En cherchant à démultiplier les
soutiens auprès des économies vacillantes du Sud, François Hollande se
détourne d'Angela Merkel. Une stratégie politique risquée, qui pourrait
priver les États du Sud de l'Europe de l'aide financière allemande.
Pire, la chancelière pourrait même engager son projet d'Europe à deux
vitesses.
Après l'accalmie observée au premier
trimestre, l'Europe semble de nouveau au bord de l'éclatement. Les taux
espagnols viennent de dépasser la barre des 6%, l'avenir de la Grèce est
plus incertain que jamais... Pendant ce temps, François Hollande
cherche à démultiplier les soutiens auprès des économies vacillantes du
Sud, et se détourne d'Angela Merkel. Sachant que la résolution des
grandes problématiques européennes dépend aujourd'hui de l'Allemagne,
François Hollande commet-il une erreur stratégique ?
Hans Stark :
Il est encore trop tôt pour l'affirmer, mais je ne pense pas que
François Hollande poursuive une stratégie particulière. En règle
générale, chaque nouveau président français remet en cause le caractère
exclusif de la relation franco-allemande.
Si François Hollande poursuit toutefois une stratégie, elle est clairement erronée... Car ce qui est certain, c’est que rien ne pourra être résolu en Europe sans l'aval de l’Allemagne.
François Hollande va quand même essayer d’accroître la pression sur
l’Allemagne un peu partout, certains parlent même d’une alliance entre Wall Street et le Parti socialiste français... Sa démarche ne se limite donc pas à une alliance avec les économies du Sud.
La stratégie est de mettre la chancelière dos au mur,
et de changer radicalement nos politiques économiques. Mais connaissant
Angela Merkel, il est certain que François Hollande fait fausse route. La
chancelière ne se laissera pas faire, et le contexte économique ne joue
pas en faveur du président français, qui ne peut compter davantage sur
une "planche pourrie" (économies du Sud) que sur l'Allemagne pour
maintenir à flot une zone euro déjà bien affaiblie.
En
poursuivant sa stratégie, le président français peut-il toutefois
espérer d'Angela Merkel une nouvelle main tendue, notamment dans le
cadre de la renégociation du pacte fiscal et de l'ajout d'un volet
"croissance" à ce dernier ?
Je ne
pense pas que François Hollande soit en mesure de renégocier le pacte
fiscal. Dans tous les cas, du point de vue d'Angela Merkel, ce n’est pas
négociable. La question n’est pas là. La principale interrogation est
de savoir si le pacte fiscal sera complété par un volet "croissance".
Mais
Angela Merkel ne peut s'engager dans cette manifestation de solidarité
sans quelques exigences préalables... Concernant notamment la
mutualisation partielle de la dette. Ce qui suppose évidemment (contrôle
oblige) une ouverture politique vers plus d'intégration européenne.
Autrement dit, les Allemands veulent engager des mesures
institutionnelles fortes, comme la création d'une union fiscale et
budgétaire, soit un premier pas vers le fédéralisme.
Problème,
c'est la France qui ne veut pas en entendre parler, et François Hollande
qui est dos au mur ! Soit dit en passant, il n’a pas dit qu’il refusait
la règle d’or, mais simplement qu'il ne voulait pas la voter... Reste
qu'il refuse encore catégoriquement de signer le pacte fiscal. Par
ailleurs, le pacte fiscal et la règle d’or ne doivent pas forcement être
inscrits dans la Constitution. Ils peuvent être appliqués sur le plan
juridique, la constitution n’est pas l’unique portée possible ! En
particulier si le président français veut revenir à une politique
économique équilibrée.
De toutes les façons, le pacte fiscal
entrera en vigueur quand 12 États membres l’auront ratifié. On est donc
certain qu’il sera mis en place. Avec ou sans la France reste la grande
question... Notons toutefois que seuls les signataires pourront
bénéficier du Mécanisme de stabilité financière. La France peut
très bien refuser de signer... Néanmoins, au moment où elle aura une
difficulté, elle ne pourra pas demander d'aide financière.
En
conclusion, l’Allemagne acceptera de donner des aides supplémentaires
en matière économique, si en contre partie les structures politiques,
économiques et monétaires changent. La France peut refuser tant
qu'elle veut de voter la règle d’or, mais ne pourra faire l'impasse sur
toutes les concessions réclamées par Angela Merkel. Si la France
s'entête et que l'entente cordiale ne se fait pas ? Est-il besoin de
rappeler que la chancelière ne s'est pas opposée à la création d'une
Europe à deux vitesses, le Nord d'un côté et le Sud de l'autre.
Reste qu'Angela
Merkel et la CDU ont essuyé des échecs électoraux cuisants aux
régionales, et le SPD pourrait prendre la main au Bundestag en 2013. La
chancelière dispose-t-elle encore véritablement de marges de manœuvre
politiques ?
François Hollande
surestime l’Allemagne. Il est certain que le SPD va arriver au pouvoir,
mais oublie un peu rapidement qu'il ne sera pas à la chancellerie.
Aux
propositions que soutient Angela Merkel, le Bundestag doit donner son
approbation avec une majorité de 2/3. Aujourd'hui, la chancelière n'a
d'autre choix que de s'ouvrir aux vues du Parti social-démocrate
allemand (SPD). Ce dernier attend des signaux forts en faveur de mesures
de relance pour la croissance, qui ne se trouvent toutefois pas au
niveau des eurobonds. Pour avoir le soutien du SPD, Angela Merkel a donc
la responsabilité de mener une politique favorable à la reprise de la
croissance. Mais cela ne signifie pas non plus céder aux exigences
françaises...
Pour le reste, Angela Merkel
dispose bel et bien d'une marge de manœuvre, dans la mesure où
l’Allemagne assure aujourd’hui 1/3 du mécanisme européen de stabilité
financière. L’Allemagne est donc de loin le pays qui contribue le plus au sauvetage des États du Sud.
De son côté, le président François Hollande a été clair, il a stipulé
aujourd’hui dans sa déclaration gouvernementale qu’il ne faut pas
s'attendre à ce que l’Allemagne puisse faire davantage.
Et en effet, si l’Allemagne jouait davantage le jeu des États du Sud, ces derniers finiraient par tuer l’économie allemande.
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