mais malheureusement les banques ont eu beaucoup d’influence et ont évité le type de régulation qui aurait mis un terme à l’excès de prise de risque. Depuis 2008, il y a quand même eu quelques améliorations, mais il est encore facile de faire de l’argent en manipulant les marchés. On sait par exemple que le Libor, qui sert de référence au marché monétaire, est faux et manipulé : cela représente 350 millions de milliards basés sur des chiffres faux et manipulés !
Quelle est la solution ?
Elle n’est pas économique, mais politique. Nous savons comment réguler le secteur financier, comment obtenir plus de transparence dans les transactions, comment réduire l’excès de prise de risque. Mais les banques ont une immense influence politique car dans notre système, l’argent compte et fait la différence. C’est lui qui finance les campagnes électorales…
Voyez-vous un lien entre l’influence des banques et les politiques d’austérité mises en place en Europe ?
La plupart des politiques économiques sont influencées par Wall Street et les marchés. Partout où l’austérité a été imposée, cela a échoué. Pourtant c’est cette politique que l’on continue de mener ! L’austérité va aggraver la récession. J’ai toujours dit que cela affaiblirait les économies et que les améliorations budgétaires seraient décevantes. L’austérité a désormais entraîné l’Espagne et la Grèce vers la dépression !
Est-il possible de faire autrement alors que la dette européenne est colossale ?
L’Europe devrait mutualiser sa dette. Si l’Europe empruntait en tant que groupe des pays européens, elle aurait des taux d’intérêt plus faibles, et pourrait utiliser l’excédent de l’argent pour stimuler les économies de chacun des pays.
Donc il faut aller vers une Europe fédérale ?
C’est la seule voie pour que l’euro survive.
Donc l’euro a encore un avenir ?
Si les Etats européens vont dans cette direction, oui.
Quels sont les secteurs économiques où l’Europe peut réussir ?
L’avenir de la croissance passera par le secteur des services : l’éducation, la santé, le tourisme, la culture.
L’Europe industrielle, c’est fini ?
L’emploi dans la production manufacturière va diminuer partout car l’accroissement de la productivité dans la fabrication a été plus rapide que la demande. C’est un succès en raison de l’innovation. Il y a cent ans, 70 % de la population travaillait dans le secteur agricole contre 2 à 3 % aujourd’hui. De la même façon que l’on est passé de l’agriculture à l’industrie, il faut évoluer de l’industrie aux services.
Quelle analyse faites-vous de l’évolution de la France depuis quelques années ?
La France a moins d’inégalités que les Etats-Unis mais plus que la Scandinavie. Mais la question est de savoir si à l’avenir, la France va davantage ressembler aux Etats-Unis ou à la Scandinavie. Les signaux montrent que l’écart entre les 1 % les plus riches et les autres s’accroît. En ce sens, la France tend plus vers les Etats-Unis que vers l
a Scandinavie en termes d’inégalités.
Depuis des années vous militez pour penser le monde autrement. Avez-vous le sentiment que l’on y vient ?
Oui, je suis très optimiste. Notre rapport sur la mesure du progrès social a fait naître des débats dans de nombreux pays. Pour moi, simplement le fait d’en parler est positif car cela rappelle aux gens de ne pas se concentrer sur ce seul indice mais de poser des vraies questions : dans quel environnement vivent-ils ? Comment vivent les gens ordinaires ? Quel est le bien-être des gens ? C’est cela qui est important et pas la seule mesure du PIB.

(*) Dernier ouvrage « Le prix de l’inéga-lité » Editions « les liens qui libèrent » (23 €)

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