TOUT EST DIT

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vendredi 15 juin 2012

François Hollande est-il sur le point de pousser les Allemands à envisager leur avenir sans la France ?

En cherchant à démultiplier les soutiens auprès des économies vacillantes du Sud, François Hollande se détourne d'Angela Merkel. Une stratégie politique risquée, qui pourrait priver les États du Sud de l'Europe de l'aide financière allemande. Pire, la chancelière pourrait même engager son projet d'Europe à deux vitesses.

Après l'accalmie observée au premier trimestre, l'Europe semble de nouveau au bord de l'éclatement. Les taux espagnols viennent de dépasser la barre des 6%, l'avenir de la Grèce est plus incertain que jamais... Pendant ce temps, François Hollande cherche à démultiplier les soutiens auprès des économies vacillantes du Sud, et se détourne d'Angela Merkel. Sachant que la résolution des grandes problématiques européennes dépend aujourd'hui de l'Allemagne, François Hollande commet-il une erreur stratégique ?

Hans Stark : Il est encore trop tôt pour l'affirmer, mais je ne pense pas que François Hollande poursuive une stratégie particulière. En règle générale, chaque nouveau président français remet en cause le caractère exclusif de la relation franco-allemande.
Si François Hollande poursuit toutefois une stratégie, elle est clairement erronée... Car ce qui est certain, c’est que rien ne pourra être résolu en Europe sans l'aval de l’Allemagne. François Hollande va quand même essayer d’accroître la pression sur l’Allemagne un peu partout, certains parlent même d’une alliance entre Wall Street et le Parti socialiste français... Sa démarche ne se limite donc pas à une alliance avec les économies du Sud.

La stratégie est de mettre la chancelière dos au mur, et de changer radicalement nos politiques économiques. Mais connaissant Angela Merkel, il est certain que François Hollande fait fausse route. La chancelière ne se laissera pas faire, et le contexte économique ne joue pas en faveur du président français, qui ne peut compter davantage sur une "planche pourrie" (économies du Sud) que sur l'Allemagne pour maintenir à flot une zone euro déjà bien affaiblie.

En poursuivant sa stratégie, le président français peut-il toutefois espérer d'Angela Merkel une nouvelle main tendue, notamment dans le cadre de la renégociation du pacte fiscal et de l'ajout d'un volet "croissance" à ce dernier ? 

Je ne pense pas que François Hollande soit en mesure de renégocier le pacte fiscal. Dans tous les cas, du point de vue d'Angela Merkel, ce n’est pas négociable. La question n’est pas là. La principale interrogation est de savoir si le pacte fiscal sera complété par un volet "croissance".
Mais Angela Merkel ne peut s'engager dans cette manifestation de solidarité sans quelques exigences préalables... Concernant notamment la mutualisation partielle de la dette. Ce qui suppose évidemment (contrôle oblige) une ouverture politique vers plus d'intégration européenne. Autrement dit, les Allemands veulent engager des mesures institutionnelles fortes, comme la création d'une union fiscale et budgétaire, soit un premier pas vers le fédéralisme.

Problème, c'est la France qui ne veut pas en entendre parler, et François Hollande qui est dos au mur ! Soit dit en passant, il n’a pas dit qu’il refusait la règle d’or, mais simplement qu'il ne voulait pas la voter... Reste qu'il refuse encore catégoriquement de signer le pacte fiscal. Par ailleurs, le pacte fiscal et la règle d’or ne doivent pas forcement être inscrits dans la Constitution. Ils peuvent être appliqués sur le plan juridique, la constitution n’est pas l’unique portée possible ! En particulier si le président français veut revenir à une politique économique équilibrée.

De toutes les façons, le pacte fiscal entrera en vigueur quand 12 États membres l’auront ratifié. On est donc certain qu’il sera mis en place. Avec ou sans la France reste la grande question... Notons toutefois que seuls les signataires pourront bénéficier du Mécanisme de stabilité financière. La France peut très bien refuser de signer... Néanmoins, au moment où elle aura une difficulté, elle ne pourra pas demander d'aide financière.
En conclusion, l’Allemagne acceptera de donner des aides supplémentaires en matière économique, si en contre partie les structures politiques, économiques et monétaires changent. La France peut refuser tant qu'elle veut de voter la règle d’or, mais ne pourra faire l'impasse sur toutes les concessions réclamées par Angela Merkel. Si la France s'entête et que l'entente cordiale ne se fait pas ? Est-il besoin de rappeler que la chancelière ne s'est pas opposée à la création d'une Europe à deux vitesses, le Nord d'un côté et le Sud de l'autre.


Reste qu'
Angela Merkel et la CDU ont essuyé des échecs électoraux cuisants aux régionales, et le SPD pourrait prendre la main au Bundestag en 2013. La chancelière dispose-t-elle encore véritablement de marges de manœuvre politiques ?

François Hollande surestime l’Allemagne. Il est certain que le SPD va arriver au pouvoir, mais oublie un peu rapidement qu'il ne sera pas à la chancellerie.
Aux propositions que soutient Angela Merkel, le Bundestag doit donner son approbation avec une majorité de 2/3. Aujourd'hui, la chancelière n'a d'autre choix que de s'ouvrir aux vues du Parti social-démocrate allemand (SPD). Ce dernier attend des signaux forts en faveur de mesures de relance pour la croissance, qui ne se trouvent toutefois pas au niveau des eurobonds. Pour avoir le soutien du SPD, Angela Merkel a donc la responsabilité de mener une politique favorable à la reprise de la croissance. Mais cela ne signifie pas non plus céder aux exigences françaises...
Pour le reste, Angela Merkel dispose bel et bien d'une marge de manœuvre, dans la mesure où l’Allemagne assure aujourd’hui 1/3 du mécanisme européen de stabilité financière. L’Allemagne est donc de loin le pays qui contribue le plus au sauvetage des États du Sud. De son côté, le président François Hollande a été clair, il a stipulé aujourd’hui dans sa déclaration gouvernementale qu’il ne faut pas s'attendre à ce que l’Allemagne puisse faire davantage.

Et en effet, si l’Allemagne jouait davantage le jeu des États du Sud, ces derniers finiraient par tuer l’économie allemande.

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