TOUT EST DIT

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vendredi 1 juin 2012

Hollande et la marée mondiale 


Dans la mondialisation expliquée aux nuls - mon viatique ! -, on sait tout du gouffre de notre dette, de l'enchaînement infernal de la faillite grecque sur un euro menacé d'implosion. On glose sur la nécessité de stimuler la croissance afin que la seule austérité ne mette les endettés sur le flanc. Et l'on entend les vertueux du Nord inquiets que les paniers percés du Sud n'y respirent une aubaine pour prolonger leurs vices. La controverse, c'est entendu, se dénouera après les élections françaises et grecques.
Mais, à ce tableau, il manque, je le crains, l'affichage du grand basculement mondial. Celui qui voit les "damnés de la terre" émerger d'une longue détresse et tailler des croupières à l'Occident. Plus de 2 milliards d'hommes conquièrent une place au soleil. Qu'en sera-t-il de la nôtre ? Dans une planète surpeuplée, ce séisme bouge les plaques tectoniques de la démographie et des migrations. Il élève des continents (l'Asie, l'Afrique, l'Amérique latine), il ébranle le nôtre. Il déclasse les anciens logiciels du commerce mondial. Dans notre crépuscule, les pauvres parmi les pauvres découvrent l'aurore.
Chez nous, cette marée mondiale jette au chômage des malheureux chassés d'entreprises délocalisées vers des salariés exotiques aux revenus étiques. Elle envahit nos pays de marchandises venues d'Asie où la camelote et la contrefaçon cèdent désormais le pas aux produits sophistiqués de la génération d'Internet. Une invasion qui suscite, chez nos peuples, la réaction protectionniste. Elle fait lever, dans toute l'Europe politique, les chimères populistes. Mauvais souvenirs !
Défile donc le troupeau des boucs émissaires. En tête, le capitalisme financier. Comme la démocratie, le capitalisme est le pire des systèmes... à l'exception de tous les autres. Il a ses maladies. Elles ont, dans la crise, éclaté au grand jour. Une spéculation hystérique, l'embardée du virtuel, les effarantes disproportions des revenus de la rente et du travail ont désespéré les classes salariées et dévalué la maîtrise des politiques. En Europe, leur incurie dans la gestion de l'euro n'aura rien arrangé. Contre cette déglingue, des traitements variés sont entrepris. Plus qu'on ne dit, moins qu'il ne faut. Mais tous ces travers ne menacent nullement une pratique qui rallie peuples et continents. Dans nos pays riches, l'ère Reagan-Thatcher a sans doute perdu de sa superbe. Mais le capitalisme se régénère... chez les pauvres. Pas chez les nôtres. Chez ceux d'ailleurs.
Ni la démocratie ni l'économie de marché ne sont peut-être, dirait un sage, le but ultime de l'aventure humaine. Mais la planétarisation de l'économie de marché en fait, à notre siècle, le phénomène majeur. Depuis que Deng Xiaoping en a libéré le flux, l'essor chinois fait rêver l'univers. La chute du communisme, avec ses pénuries avérées de biens et de libertés, et son tsunami de victimes, a désenchanté pour longtemps ces illusions.
Comment, en France, affronter le basculement mondial ? On peut nier son importance, douter de son rythme. On peut échafauder - mais dans quel avenir ? - à l'échelle européenne - avec quelle Europe ? - des écluses de protection relative. Mais si on calcule et anticipe ses effets - ce que font les marchés -, les annonces électorales de notre nouveau pouvoir donnent le bourdon.
Elles perpétuent un modèle de développement qui court à la ruine. Il est tiré, à grandes guides, par le quadrige infernal du déclin français : l'endettement massif, le boulet de la dépense publique, l'effondrement industriel de la compétitivité et le record des prélèvements obligatoires. Non seulement la France s'écarte des directions de nos voisins, mais va depuis trente ans à contre-courant (35 heures, régime de retraites, etc.). Elle sanctifie le budget social (par rapport à la richesse nationale) le plus élevé de la planète.
Pour s'en tenir au commerce, et si l'on ne s'aveugle pas sur les profits que les champions d'un CAC 40 réalisent... hors de France, le décor est sinistre. Les exportations françaises baissent continûment depuis quatorze ans. Aggravant cette faible compétitivité productrice, le Hollande électoral se propose d'abaisser notre compétitivité fiscale en accablant les entreprises "du choc fiscal le plus violent depuis la Seconde Guerre mondiale" (1).
Bref, l'ultime niche de l'espérance française, c'est désormais que Hollande arbitre contre ses chimères électorales. Des social-démocraties qui marchent, l'Europe en connaît. Accoucher, à leur exemple, d'une social-démocratie française, fût-elle rénovée dans la douleur, ce serait, pour Hollande, couronner devant l'Histoire un insolite destin national. Le socialiste a vainement rêvé, pour nous, un avenir impossible. Il nous reste à rêver, pour lui, un avenir d'homme d'État.

1. Christian Saint-Étienne.

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