TOUT EST DIT

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mercredi 22 août 2012

Hollande, de "l'idiot du village" au "grand homme"


L'écrivain Laurent Binet a suivi le candidat socialiste pendant toute la campagne. Il en a tiré un récit façon journal intime, drôle et instructif.
Au début de l'aventure, Laurent Binet a de François Hollande l'image de "sa marionnette des Guignols, qui depuis des années le présentent à peu près comme l'idiot du village". Sauf que l'écrivain n'a pas dix ans (le temps qu'il a mis pour écrire son premier roman historique HHhH, récit du parcours de l'Allemand Reinhard Heydrich, artisan de la solution finale, jusqu'à son assassinat à Prague en 1942) pour cerner son sujet. Rien ne se passe comme prévu* est un journal de campagne qui court du 20 juin 2011 au 6 mai 2012.
Laurent Binet, qui a accès à toutes les coulisses de la campagne de François Hollande grâce à Valérie Trierweiler, assume d'emblée sa subjectivité. Il laisse à Yasmina Reza la "distance de bon aloi" qu'elle avait su garder avec Nicolas Sarkozy en 2007 pour L'aube le soir ou la nuit. Et prévient son lecteur : "Si vous voulez de l'objectivité, il y a les résultats sportifs." Ce livre est donc avant tout le parcours dans le dédale d'une présidentielle d'un "électeur témoin" - c'est son expression.
Normal, donc, que cet ex-prof de ZEP de 40 ans, homme de gauche, "fils de communiste", exprime des doutes en permanence. Entre les deux tours de la primaire, il confie : "Je me sens un peu comme le supporter d'une équipe de foot. Je souhaite ardemment qu'il (Hollande, NDLR) gagne, j'ai voté pour lui dimanche dernier et je revoterai pour lui dimanche prochain." Puis, le 7 février : "Mon problème avec Mélenchon, c'est que j'ai envie de voter pour lui."

"C'est l'ange de la vengeance qui serre les poings"

C'est finalement le Hollande du Bourget qui se révélera le plus fort, puisque Binet votera pour lui dès le premier tour. Le 22 janvier, jour du fameux meeting du candidat PS, l'auteur s'emballe franchement : "Il n'y a plus de Flanby, plus de Babar, plus de gauche molle, c'est l'ange de la vengeance qui serre les poings sous nos yeux pour péter la gueule à la droite, c'est le socialisme réincarné, le champion que la gauche s'est choisi et qui sera digne de notre confiance, le cavalier noir qui va dégommer Sarkozy et sa bande, le nouveau héraut de la social-démocratie dans le monde..." Etc.
Mais Binet confie aussi sa faiblesse. Qu'il s'agisse de timidité ou de fascination, il a du mal à dialoguer avec celui qu'il qualifie vite de "grand homme". L'expression est un peu ironique, mais Hollande paraît vraiment insaisissable, la tête dans ses journaux, dans ses discours, au coeur de la foule, des journalistes. "Personne ne peut dire qu'il connaît Hollande. Pas même moi", confie Trierweiler à Binet.
Alors, il en prend son parti. Finalement, ce sont les "Hollande boys", leurs querelles, leurs envolées franches et souvent drôles qui font le miel de l'ouvrage. Car, au pays de Laurent Binet, le "off" n'existe pas. "Je ne suis pas journaliste, moi !" s'amusait-il à lancer à la troupe du Hollande Tour pendant la campagne. Effectivement, chaque propos est attribué, et cela ne manque pas de sel.

Aubry, "elle pleure tout le temps !"

Le directeur de campagne, Pierre Moscovici, lâche à propos d'un livre "jadis coécrit" avec Hollande : "95 % de ma transpiration et 5 % de son inspiration." Aquilino Morelle (conseiller) n'épargne pas Martine Aubry : "Elle pleure tout le temps ! Au conseil national, juste après l'affaire du Sofitel, elle pleurait, pas parce que politiquement ça nous mettait dans la merde, mais elle était là, bou hou hou, pauvre Dominique, il est en prison ! (...) Et puis Martine, elle ment. Elle est menteuse à un point, c'est pas croyable."
Quant au directeur de la communication, Manuel Valls, il lui arrive de bien s'amuser : "À côté du staff d'Obama, moi, je suis un gentil ! Tiens, l'autre jour, j'ai tapé un journaliste du Parisien, je lui ai fait un bleu." Quant à l'actuel ministre du Redressement productif, il est aussi égratigné par la plume caustique de Binet : "Montebourg vient s'asseoir dans la tribune des invités en saluant la foule, très empereur romain, on a toujours l'impression qu'il a l'impression que la vraie vedette, de toute façon, c'est lui."
Mais le sérieux de Manuel Valls, tout comme la désorganisation qui pouvait régner autour des déplacements - attribuée au sens de l'improvisation de François Hollande - ou encore le bal des courtisans, l'extrême concentration du candidat et le grand spectacle médiatique ressortent largement de ces 307 pages plaisantes et voulues légères.
De Hollande, l'écrivain isole cette réplique à Jean-François Copé, sur France 2, le 15 mars : "Je ne vous raconterai rien parce que je ne suis pas dans un récit." Tout y est.
* Rien ne se passe comme prévu, Laurent Binet, Éditions Grasset, 17 euros.


LA RÉALITÉ EST SOUS NOS YEUX, 
C'EST UN IDIOT.

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